Bonjour, je m’appelle Edward Snowden… » Le discours d’une grande élévation d’esprit tenu par l’informaticien américain lors de sa 1ere conférence de presse

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Il est particulièrement intéressant de lire le discours exact qu’Edward Snowden a tenu lors de sa 1ère conférence publique, le vendredi 12 juillet, à l’aéroport de Moscou.

L’intégralité de ce discours (ci-dessous) doit être lu car il témoigne de la hauteur de vue et de la noblesse de l’engagement de l’informaticien.

Il y précise notamment :

« J’avais le pouvoir de changer le sort des personnes. C’était aussi une grave violation de la loi. Les 4e et 5e amendements de la Constitution de mon pays, l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que de nombreux accords et traités interdisent un tel système de surveillance massive et omniprésente.

Mais bien que la Constitution Américaine qualifie ces programmes d’illégaux, mon gouvernement explique qu’un jugement d’un tribunal secret, que personne ne peut voir, a légitimé ces pratiques illégales. Ce jugement corrompt purement et simplement la notion fondamentale de Justice, notion selon laquelle pour réellement exister la Justice doit être appliquée dans les faits. L’immoral ne peut être rendu moral par une loi secrète.

Je crois au principe établi à Nuremberg en 1945 : “Les individus ont un devoir international qui transcende les obligations nationales d’obéissance. Il en découle que les citoyens ont le devoir de violer leurs lois domestiques pour empêcher que des crimes contre la Paix et contre l’Humanité ne puissent être perpétrés”.

Par conséquent, j’ai fait ce que j’ai cru bon. »

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Soutenu et conseillé par l’avocate de Wikileaks et par des associations comme Human Rights Watch et Amnesty International, Edward Snowden se réfère explicitement à l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen.

On notera que c’est en particulier sur cet article 12 que se fonde également la pétition que nous avons lancée le 4 juillet pour demander l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2014 à Snowden et Assange.

Le combat mené par Snowden est donc d’une importance à la fois cruciale et planétaire car il touche rien moins qu’au type de société qui va se bâtir dans les décennies qui viennent. Allons-nous oui ou non rester passifs et laisser advenir le monde orwellien décrit dans le roman 1984 ? Telle est la seule question qui vaille.

J’en profite donc pour appeler tous nos lecteurs qui ne l’auraient pas encore fait à signer notre pétition (qui a déjà recueilli près de 4500 signatures dans le monde entier), et à la faire circuler le plus possible à des associations, syndicats, collègues de travail, etc.

Pour lire l’intégralité du discours de Snowden :

Ce texte a été traduit de l’anglais par Gordon Fowler pour Developpez.com sous licence libre.

« Bonjour,

Je m’appelle Edward Snowden. Il y a un peu plus d’un mois, j’avais une famille, une maison au paradis et je vivais dans un très grand confort. J’avais aussi la capacité, sans aucun mandat, de chercher, de saisir et de lire toutes vos communications. Celles de n’importe qui, n’importe quand. J’avais le pouvoir de changer le sort des personnes.

C’était aussi une grave violation de la loi. Les 4e et 5e amendements de la Constitution de mon pays, l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que de nombreux accords et traités interdisent un tel système de surveillance massive et omniprésente. Mais bien que la Constitution Américaine qualifie ces programmes d’illégaux, mon gouvernement explique qu’un jugement d’un tribunal secret, que personne ne peut voir, a légitimé ces pratiques illégales. Ce jugement corrompt purement et simplement la notion fondamentale de Justice, notion selon laquelle pour réellement exister la Justice doit être appliquée dans les faits. L’immoral ne peut être rendu moral par une loi secrète.

Je crois au principe établi à Nuremberg en 1945 : « Les individus ont un devoir international qui transcende les obligations nationales d’obéissance. Il en découle que les citoyens ont le devoir de violer leurs lois domestiques pour empêcher que des crimes contre la Paix et contre l’Humanité ne puissent être perpétrés ».

Par conséquent, j’ai fait ce que j’ai cru bon. J’ai lancé une campagne contre ces mauvaises pratiques. Je n’ai pas cherché à m’enrichir. Je n’ai pas cherché à vendre des secrets américains. Je n’ai passé aucun accord avec un gouvernement étranger pour garantir ma sécurité. À la place, j’ai rendu public ce que je savais, pour que ce qui nous touche tous puisse être débattu par nous tous, à la lumière du jour. J’ai voulu un monde de Justice.

Cette décision morale de parler au grand public de ces pratiques d’espionnage m’a coûté très cher, mais c’était la chose à faire et je ne regrette rien.

Depuis, le gouvernement américain et ses services de renseignements ont essayé de faire de moi un exemple, un avertissement pour tous ceux qui seraient tentés de parler à leur tour. J’ai été rendu apatride et traqué pour m’être exprimé politiquement. Les États-Unis d’Amérique m’ont mis sur la liste des personnes interdites de vol aérien. Ils ont demandé à Hong-Kong de m’extrader, en dehors du cadre juridique qui s’applique dans ce pays, et en totale violation du principe de non-refoulement des Nations-Unis. Ils ont menacé de sanctions des pays qui étaient prêts à défendre mes droits et le système d’asile reconnu par l’ONU. Ils ont même franchi une étape, sans précédente, en donnant l’ordre à une puissance militaire alliée de forcer l’avion d’un Président d’Amérique Latine à atterrir pour y chercher un réfugié politique. Cette escalade dangereuse n’est pas qu’une menace contre la dignité de l’Amérique Latine, c’est une menace contre le droit fondamental, partagé par toutes les personnes et par toutes les nations, de vivre sans être persécuté, de pouvoir demander un asile et d’en bénéficier.

Malgré tout, devant cette agression historique et disproportionnée, un peu partout dans le monde, des pays m’ont proposé soutien et asile. Ces nations, parmi lesquelles la Russie, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et l’Équateur, ont toute ma gratitude et mon respect pour avoir été les premières à se lever contre ces violations des Droits de l’Homme perpétrées par des puissants, et non par des faibles. En refusant d’abandonner leurs principes devant les intimidations, ils ont gagné le respect du monde. J’ai l’intention de voyager dans chacun de ces pays pour exprimer mes remerciements personnels à leurs peuples et à leurs dirigeants.

J’annonce aujourd’hui que j’accepte officiellement toutes les offres de soutien et d’asile qui m’ont été faites, et toutes celles qui pourront m’être faites dans le futur. Avec, par exemple, la proposition du Président du Venezuela, M. Maduro, mon statut de réfugié est désormais officiel. Aucun état n’a donc le droit ni de limiter ni d’interférer avec mon droit de bénéficier de cet asile. Mais comme nous l’avons vu, certains gouvernements d’Europe Occidentale et d’Amérique du Nord ont démontré leur volonté d’agir en dehors des lois. Ce comportement persiste aujourd’hui et ces menaces illégales me rendent impossible tout voyage vers l’Amérique Latine pour bénéficier de l’asile politique qui m’y a été accordé dans le respect de nos droits universels.

Cette volonté d’états puissants d’agir hors des lois représente une menace pour nous tous, elle ne doit pas être couronnée de succès. Par conséquent, je demande votre assistance (N.D.L.R. : Aux associations) pour me garantir un chemin sûr par les pays concernés en sécurisant mon voyage vers l’Amérique Latine. Je demande également l’asile à la Russie jusqu’à ce que ces états respectent la loi et que mon voyage, légal, soit permis. Je vais soumettre ma requête à la Russie aujourd’hui en espérant qu’elle soit accueillie favorablement.

Si vous avez des questions, j’y répondrai autant que je le peux.

Merci. »

Source  : http://korben.info/snowden.html

François Asselineau