Quelques nouvelles de l’Eurodélire

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LA RÉCESSION S’INSTALLE DANS TOUTE LA ZONE EURO

On vient d’apprendre, ce 5 juin 2012, que selon le cabinet d’analyse privé Markit :

1)- L’activité du secteur privé a subi en mai 2012 sa plus forte contraction en mai dans la zone euro depuis près de trois ans.

2)- Ce résultat laisse augurer une BAISSE TRIMESTRIELLE du PIB de la zone euro de l’ordre de 0,5 % au deuxième trimestre.

3)- Cette récession pourrait être encore plus sévère en cas de résultats décevants en juin.

4)- Le malaise économique se généralise à tous les grands pays de la zone euro.

5)- La conjoncture se détériore à « un rythme alarmant en Espagne, en Italie et désormais également en France ».

LA CONSOMMATION S’EFFONDRE EN ZONE EURO

On a également appris ce matin que les ventes de détail dans toute la zone euro ont plongé de -1% en avril par rapport à mars, enregistrant leur plus fort repli depuis décembre et attestant de la morosité des consommateurs.

Et encore s’agit-il des données officielles de l’office européen de statistiques Eurostat.

En un an, l’indice des ventes a spectaculairement baissé de -2,5% dans la zone euro.

UN FINANCIER ÉTHIOPIEN FAIT LA FINE BOUCHE
SUR LA SITUATION FINANCIÈRE PORTUGAISE

Signe des temps, que l’on jugera attristant ou cocasse selon son humeur, c’est désormais le ressortissant de l’un des pays les plus pauvres de la planète – l’Éthiopie – qui vient donner des conseils de bonne gestion aux autorités portugaises.

Dans un entretien au quotidien Diario economico publié aujourd’hui, l’Éthiopien Abebe Selassié, qui représente le FMI sous la tutelle duquel a été placé le Portugal, a en effet déclaré : « Il n’y a pas encore suffisamment de confiance. Mais au fur et à mesure que le programme (d’ajustement) produira des résultats, le Portugal sera en mesure de revenir sur les marchés. Cela va être difficile. »

L’ESPAGNE, AU BORD DU GOUFFRE, RÉCLAME « DAVANTAGE D’EUROPE »…

Les “bonnes nouvelles” n’arrivant jamais seules, le ministre espagnol du Budget, M. Cristobal Montoro, vient d’affirmer que l’Espagne « ne peut techniquement pas faire l’objet d’un sauvetage », en faisant allusion à la taille du pays, quatrième économie de la zone euro.

Il a également dressé ce constat sans appel, qui résonne comme un appel au secours d’un navire en perdition : « Le niveau record actuel des taux d’emprunt de l’Espagne lui ferme l’accès aux marchés financiers »

La seule solution à cette catastrophe que voit M. Montoro réside donc, comme à chaque fois, dans la fuite en avant : il faut « davantage d’Europe ».

Mais « davantage d’Europe », qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Le ministre espagnol du Budget a eu la gentillesse de le préciser : il faut un « mécanisme européen qui permettrait aux banques espagnoles d’être recapitalisées ».

Comme c’est joliment dit ! Le « mécanisme européen » signifie qu’au bout du compte ce sont les contribuables allemands, français, néerlandais, qui devraient sortir des dizaines de milliards d’euros pour renflouer les banques espagnoles.

Bon prince, M. Cristobal Montoro a annoncé que l’Espagne serait prête en contrepartie à « renoncer en partie à sa souveraineté budgétaire ». Ce qui revient, non seulement à saboter son propre poste ministériel, ce qui est assez comique, mais surtout à supprimer le principe même de la démocratie, ce qui est beaucoup moins drôle.

Car le B-A-BA de la démocratie, c’est que c’est un système où le peuple choisit des représentants qui décident des recettes fiscales et des dépenses. Si le Budget est décidé par des instances non élues, ce n’est plus une démocratie ; et si ces instances sont de surcroît étrangères, ce n’est plus un pays souverain mais une colonie.

L’ALLEMAGNE NE BOUGE PAS SA POSITION D’UN IOTA

C’est cette dernière et charmante perspective que les autorités allemandes font aussi semblant de privilégier.

Le ministre allemand des Finances, M. Wolfgang Schäuble, l’a dit et redit, et il vient encore de le répéter dans un entretien publié ce 5 juin dans le quotidien économique Handelsblatt : l’Allemagne estime qu’avant de parler d’euro-obligations ou d’union bancaire, ce qu’il faut c’est une véritable union budgétaire dans toute la zone euro :

Les autorités allemandes privilégient d’autant plus cette « union budgétaire » que la logique ultime de l’euro revient, en définitive, à confier justement aux autorités de Berlin le pouvoir de décider des budgets nationaux de tous les pays de la zone euro. Ce qui est assez logique puisque c’est l’Allemagne qui supporte de plus en plus le risque monétaire explosif de la monnaie commune.

Fort heureusement, les Allemands, qui ont les pieds sur terre, se rendent bien compte qu’un tel projet est profondément irréaliste : seuls les dirigeants des pays latins (France, Espagne, Italie,…), qui ont le réflexe culturel de se gargariser hâtivement de formules ronflantes sans réfléchir à leurs effets réels, peuvent entonner cette ritournelle de « l’union budgétaire » sur l’air des lampions.

C’est pourquoi le ministre allemand des Finances a encore répété que « de telles mesures ne peuvent être que l’aboutissement d’un long processus d’intégration et non son prélude », ce qui est une remarque ô combien sensée.

Comme l’avait précisé son porte-parole la semaine dernière : « Nous ne voyons pas comment de telles réflexions pourraient aider à surmonter la crise à court terme ».

Dans son entretien au Handelsblatt, M. Schäuble a répété cette position, en montrant pour la énième fois que le gouvernement allemand n’en changera pas : la seule solution passe par la rigueur : « il n’y a pas de chemin facile pour la Grèce ou l’Espagne et les pays touchés ne peuvent pas éviter les réformes pour redevenir compétitifs ».

Façon de renvoyer le ministre du Budget espagnol dans les cordes.

CONCLUSION : UBU-EURO

Ces scènes ubuesques de l’euro-délire ne seraient pas complète sans l’habituelle cerise sur le gâteau : les agences de presse nous annoncent qu’il va se tenir aujourd’hui « une conférence téléphonique des ministres des Finances du G7 » et que, comme de juste, « les investisseurs en espèrent des mesures aptes à rassurer les marchés ».

Bigre ! Les « investisseurs » auraient-ils déjà oublié que les patrons respectifs des ministres des finances du G7 en question se sont déjà rassemblés voici quinze jours au G8 de Camp David, et qu’il n’en est strictement rien ressorti de neuf et de concret ? Comment pourrait-il en être autrement puisque leurs positions antagonistes sont déjà publiques, connues et archi-connues ?

En bref, le sketch de l’euro continue.

Il finirait par être presque drôle s’il n’avait pas pour conséquence l’appauvrissement rapide des peuples d’Europe et la destruction concomitante de tout leur appareil économique et industriel.