—- 25 juin 841 – 25 juin 2019 —- Il y a 1178 ans, la Bataille de Fontenoy-en-Puisaye marquait les débuts de la France et de son indépendance nationale face à l’empire européen.

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Il y a 1178 ans jour pour jour, le 25 juin 841, survint un des événements les plus importants – et pourtant aussi l’un des plus méconnus – de l’histoire de France. C’est ce jour-là en effet qu’eut lieu la Bataille de Fontenoy-en-Puisaye, sur le territoire de l’actuelle commune de Fontenoy (Yonne), au cœur de la région de la Puisaye.

Cette bataille décisive opposa les trois fils de Louis Ier dit « le Pieux » ou « le Débonnaire », fils de Charlemagne et de Hildegarde de Vintzgau, qui avait succédé à son père comme empereur d’Occident en 814 et qui venait de mourir en 840.
Les trois petits-fils de Charlemagne se battirent à cet endroit pour décider du partage de l’héritage carolingien.

La bataille opposa Lothaire Ier, le fils aîné, à son frère, Louis le Germanique et à son demi-frère Charles le Chauve. Leur neveu, le roi Pépin II d’Aquitaine, fils de feu Pépin Ier, se rangea du côté de Lothaire.

Le traité de Worms de 839

La bataille aurait théoriquement dû être évitée puisque Louis Ier avait organisé de son vivant le partage de l’empire de son père Charlemagne.
Ainsi, et suivant le traité de Worms du 28 mai 839 :

➡️ le fils aîné Lothaire Ier (né en 795) devait recevoir tous les territoires se trouvant à l’est de la Meuse, sauf la Bavière ;

➡️ le deuxième fils, Louis le Germanique (né en 806), devait recevoir la Bavière ;

➡️ le troisième fils, Charles le Chauve (né en 823), devait recevoir une partie de la Francie occidentale comprise entre la Meuse et la Seine, l’Ouest et le Sud de la Bourgogne, la Provence, la Neustrie, la marche de Bretagne, le royaume d’Aquitaine, la Gascogne et la Septimanie.

La part faite à Charles parut excessive à ses deux demi-frères, constituant ainsi la cause des troubles qui allaient agiter la fin du règne de leur père, et des querelles entre ses héritiers.

En 840, à la mort de Louis Ier, la guerre commença immédiatement entre ses fils.

Un combat fratricide pour se partager l’empire bâti par le grand-père

Pour bien comprendre la situation, il faut rappeler que Lothaire Ier avait 45 ans (donc un homme âgé pour l’époque), Louis le Germanique avait 34 ans (donc dans la force de l’âge à l’époque) et Charles n’avait que 17 ans.
Charles s’unit à Louis le Germanique, contre Lothaire Ier, leur aîné. Car celui-ci aspirait à rien moins – en vertu de son droit d’aînesse – qu’à les exclure du partage de l’Empire, de même que Pépin II d’Aquitaine, le fils de Pépin Ier d’Aquitaine, qui avait été dépossédé de son royaume par Charles le Chauve.

C’est ainsi que le 24 juillet 840 à Strasbourg, le nouvel empereur Lothaire Ier, reniant tous ses serments, déclara que tous les territoires de l’empire carolingien devaient être sous son contrôle et refusa de donner une part à Charles, tout en incitant son neveu Pépin II à se rallier à lui.

Louis le Germanique, réclamant lui aussi tout ce que son père lui avait accordé, décida alors de s’allier à Charles afin de récupérer ensemble leurs possessions.

Devant ces menaces de guerre, les alliances se nouèrent.

Les comtes Ermenaud d’Auxerre, Arnoul de Sens, fils illégitime de Louis Ier, et l’évêque Audri d’Autun prirent parti pour Lothaire, tout comme le comte de Paris, Girard II, qui avait épousé Berthe, sœur d’Ermengarde de Tours, femme de Lothaire.

De son côté, Charles put compter sur Guérin de Provence, Aubert d’Avallon et l’évêque Thibaut de Langres.

Après avoir essayé de soumettre sans succès son frère Louis le Germanique, Lothaire s’attaqua à son jeune demi-frère, Charles. Début octobre 840, il rentra en Francie, et menaça de mort tous les seigneurs qui ne viendraient pas lui rendre hommage. Pendant ce temps, Charles, ayant quitté depuis le 10 août 840 l’Aquitaine où il était retenu par les troubles menés par Pépin II, regagna son palais de Quierzy avec une petite escorte, rassembla une armée et partit en guerre contre Lothaire qui avait déjà atteint la Loire.

En novembre 840, les deux armées se firent face aux environs d’Orléans. L’hiver approchant, et après de nombreuses tractations, Charles et Lothaire décidèrent de faire une trêve et qu’au terme de cette trêve, Lothaire conserverait les territoires qu’il venait de conquérir sur Charles, et que ce dernier conserverait le royaume d’Aquitaine augmenté de la Septimanie et de dix comtés situés entre Seine et Loire. Ils se donnèrent rendez-vous pour le 8 mai de l’année suivante à Attigny afin de régler les conditions d’applications de cet accord.

Mais Lothaire se déroba à cet engagement, ce qui relança le conflit.

La bataille du 25 juin 841

Tableau d’époque romantique (1839) de Tony Johannot, représentant de façon épique la Bataille de Fontenoy-en-Puisaye (tableau conservé au Château de Versailles)

Les préparatifs s’engagèrent dans les deux camps. En mars 841, les Bourguignons fidèles à Guérin rejoignirent Charles. En mai, c’est Louis le Germanique et ses troupes qui les rejoignirent à Châlons-sur-Marne.
En juin, Pépin II et ses Aquitains rejoignirent de leur côté Lothaire à Auxerre.

La bataille s’engagea à Fontenoy-en-Puisaye le 25 juin 841.
Lothaire et Pépin II étaient sur le point de l’emporter quand tout d’un coup, l’arrivée de Guérin, duc de Provence, à la tête d’une armée de méridionaux renversa la situation. Finalement, l’affrontement se termine par une éclatante victoire de Charles le Chauve et de son demi-frère Louis le Germanique.

Cette bataille fut marquée par une extrême violence. On estime que le nombre de combattants en présence était de l’ordre de 1 500 cavaliers et que le nombre des morts s’éleva à environ 200.

Des conséquences historiques énormes

Des préliminaires de paix furent signés dans une île de la Saône près de Mâcon, le 15 juin 842, dont sortit un traité de partage signé à Verdun au début août 843. Ce célèbre traité de Verdun, qui allait décider du sort de l’Europe occidentale pendant plus de mille ans, fut confirmé à Yutz en 844 et à Meerssen en 847.

Ce traité de Verdun décida de partager l’empire de Charlemagne en trois royaumes de taille comparable :

➡️ Lothaire Ier reçut la Francie médiane, « Francia media » (rebaptisée ultérieurement « Lotharingie », puis « Lorraine »), de la mer du Nord à l’Italie et garda le titre d’Empereur ;

➡️ Louis le Germanique reçut la Francie orientale, « Francia orientalis » ou « Germanie », préfiguration de ce qui allait devenir l’Allemagne ;

➡️ Charles le Chauve reçut la Francie occidentale, « Francia occidentalis », origine du royaume de France. La Basse-Bourgogne avec les comtés des villes de Chalon, d’Autun, de Mâcon, de Nevers, d’Auxerre, de Sens, de Tonnerre, d’Avallon et de Dijon, fut rattachée au royaume de Charles.

La Bataille de Fontenoy-en-Puisaye a donc eu des conséquences historiques réellement énormes : elle est à l’origine de la création de la France et de l’Allemagne et il n’est pas exagéré d’y voir, comme le faisaient les historiens français du XIXe siècle, le véritable coup d’envoi de l’indépendance nationale de la France.

Une indépendance nationale aujourd’hui vieille de douze siècles, et acquise CONTRE l’Empire de Charlemagne que l’Union européenne prétend ressusciter de nos jours….

Épilogue

Obélisque dressé sous Napoléon III sur le site de la bataille à Fontenoy-en-Puisaye

En 1860, sous Napoléon III, un obélisque fut érigé en commémoration de la bataille, sur une colline dominant le village de Fontenoy-en-Puisaye.

On peut lire sur le piédestal :

➡️ « ICI FUT LIVRÉE LE 25 JUIN 841 LA BATAILLE DE FONTENOY
ENTRE LES ENFANTS DE LOUIS LE DÉBONNAIRE.
LA VICTOIRE DE CHARLES LE CHAUVE
SÉPARA LA FRANCE DE L’EMPIRE D’OCCIDENT
ET FONDA L’INDÉPENDANCE
DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »
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François Asselineau
25 juin 2019
(Sources : notamment les sites Wikipédia, Hérodote et de la Réunion des musées nationaux)