27 juillet 2014 : il y a 800 ans, la victoire de Bouvines, gagnée avec le peuple, donnait naissance à la nation française

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la bataille de Bouvines

27 juillet 2014 : Il y a 800 ans  jour pour jour, le 27 juillet 1214, le roi de France Philippe II – dit Philippe-Auguste remportait, avec le peuple français, la bataille décisive de Bouvines.

LES ORIGINES ET LES CONDITIONS DE LA BATAILLE DE BOUVINES

Le roi Jean d’Angleterre – surnommé « Jean sans Terre » à l’âge de 14 ans du fait de son rang médiocre dans la succession au trône qui laissait penser qu’il n’hériterait d’aucune terre significative – était entré en conflit avec la papauté, notamment sur le mode d’élection de l’archevêque de Cantorbéry. Cela lui avait valu d’être excommunié par Innocent III en novembre 1209.

Ayant ensuite résolu ce conflit, puis vaincu avec succès l’insurrection galloise de 1211, le roi Jean avait alors décidé de tourner son attention vers le continent, où il avait des intérêts : membre de la dynastie angevine des Plantagenêts, il était le cinquième et dernier fils du roi Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine, et il avait été Duc de Normandie de 1199 à 1204.

Allié avec l’empereur du Saint-Empire Romain germanique Othon IV, qui était son neveu, contre le roi de France,  le roi Jean d’Angleterre décida d’attaquer le royaume de France avec pour objectif Paris. Pendant que les Anglais attireraient les Français au sud, les impériaux allemands  auraient le champ libre et pourraient attaquer la capitale par le nord.

2 juillet 1214 : la bataille de la Roche aux Moines : le dauphin de France contre l’armée anglaise

Le 16 février 1214, le roi anglais débarqua avec ses troupes à La Rochelle et fit de Rochefort-sur-Loire sa base d’opérations. Prenant connaissance de ce débarquement, Philippe II, dit « Philippe-Auguste», roi de France, descendit le plus rapidement possible jusqu’à Châtellerault, avec son fils, le prince Louis, le futur roi de France Louis VIII, dit « le Lion ».

Jean sans Terre, ayant appris le déplacement des Français, amorça alors une manœuvre de repli, espérant attirer ses ennemis au plus loin de Paris. Mais Philippe-Auguste sentit le danger, flaira la manœuvre anglaise et arrêta son armée à Chinon. Lorsque la nouvelle de l’attaque d’Othon IV par le nord lui parvint grâce à ses espions, Philippe-Auguste décida de scinder sa force en deux, pour affronter les deux armées qui attaquaient son royaume. Il remonta alors au nord pour se confronter à l’empereur, tandis que son fils s’occupait des Anglais au sud.

Le roi Jean d’Angleterre se heurta au fils de Philippe-Auguste à la Roche aux Moines (près de l’actuelle Savennières dans le Maine-et-Loire), et fut battu le 2 juillet 1214. Grâce notamment à la résistance héroïque de la forteresse commandée par Guillaume des Roches, Jean sans Terre s’enfuit finalement sans combattre, en laissant sur place ses machines de siège et en rentrant en Angleterre.

27 juillet 1214 : la bataille de Bouvines : le roi de France contre une coalition « européenne »

Trois semaines après que son fils, le dauphin Louis, eut réussi à faire fuir le roi Jean d’Angleterre au sud, Philippe-Auguste se heurtait quant à lui à l’armée de l’empereur allemand Othon IV à Bouvines. Bouvines est un lieu situé dans l’actuel département du Nord, au sud-est de Lille.

Entouré de chevaliers fidèles – Eudes de Bourgogne, Robert de Dreux et Guillaume de Ponthieu notamment – et de milices communales, le roi de France fit face à une coalition « européenne » avant la lettre.

Cette coalition était constituée de :

  • Jean sans Terre, roi d’Angleterre, qui avait monté et financé la coalition, mais qui ne participa pas à la bataille puisqu’il avait fui en Angleterre.
  • Othon IV, empereur du Saint-Empire romain germanique
  • Guillaume Ier, comte de Hollande
  • Guillaume de Longuespée, comte de Salisbury, fils illégitime d’Henri II d’Angleterre et demi-frère de Jean sans Terre
  • Henri, marquis d’Anvers, duc de Basse-Lotharingie et duc de Brabant (dans l’actuelle Belgique)
  • Philippe, marquis de Namur (dans l’actuelle Belgique)
  • Ferrand de Portugal, Infant de Portugal et comte de Flandre et de Hainaut (dans l’actuelle Belgique)
  • Thiébaud, duc de Lorraine
  • Renaud de Dammartin, comte de Boulogne (en rébellion contre le roi de France, son ami d’enfance)

Le roi de France et ses troupes étaient dans une infériorité numérique marquée. Bien que les estimations des historiens varient (les historiens du XIXe siècle considéraient que le rapport était de 1 à 3), on estime  aujourd’hui que les troupes coalisées comptaient 24 000 hommes, dont 2 000 chevaliers, tandis que les troupes françaises auraient pu compter jusqu’à 20 000 hommes, dont 1 500 chevaliers.

L’armée royale fut divisée en trois :

  • L’aile droite, commandée par le duc Eudes de Bourgogne et ses lieutenants, se composait des hommes d’armes et des milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne et de Picardie, et couverte par les sergents à cheval du Soissonnais.
  • L’aile centrale, menée par Philippe-Auguste et ses principaux chevaliers, se composait de l’infanterie des communes d’Île-de-France et de la Normandie, en avant du roi et de ses chevaliers.
  • L’aile gauche, composée de chevaliers et de la piétaille, emmenée par Robert de Dreux et le comte Guillaume de Ponthieu, se composait de la gendarmerie bretonne, des milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux.

En face, l’empereur Othon IV avait également divisé son armée en trois groupes :

  • Le flanc gauche, sous les ordres de Ferrand, comte de Flandre, avec ses chevaliers flamands, et des soldats de la Flandre et du Hainaut.
  • Le centre, sous le commandement de Othon IV, de Thiébaud, duc de Lorraine, d’Henri, duc de Brabant et du comte Philippe II de Courtenay-Namur : on y trouvait des soldats saxons, des chevaliers et des fantassins brabançons et allemands.
  • Le flanc droit, sous les ordres de Renaud de Dammartin, comprenait également de l’infanterie brabançonne et des chevaliers anglais – sous les ordres du comte de Salisbury Guillaume de Longuespée. À l’extrême droite, les archers anglais et les routiers du Brabant flanquaient les noblesses des deux Lorraines et du Palatinat.

La Bataille de Bouvines est ainsi extraordinairement symbolique – et annonciatrice de la suite de notre histoire nationale – en ce sens qu’elle opposa :

  • d’un côté un chef d’État français qui s’appuyait sur le peuple français, en l’occurrence les milices communales,
  • de l’autre côté une coalition anglo-saxonne, soutenue par des potentats français régionaux, en rébellion contre le pouvoir central  français.

LE DÉROULEMENT DE LA BATAILLE DE BOUVINES

Comme en 2014, le 27 juillet 1214 tombait un dimanche. Or l’Église avait décrété depuis 1027, qu’« Il est interdit d’assaillir son ennemi depuis la neuvième heure du samedi jusqu’à la première heure du lundi ».  Philippe-Auguste, veillant à conserver le soutien de la papauté et à éviter les refus de transgresser un tabou religieux de la part de ses troupes, exclut l’hypothèse d’attaquer un dimanche, jour dédié à Dieu et non à la guerre. Mais, n’écartant pas l’idée de se défendre, il poussa les coalisés à l’attaquer en ce jour saint.

Le premier choc fit s’affronter l’aile droite de l’armée française, commandée par Eudes de Bourgogne, et l’aile gauche de l’armée d’Othon IV, commandée par Ferrand de Flandre. Les chevaliers et les milices françaises chargèrent si vigoureusement que Ferrand se rendit au bout de quelques heures.

L’affrontement au centre fut en revanche initialement dominé par l’infanterie de l’empereur, avec l’objectif de tuer Philippe-Auguste. Une partie des troupes coalisées de l’aile gauche se déportèrent au centre pour soutenir l’effort de capture du roi de France.  Mais Philippe-Auguste, un moment menacé, fut sauvé par ses chevaliers.

L’aile gauche de l’armée française, conduite par Robert de Dreux, fut tout d’abord enfoncée par les hommes conduits par Guillaume de Longuespée et Renaud de Dammartin et obligée de défendre le pont de Bouvines pied à pied. Mais Guillaume de Longuespée finit par être capturé et ses soldats anglais prirent alors la fuite. Le seigneur français traître Renaud de Dammartin, qui faisait partie des coalisés, fut bien sûr le dernier à résister farouchement sur le champ de bataille. Il finit par se rendre à la vue de la débandade générale de ses alliés.

La victoire de Philippe-Auguste fut totale, ses pertes en hommes minimes, et une bonne partie des seigneurs coalisés tomba entre ses mains.

LES CONSÉQUENCES DE LA BATAILLE DE BOUVINES

Les conséquences de la Bataille de Bouvines furent très importantes à la fois en France, en Angleterre et en Europe.

  • La consolidation de la monarchie française et la naissance du sentiment national parmi le peuple

En France, cette bataille, remportée par une armée composée notamment de miliciens des villes françaises (donc des soldats issus du peuple) contre une armée de nobles et de féodaux étrangers, est considérée comme l’un des événements les plus importants de l’histoire de France.

La victoire éclatante de Bouvines permit à la dynastie capétienne de renforcer encore son autorité, tout en affermissant les récentes acquisitions de Philippe-Auguste sur Jean sans Terre. Contrairement à Jean sans Terre, Philippe Auguste apparut désormais comme l’arbitre incontesté, au-dessus de ses barons.

La bataille de Bouvines peint vers 1850, par Horace Vernet

La bataille de Bouvines est un tableau, peint vers 1850, par Horace Vernet. Le peintre a représenté ici un épisode raconté par les chroniqueurs de l’époque, d’après lesquels Philippe Auguste, au moment où la bataille allait s’engager, aurait déposé sa couronne sur l’autel en l’offrant au plus digne. Ses barons lui auraient répondu avec des acclamations que nul n’en était plus digne que lui.

Le retour de Philippe-Auguste à Paris fut triomphal ; les festivités durèrent six jours et furent exploitées par la monarchie pour en faire l’une des premières manifestations de l’unité nationale : Philippe Auguste écrivit à l’Université de Paris : « Louez Dieu !, car nous venons d’échapper au plus grave danger qui nous ait pu menacer… ».

Pour l’historien Jean Favier, Bouvines est en effet « l’une des batailles décisives et symboliques de l’histoire de France ».

Pour l’historien Georges Duby, c’est l’un des événements fondateurs et constitutifs de la nation française et du sentiment d’appartenance à la France, au moins pour les habitants du bassin parisien.

L’affaiblissement de la monarchie britannique et le fondement de la démocratie

Les conséquences de la bataille de Bouvines furent évidemment inverses en Angleterre. Vaincu, Jean sans Terre dut accepter une paix défavorable avec le roi de France. Il reconnut la perte de de la Normandie, du Maine, de l’Anjou, de la Touraine et de la Bretagne, dont les Français l’avaient dépossédés depuis 1206. Regagnant l’Angleterre piteusement, il fut confronté à la révolte des barons, dont plusieurs s’étaient déjà rebellés contre lui après son excommunication par le Pape Innocent III, cinq ans auparavant.

Pour sauver sa couronne, le roi Jean fut alors contraint d’accorder à ses barons, l’année suivante, la fameuse Grande Charte [des Libertés ] (appelée en latin Magna Carta Libertatum ). Signé par le roi lors d’une rencontre avec le chef des féodaux à Runnymede, près de Londres, le 15 juin 1215, ce document revêt une importance historique considérable puisqu’il est le tout premier, dans l’histoire de l’Europe, à limiter les pouvoirs royaux.

Par cette Charte, qui est l’une des bases de la démocratie britannique, la royauté en Angleterre ne fut dorénavant plus une monarchie absolue. Il fallut attendre 574 ans pour que la France rompe à son tour avec la monarchie absolue, en 1789.

 La Magna Carta Libertatum ou « Grande Charte » est une charte de soixante-trois articles arrachée par le baronnage anglais au roi Jean sans Terre le 15 juin 1215, après une courte guerre civile notamment marquée par la prise de Londres, le 17 mai, par les rebelles. Les barons étaient excédés des exigences militaires et financières du roi et de ses échecs répétés en France, en particulier à Bouvines et à La Roche-aux-Moines.

La Magna Carta Libertatum ou « Grande Charte » est une charte de soixante-trois articles arrachée par le baronnage anglais au roi Jean sans Terre le 15 juin 1215, après une courte guerre civile notamment marquée par la prise de Londres, le 17 mai, par les rebelles. Les barons étaient excédés des exigences militaires et financières du roi et de ses échecs répétés en France, en particulier à Bouvines et à La Roche-aux-Moines.

L’accession de Frédéric II de Hohenstaufen au trône du Saint Empire Romain germanique

La Bataille de Bouvines eut d’autres conséquences dans le reste de l’Europe.

  • Ferrand de Portugal, Infant de Portugal et comte de Flandre et de Hainaut, fut fait prisonnier et passa pas moins de quinze ans en prison au château du Louvre à Paris.
  • Othon IV s’enfuit et fut déposé par les princes allemands. Il ne conserva que le duché de Brunswick. Il fut remplacé sur le trône par Frédéric II de Hohenstaufen, qui avait déjà été élu roi des Romains en 1196 et roi de Germanie en novembre 1211.

Le nouvel empereur était une personnalité hors du commun, qui avait passé son enfance en Sicile et qui parlait au moins six langues (latin, grec, sicilien, arabe, normand et allemand). S’étant vivement intéressé à la culture arabo-musulmane et s’habillant parfois à l’orientale, il accueillait des savants du monde entier à sa cour, portait un grand intérêt aux mathématiques et aux beaux-arts, se livrait à des expériences scientifiques, interrogeait des savants musulmans sur des questions théologiques et édifiait des châteaux dont il traçait parfois les plans.

Grâce à ses bonnes relations avec le monde musulman, il mena à bien la sixième croisade — la seule croisade pacifique — et fut le second à reconquérir les lieux saints de la chrétienté, après Godefroy de Bouillon. Devenu une légende, Frédéric II de Hohenstaufen fut surnommé Stupor Mundi (la « Stupeur du monde ») et le « prodigieux transformateur des choses » par ses contemporains. Mais le pape Grégoire IX, qui l’excommunia à deux reprises, l’appelait « l’Antéchrist ».

CONCLUSION : LA BATAILLE DE BOUVINES DÉFIGURÉE PAR LES EUROPÉISTES

Pour ce 800e anniversaire de la grande victoire de Bouvines, les européistes ont évidemment fait en sorte d’en taire ou d’en dénaturer la portée.

  • D’une part, les grands médias ont gardé un silence presque complet sur ce très grand événement de notre histoire de France. Le président de la République lui-même n’a pas eu une minute à lui consacrer, trop occupé qu’il était à faire semblant, devant les caméras et sur le perron de l’Élysée, de coordonner les opérations de recherche de l’avion d’Air Algérie écrasé au Mali.
  • D’autre part, les rares acteurs qui ont parlé de la Bataille de Bouvines ont fait très attention à la défigurer, en l’utilisant comme un outil de promotion… de l’Europe !

Ainsi, une association BOUVINES 2014 a été créée spécialement pour commémorer le 800e anniversaire de la bataille. Subventionnée notamment par l’État et des collectivités locales de la région, cette association a indiqué d’emblée sa volonté de réécrire complètement l’histoire :

Nous souhaitons faire de cet anniversaire un évènement majeur sur le plan régional, national et européen. Ces évènements recouvreront trois thèmes forts : la paix, la jeunesse et l’Europe. La paix, car si Bouvines est une victoire, nous sommes convaincus que la plus belle des victoires, c’est la paix. L’Europe, parce que ce qui s’est passé à Bouvines est un événement européen qui s’inscrit dans ce socle de mémoire commune. La jeunesse, parce que c’est elle qui construira cet avenir et qui portera les valeurs tirées du passé.

la bataille de Bouvines 2014

Quelques rares médias ont fait état de cet anniversaire, mais toujours pour faire dire à la bataille de Bouvines le contraire exact de ce qu’elle fut. Ainsi le journal La Montagne s’est-il interrogé, en bon eurolâtre : « L’Europe est-elle née à Bouvines ? »

Les européistes tentent de récupérer cette commémoration à leur profit mais ils ne trompent personne, en tout cas pas les nombreux Français qui connaissent l’histoire de notre patrie et qui aiment la France.

Car, dans le contexte actuel de la réforme territoriale qui nous rapproche petit à petit d’une Europe des régions dominée par les idées et la doctrine anglo-saxonnes d’une part et soutenue par les seigneurs régionaux du moment d’autre part, la victoire de Bouvines reste hautement symbolique.

Elle rassemble en effet des ingrédients que l’on retrouve de façon récurrente tout au long de notre histoire :

  • le peuple français d’un côté, rassemblé derrière un chef d’État digne de ce nom pour défendre sa liberté et sa souveraineté,
  • les puissances européennes de l’autre côté, soutenues par une élite française ambitieuse et opportuniste.

L’inversion du sens des mots ou des faits est toujours l’indicateur d’un système totalitaire, ainsi que l’a très bien illustré Georges Orwell dan son roman 1984.

Cette tentative de récupération ridicule ne surprend donc pas l’UPR qui invite les Français à méditer les leçons de l’histoire et à envisager sereinement l’avenir. L’esprit de Bouvines n’est pas mort, et c’est lui qui doit nous guider avec confiance en ces temps de désolation.

 

François Asselineau, Président de l’UPR

Dimanche 27 juillet 2014,

800e anniversaire de la Bataille de Bouvines

Sources :