Bisphénol A : La prétendue construction européenne satisfait les lobbys industriels plutôt que l’impératif de santé publique

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Communiqué

Le 21 janvier 2015, « l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments » (AESA) a jugé que le composé organique dit « Bisphénol A » (BPA) était sans risque pour la santé humaine dans les doses actuellement utilisées.

bisphenol-A-dangerBien que la Commission européenne ait adopté, en 2011, la directive UE n° 08/2011 qui interdit son utilisation pour la fabrication de biberons, l’AESA a donc donné son feu vert pour que les industriels continuent à utiliser le Bisphénol A dans de nombreux produits de consommation courants, depuis les lunettes de soleil et les CD jusqu’aux récipients pour l’eau et la nourriture, en passant par la plupart des tickets de caisse sur papier thermique.

Cette décision de l’AESA a été prise alors que de nombreux scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs années sur les incertitudes nombreuses qui entourent cette molécule organique de synthèse quant à son impact sur la santé humaine.

De nombreuses études scientifiques ont en effet déjà attiré l’attention des autorités sanitaires mondiales sur les effets néfastes du Bisphénol A sur les indicateurs endocriniens. Certains de ces effets sont démontrés, tandis qu’il existe une forte présomption pour d’autres.

  • Il est d’ores et déjà avéré que le Bisphénol A est un perturbateur hormonal, qui peut affecter la reproduction d’animaux de laboratoire, et qui pourrait être l’un des facteurs de délétion de la spermatogenèse chez l’homme.
  • Dès 1996, le chercheur Frederick Vom Saal de l’Université du Missouri a ainsi découvert que le Bisphénol A perturbe l’appareil génital des souris mâles. Le 17 décembre 2012, des chercheurs français ont publié, dans la revue Plos One, une première démonstration expérimentale des effets néfastes de ce composant chimique sur la fertilité masculine.
  • Selon d’autres études, un taux urinaire élevé de ce produit est corrélé avec un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires, d’anomalies du bilan hépatique, de moindre efficacité de chimiothérapies chez les patients cancéreux, et d’altération de l’émail dentaire.

En passant toutes ces études par pertes et profits, l’Agence européenne AESA vient de prendre le contrepied complet de l’Agence française ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) – dont les réserves sur le Bisphénol A ont conduit le législateur français à l’interdiction de ce composé antioxydant et plastifiant dans tous les contenants alimentaires en France depuis le 1er janvier 2015.

La décision de l’AESA contredit également d’autres législations nationales restrictives, comme celles du Danemark, de la Belgique ou de la Suède.

En agissant ainsi, l’Agence européenne prouve une nouvelle fois qu’elle fait passer des considérations financières et l’intérêt privé de quelques groupes de pression avant la protection des citoyens et l’application du principe de précaution.

Selon plusieurs observateurs, cette décision de l’AESA qui piétine le principe de précaution résulterait du lobbying intensif joué en coulisses par des entreprises de l’industrie plastique  – et notamment par leur groupement européen « PlasticsEurope » – afin d’arracher une expertise favorable de l’AESA sur le Bisphénol A. « PlasticsEurope » a même développé et financé un site internet entièrement dédié à la promotion de la molécule auprès du grand public .

Quoi qu’il en soit, la Commission européenne a aussitôt emboîté le pas de l’AESA, en annonçant qu’elle allait réexaminer la réglementation en vue de « possibles » adaptations, qui pourraient contraindre la France, le Danemark, la Belgique ou la Suède à revenir sur leurs législations protectrices.

La Commission a précisé qu’elle fondera sa position non seulement sur l’avis rendu par l’AESA mais également sur « les règles relatives à la libre circulation des marchandises ».

La méthode adoptée par les institutions européennes et les groupes de pression qui y exercent leur influence pour imposer progressivement et subrepticement le Bisphénol A se retrouve dans tous les secteurs de la vie économique.

C’est toujours par la « méthode communautaire » des « petits pas » vantée par les « pères fondateurs » que, par exemple, les institutions européennes cherchent à imposer depuis des années les OGM aux Français et qu’elles ont ouvert une nouvelle et grave brèche dans cette direction le 13 janvier dernier.

L’UPR rappelle que la logique marchande, consumériste et productiviste, omniprésente dans les actes juridiques de l’Union européenne, est inscrite dès l’origine dans les traités européens, qui ne peuvent pas être changés de manière significative. ( Voir la conférence Pourquoi l’Europe est-elle comme elle est ?).

C’est pourquoi la France ne pourra renouer avec le progrès social et humain qu’en rompant définitivement avec la prétendue « construction européenne » qui, par ailleurs, ruine son économie.

L’UPR souligne également que le traité sur le Grand marché transatlantique affaiblira encore davantage les législations nationales protectrices de leurs citoyens et de l’intérêt général en permettant aux firmes multinationales de faire valoir leurs volontés par le biais de juridictions arbitrales.