Élection présidentielle en Côte d’Ivoire : Les États-Unis ont le culot de donner des leçons !

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Suite au décès inopiné – en juillet dernier – du Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly, dauphin officiel du président Alassane Ouattara qui devait être candidat à l’élection présidentielle, ce dernier a décidé de se représenter pour un 3e mandat.

Un 3e mandat pour Ouattara, à 78 ans comme Biden

L’opposition a contesté au président Ouattara, élu en 2010 puis réélu en 2015, le droit d’effectuer un 3e mandat, en vertu de la Constitution qui n’en autorise que deux. Mais le président sortant s’est représenté quand même, en estimant que cette interdiction des 2 mandats ne court que depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 2016.

Le Conseil constitutionnel ivoirien, qui ne pouvait hélas sans doute guère faire autrement, lui a donné raison en acceptant sa candidature.

Du coup, une partie de l’opposition a refusé de prendre part au scrutin, ce qui a permis à Alassane Ouattara d’être largement réélu – ce mardi 3 novembre – président de Côte d’Ivoire pour 5 ans. Ayant bien assimilé les méthodes de propagande euro-atlantiste, il en a profité pour accuser l’opposition de « complot »

Silence radio de Macron et de l’Union européenne…

Naturellement, les grands donneurs de leçons en “démocratie” et en “valeurs européennes” se sont mis aux abonnés absents, France et Union européenne en tête.

Pour Mmes Von der Leyen et Merkel, ou pour MM. Josep Borrell et Emmanuel Macron, il n’est cette fois nullement question de prendre des “sanctions” contre la Côte-d’Ivoire, ni de procéder au “gel des avoirs” de M. Ouattara à l’étranger, qui doivent pourtant être conséquents, en particulier en France…

Rappelons au passage qu’Alassane Ouattara, commence ainsi son 3e mandat à 78 ans, c’est-à-dire au même âge que Joe Biden espère commencer le sien outre-Atlantique.

Rappelons également que ce grand démocrate – qui a longuement vécu et travaillé aux États-Unis (au FMI à Washington) – a été soutenu par la France face à Laurent Gbagbo en 2010. Qu’à la suite d’un imbroglio politique, électoral et judiciaire, Gbagbo a été arrêté le 11 avril 2011 par les forces d’Alassane Ouattara, puis incarcéré auprès de la Cour pénale internationale à La Haye, pour être finalement acquitté par les juges de première instance en janvier 2019. Et que, dans l’attente d’un éventuel second procès, il vit en Belgique et ne peut se rendre dans un autre pays qu’avec l’accord du tribunal.

En bref, Alassane Ouattara est à la fois le candidat de Paris et de Washington, et son maintien au pouvoir est grandement facilité par l’empêchement de Laurent Gbagbo de revenir en Côte d’Ivoire.

Rappelons encore que l’UPR, qui entend rétablir les relations entre la France et l’Afrique sur des bases saines, n’aura pas de politique d’ingérence. Tout bonnement parce que nous voulons que les peuples d’Afrique puissent s’autodéterminer, comme nous le voulons aussi pour le peuple français.

Quoi qu’il en soit, la réélection de Ouattara pour un 3e mandat a déjà provoqué de sérieux troubles avant l’élection (on compte une trentaine de morts) et continue d’en provoquer depuis.

Car cela ne s’arrange pas : le président réélu vient de décider d’employer la manière forte vis-à-vis de ceux qui continuent de manifester contre ce qu’ils estiment être un déni de démocratie. Plusieurs proches de l’ancien chef d’État Henri Konan Bédié ont ainsi été arrêtés au cours des dernières heures
(https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/04/cote-d-ivoire-a-peine-reelu-president-alassane-ouattara-durcit-le-ton-face-a-l-opposition_6058392_3212.html)

On notera que, de nouveau, ni l’UE ni la France, toujours promptes à prendre la pose de la Vertu démocratique outragée lorsqu’il s’agit de condamner constamment les pays qui déplaisent aux mondialistes (Biélorussie, Cuba, Iran, Syrie, Venezuela, etc… et même Hongrie et Pologne), se font encore d’une discrétion de violette pour commenter les violences qui se déroulent actuellement en Côte d’Ivoire.

Au moins l’UE et la France n’ont-elles pas le culot éhonté des États-Unis.

Le culot des États-Unis

Car voici la cerise sur le gâteau : alors que, depuis l’élection présidentielle du même jour que celle de Côte d’Ivoire (3 novembre), les États-Unis s’enfoncent dans une crise politique majeure qui risque désormais de déboucher vers le chaos et des flambées de violence incontrôlables, l’Ambassade des États-Unis à Abidjan a publié un communiqué de donneur de leçon spécialement cocasse.

La représentation officielle du pays où les partisans de Trump et ceux de Biden semblent prêts à en venir aux mains, sinon aux armes, s’est en effet permis de déclarer officiellement que :

« Les États-Unis appellent les leaders en Côte-d’Ivoire à montrer leur attachement au processus démocratique et à l’État de droit. Nous exhortons toutes les parties de groupes et individus à s’engager dans un dialogue inclusif pour trouver des solutions pacifiques à leurs désaccords et apaiser les divisions internes. Les griefs liés à l’élection présidentielle doivent être résolus de manière pacifique et transparente dans le cadre légal ».

On est prié de ne pas rire.

Conclusion : égalité des États et principe de réciprocité

Les relations diplomatiques étant théoriquement fondées, depuis la création de l’ONU, sur la stricte égalité en droits des États du monde, et sur les principes de réciprocité et de non-ingérence, je crois qu’il serait judicieux et opportun que l’Ambassade de Côte-d’Ivoire à Washington publie au plus vite un communiqué inquiet et préoccupé, dont le texte est tout trouvé :

« La Côte-d’Ivoire appelle les leaders aux États-Unis à montrer leur attachement au processus démocratique et à l’État de droit. Nous exhortons toutes les parties de groupes et individus à s’engager dans un dialogue inclusif pour trouver des solutions pacifiques à leurs désaccords et apaiser les divisions internes. Les griefs liés à l’élection présidentielle doivent être résolus de manière pacifique et transparente dans le cadre légal ».

Ce ne serait qu’un juste retour à l’envoyeur. Mais il faudrait pour cela que le président ivoirien soit un homme parfaitement libre et représentant d’un peuple authentiquement souverain.

FA
05/11/2020