La tragédie de l’euro : le Portugal redevient un pays d’émigration massive, comme sous la dictature salazariste

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Jour après jour, l’actualité nous fournit les preuves les plus accablantes de la réalité de la situation créée par la monnaie commune européenne.

C’est une excellente raison pour procéder ici à la ré-information que nos compatriotes sont en droit d’attendre d’un mouvement politique honnête, fiable, compétent et responsable.


Cet article est le deuxième de la série. Je l’ai plus détaillé que les autres pour deux raisons :

  • – d’une part car il porte sur un pays dont les médias parlent beaucoup moins que la Grèce ;
  • – d’autre part parce que les questions fondamentales qu’il soulève confirment totalement les analyses de l’UPR : à savoir que le principe même de “construction européenne” est erroné depuis le départ, que cette chimère est contraire à la réalité des liens historiques et linguistiques entre les nations du monde, qu’elle détruit la démocratie et verrouille l’avenir indûment, au point de plonger les jeunes générations dans un désespoir tel qu’elles ne trouvent plus de salut que dans la fuite hors d’Europe.

 

LE PORTUGAL REDEVIENT UN PAYS D’ÉMIGRATION MASSIVE, COMME SOUS LA DICTATURE SALAZARISTE

 

Le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho.

Né à Coimbra, il a passé une grande partie de son enfance en Angola, alors colonie portugaise, où son père, António Passos Coelho, était médecin. À neuf ans, à la suite de la « Révolution des Œillets » et du mouvement de décolonisation, sa famille rentre au Portugal. Après un passage dans le monde des affaires, il est devenu responsable du Parti social-démocrate (PPD/PSD) – parti de centre droit équivalent de notre UMP malgré son nom.

Bien que siégeant au parlement dans la prétendue opposition au Parti Socialiste, il s’est néanmoins régulièrement arrangé pour que sa formation politique s’abstienne aux moments fatidiques, afin de permettre l’adoption des différents plans de rigueur budgétaire du gouvernement minoritaire du socialiste José Sócrates au cours de l’année 2010. En septembre 2010, il a proposé une modification de la Constitution portugaise dans un sens ultra-libéral : l’idée aurait été de supprimer le principe de la gratuité de l’enseignement et de la santé. Au cours de la campagne pour les élections législatives anticipées du 15 juin 2011, il a par ailleurs annoncé un « Programme de stabilité et de croissance » (PEC) [sic ], tout en dénonçant le fait que le FMI ait été « diabolisé ».

 

Ayant remporté une majorité très relative aux élections législatives anticipées de juin 2011 ( 38,6 % des suffrages, alors qu’il visait la majorité absolue ), le principal responsable politique de la droite portugaise, M. Pedro Passos Coelho, a été nommé Premier ministre, à la tête d’une coalition de droite, le 15 juin 2011 par le Président de la République Aníbal Cavaco Silva. C’est ainsi la première fois depuis la « Révolution des Œillets » de 1974 ayant mis fin à la dictature de Marcelo Caetano, fidèle successeur du dictateur Salazar, que la droite portugaise exerce le pouvoir exécutif.

Quinze jours après sa nomination, le 30 juin 2011, le nouveau Premier ministre a annoncé, dans son discours de politique générale devant les députés, que « l’état des comptes publics oblige le gouvernement à demander davantage de sacrifices aux Portugais ». Il a donc prévenu dans la foulée qu’une politique de rigueur renforcée allait être imposée aux Portugais.

À la place du prétendu « Programme de stabilité et de croissance » (PEC) [ sic ] promis pendant la campagne électorale, le nouveau Premier ministre a confirmé ainsi sa soumission complète à l’oligarchie européiste (tout comme François Hollande en France un an après ). Il a tout bonnement donné son aval à la mise en œuvre du prétendu “plan de sauvetage” exigé par l’Union européenne et le FMI pour résoudre – prétendument – la crise de la dette souveraine portugaise et « sauver l’euro ». Voici ce plan :

  • -suppression et le regroupement de nombreuses “freguesias” (équivalent civil de nos “paroisses”, approximativement comparables à nos communes) à travers le pays et la suppression de 18 “gouvernements civils” (Governo civile) à travers le pays,
  • – réduction drastique du nombre de fonctionnaires, et réductions de salaires sans précédent pour toute la fonction publique. Pour imposer le silence, le ministre portugais des Finances, M. Vitor Gaspar, a déclaré le 18 Octobre 2011 à la télévision portugaise RTP que si ces réductions de salaires forcées n’étaient pas mises en œuvre, il serait nécessaire de se débarrasser d’environ 100 000 fonctionnaires immédiatement.
  • – très importantes hausses d’impôts, essentiellement de la TVA (IVA) sur presque tous les biens et services,
  • – transfert des jours fériés dans la semaine pour éviter le phénomène des “ponts”,
  • – réduction de la durée de versement des prestations chômage de 30 mois à 18 mois maximum,
  • – report à une date indéterminée du projet de ligne ferroviaire TGV Lisbonne-Madrid,
  • – mise en projet de la vente au secteur privé des transports publics ( compagnies d’autobus et métros ) à Lisbonne et à Porto, ainsi que les entreprises de transport routier et ferroviaire, comme Comboios de Portugal.
  • – transformation des organismes de réglementation en « Autorités indépendantes », c’est-à-dire plus précisément : « indépendantes de la volonté du peuple ».
  • – réforme de l’entreprise publique Radio-Télévision du Portugal (RTP) et de l’agence de presse publique, ainsi que la privatisation de l’une des deux chaînes de télévision qui lui appartiennent ( RTP1 et RTP2 ).
  • – création d’une structure spéciale chargée de surveiller la bonne réalisation des mesures convenues avec la “troïka” ( Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne ). Cette unité spéciale a été placée sous l’autorité de Carlos Moedas, Secrétaire d’État adjoint du Premier ministre Passos Coelho.
  • – transfert au secteur privé des hôpitaux publics « à chaque fois que cela est plus efficace ». Les “tickets modérateurs” demandés aux Portugais pour payer une partie des soins dans le service national de santé ont par ailleurs été sensiblement augmentés.
  • – enfin, privatisation partielle ou totale de :

– la société d’électricité nationale Energias de Portugal (TEP),

– la compagnie d’électricité REN ( Redes Energéticas Nacionais ),

– l’institution financière Banco Português de Negócios,

– la compagnie aérienne nationale TAP Air Portugal,

– la compagnie d’assurance publique Caixa Geral de Depósitos (CGD),

– ainsi que fin de la “golden share” ( “action privilégiée” donnant légalement à l’Etat le contrôle d’une entreprise ) détenue par l’État portugais dans des sociétés telles que Portugal Telecom.

 

En bref, les électeurs portugais ont été roulés, en juin 2011, dans la même farine que les électeurs français en mai-juin 2012.

Chassant du pouvoir la prétendue “gauche”, comme les Français ont chassé la prétendue “droite”, les électeurs portugais ont constaté que leurs votes ne servaient strictement plus à rien.

Placé sous la tutelle de l’oligarchie euro-atlantiste comme tous les autres gouvernements de l’Union européenne, le nouveau gouvernement portugais a mis en œuvre, en la durcissant, la même politique que son prédécesseur, à savoir la destruction des acquis sociaux et le bradage au secteur privé du patrimoine public national exigés par le FMI et la Commission européenne.

Sitôt nommé Premier ministre du Portugal en juin 2011, en parfait européiste docile, le chef de la prétendue “opposition de droite” a repris exactement la même politique que son prédécesseur “de gauche”.

 

LE GOUVERNEMENT DE LISBONNE APPELLE OFFICIELLEMENT LES PORTUGAIS À FUIR LEUR PROPRE PAYS

Le gouvernement portugais est allé plus loin.

Compte tenu de la montée en flèche du chômage, et notamment du chômage des jeunes – plus d’un jeune Portugais sur 3 est au chômage – , il a également lancé une politique officielle d’émigration, afin d’inciter les personnes sans emploi, ou sous-employées, qui souhaitent fuir la pauvreté endémique et la régression sociale de trouver un emploi à l’étranger.

Il y a un mois et demi – le 4 juillet 2012 – , le premier ministre Pedro Passos Coelho a en effet appelé ses compatriotes à émigrer. Il leur a conseillé de « faire preuve de plus d’efforts », et de « laisser leur zone de confort » en cherchant du travail ailleurs.

En particulier, les enseignants incapables de trouver du travail au pays devraient ainsi songer à émigrer en Angola ou au Brésil, les anciennes colonies portugaises.

Sauf erreur de ma part, c’est le première fois qu’un gouvernement de l’Union européenne appelle aussi officiellement ses compatriotes à s’enfuir pour aller chercher une vie meilleure à l’étranger.

 

Cinglante caricature de la situation. Un patron de bar discute avec un client sous le regard placide d’un représentant du FMI ( de haut en bas et de droite à gauche ) :

  • En haut à gauche : – Client commentant le journal qu’il lit : « D’abord c’est un secrétaire d’État qui a conseillé aux jeunes d’émigrer. »
  • En haut à droite : – Client : « Maintenant, c’est le Premier ministre qui suggère aux enseignants au chômage d’émigrer. »
  • En bas à gauche : – Patron du bar : « Et si on faisait émigrer aussi les médecins, les infirmières, les ingénieurs, les électriciens, les pompiers, les métallurgistes, les agriculteurs, les commerçants, les dirigeants ? »
  • En bas à droite : – Patron du bar : « Comme ça, sans Portugais, le Portugal serait peut-être un pays viable…. »
Des facétieux ont créé une photo montage présentant un “Kit d’émigration” gouvernemental. Ils ont même ouvert une page facebook : https://www.facebook.com/photo.php?fbid=320683671289053&set=a.320683667955720.82862.320683567955730&type=1&theater

 

LÉMIGRATION PORTUGAISE EST UNE CONSTANTE HISTORIQUE, QUI AVAIT CONNU UN SOMMET À LA FIN DES ANNÉES 60

Les Portugais les plus âgés ont dû se pincer pour croire les propos de leur nouveau Premier ministre. Car ces conseils gouvernementaux les ont replongés un demi-siècle en arrière, les ont fait revivre un retour à la génération des jeunes adultes partis en masse en France dans le courant des années 60.

À cette époque de la fin de la dictature salazariste, de nombreux jeunes Portugais, essentiellement originaires de l’extrême nord du pays ( provinces de Minho et de Tras-os-Montes ) et principalement issus de milieux prolétaires et paysans, fuirent leur propre pays. Ils voulaient à la fois échapper à la dictature et à l’extrême pauvreté. Beaucoup de jeunes hommes voulaient aussi fuir un long service militaire dû aux guerres coloniales menées alors en Angola, au Mozambique, en Guinée et au Cap-Vert.

À cette époque, le pays de cocagne s’appelait la France.Car la France des années 60, sous la présidence de Charles de Gaulle, était un pays à la forte croissance économique, dont l’avenir semblait assuré, et qui manquait singulièrement de bras, notamment dans les métiers du bâtiment où s’engagèrent l’écrasante majorité des Portugais immigrés.

Les Portugais étaient 50 000 en France en 1962. En 1975, ils étaient devenus 750 000, soit la première communauté étrangère en France. Près de 8% de la population portugaise avait ainsi émigré en France.

De nos jours, les statistiques indiquent qu’il y aurait encore 555 000 nationaux Portugais vivant en France. Mais c’est sans compter quelque 240 000 binationaux Portugais-Français. C’est sans compter non plus les nombreux Français d’origine portugaise, ou issus d’un mariage mixte franco-portugais, échappant aux statistiques du fait qu’ils n’ont plus que la seule nationalité française, et qu’ils se sont d’ailleurs parfaitement intégrés dans la collectivité nationale.

Soit dit en passant, l’UPR s’enorgueillit de compter des Français d’origine portugaise parmi ses adhérents et parmi ses responsables.

Comme d’autres Français – dont les parents étaient immigrés de pays du sud de l’Europe, du Maghreb, d’Afrique ou d’Asie – et qui ont rejoint nos rangs, ils sont la preuve tangible que le moteur d’intégration à la française continue de fonctionner, malgré tout ce que l’on peut en dire, et malgré toutes les embûches qu’on lui oppose.

Quelles que soient leurs origines, la très grande majorité des immigrés devenus Français s’intègrent rapidement dans la société française, notamment à partir de la deuxième ou troisième génération. La différence avec les pays anglo-saxons est ici frappante. Cela témoigne d’un incontestable génie de la France en la matière : le creuset républicain fonctionne encore et nous pouvons en être fiers.

Mars 1965 : immigrés portugais dans une salle d’attente de la gare de Hendaye

Mars 1965 : immigrés portugais arrivant à Paris ( Gare d’Austerlitz )

Linda de Suza (de son vrai nom Teolinda Joaquina de Sousa Lança), née en 1948 à Beringel, dans la région d’Alentejo au Portugal, est devenue le symbole des émigrés portugais en France à la fin des années 60. Ayant quitté son pays pour la France en 1969, elle parvint, après maints petits boulots, à devenir une chanteuse à succès : entre 1978 et 1998, elle a vendu au total 750 000 singles et 511 800 albums. Plus spectaculaire encore, elle obtint un succès aussi phénoménal qu’inattendu avec son autobiographie La valise en carton, parue en 1984, qui se vendit à deux millions d’exemplaires.


Une émouvante série télévisée portugaise a été consacrée à l’histoire de l’émigration vers la France dans les années 60.

 

LA CRISE DE L’EURO ET LA DESTRUCTION DES ACQUIS SOCIAUX EXIGÉE PAR L’UE PROPULSENT LÉMIGRATION PORTUGAISE À SES PLUS HAUTS NIVEAUX HISTORIQUES

Pour prendre toute la mesure des phénomènes en cours, il est instructif d’étudier l’évolution de l’émigration portugaise sur une très longue période, afin d’en comprendre les inflexions et d’en comparer les phases.

La courbe ci-dessous retrace cette évolution sur 156 ans, en nombre d’émigrants par an, de 1855 à 2011 :

Comme on le voit, cette émigration a suivi plusieurs phases très différenciées :

  • – à partir de 1888, date de l’abolition de l’esclavage au Brésil et du besoin consécutif en main-d’œuvre qu’elle a occasionné, l’émigration portugaise a nettement progressé, de la fin du XIXe siècle jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le nombre d’émigrants a culminé à environ 90.000 personnes en 1913. Le pays de prédilection des émigrants était le Brésil.
  • après une brutale contraction des départs, concomitants avec le premier conflit mondial, cette émigration a repris, de façon plus modérée, dans les années 1920 : le nombre d’émigrants s’est établi entre 30 et 50.000 par an et le pays de prédilection des émigrants était cette fois-ci moins le Brésil que les États-Unis, où la croissance économique précédant le grand krach de 1929 était très forte.
  • la crise des années 1930, puis la Deuxième Guerre mondiale, ont ensuite réduit ce flux d’émigration presque à néant jusqu’en 1945.
  • pendant la décennie des années 1950, le flux d’émigration a repris au rythme des années 1920, aux alentours de 30.000 départs annuels.
  • puis les années 1960 ont été marquées par une explosion de l’émigration portugaise vers les pays d’Europe, en pleine croissance économique. Cette très forte croissance, dite des “Trente Glorieuses”, a résulté de l’arrivée à l’âge adulte des nombreuses générations d’après-guerre, et du fait de l’application générale de politiques de type keynésien, visant à la constitution d’une gigantesque classe moyenne et à la consommation de masse. Comme je l’ai déjà dit, cette émigration a d’abord concerné la France, et a aussi répondu à des motivations de politique intérieure portugaise ( pauvreté, dictature, refus des jeunes hommes d’aller servir pendant des années dans des guerres coloniales ). Les plus grands nombres de départs ont culminé aux alentours de 160.000 à 180.000 par an, dans la période 1969 – 1970.
  • à partir de 1973, le flux d’émigrants s’est très fortement réduit, sous l’effet conjugué de deux phénomènes disjoints : d’une part la « Révolution des Œillets » de 1974 a mis fin d’un seul coup à deux des raisons les plus puissantes de l’émigration ( la dictature politique et les guerres coloniales, le nouveau gouvernement de Lisbonne ayant accordé leur indépendance à l’Angola et au Mozambique ) ; d’autre part, la Guerre du Kippour de 1973 et le quadruplement des prix du pétrole qui lui fit suite, ont cassé net la croissance dans les pays d’Europe occidentale, et notamment en France où nous n’avons jamais renoué depuis lors avec les taux de croissance de cette époque. Dès lors, les candidats à l’émigration n’étaient plus en mesure d’y trouver facilement des emplois bien rémunérés.
  • tout au long des années 80 et 90, le nombre d’émigrants est resté modéré, voire faible, entre 20 et 50.000 départs par an. Ce phénomène s’explique principalement par l’adhésion du Portugal à la CEE (devenue UE avec le traité de Maastricht de 1992), qui procura au pays une manne financière considérable, sous l’intitulé de « fonds structurels européens ». Ces fonds, qui n’ont d’européens que le nom puisqu’ils sont principalement financés par les contribuables allemands, français et néerlandais, ont pour objectif de permettre une « mise à niveau » des nouveaux pays membres, à la fois en termes économiques et en termes d’infrastructures. C’est ce qui s’est produit au Portugal, où l’injection de ces fonds a dopé la croissance économique comme prévu, suscitant ainsi des créations d’emploi dissuasives pour l’émigration.
  • les années 2000 ont en revanche marqué un premier retournement de tendance, avec une émigration repartant à la hausse : la crise économique survenue au niveau mondial en 2000 avec l’éclatement de la bulle Internet, et surtout l’élargissement de l’Union européenne à 10 nouveaux pays de l’est (en 2005), puis à 2 autres encore ( Bulgarie et Roumanie ) en 2007, ont en effet enrayé la croissance portugaise. Pour la raison simple que les fameux « fonds structurels européens », qui expliquaient largement les prétendus « miracles» irlandais, espagnol ou portugais, se sont soudain taris pour aller se déverser au profit des nouveaux membres venus de l’est. Du coup, le chômage a fait sa réapparition au Portugal, et le nombre d’émigrants a bondi jusqu’à environ 100.000 en 2008-2009, un seuil qui n’avait pas été observé depuis 1972.
  • enfin, la crise de l’euro, des dettes souveraines et les mesures économiquement récessives exigées par la Commission européenne et le Fonds Monétaire International à partir de 2010 ont provoqué une nouvelle flambée d’émigration sur fond de chômage. Celle-ci s’est accompagnée de la remise en cause de nombreux acquis sociaux, d’un appauvrissement tendanciel général, et d’un sentiment unanime de désespoir et d’avenir bloqué.

C’est cette phase dans laquelle s’enfonce aujourd’hui le Portugal. Comme les journaux en ont récemment fait leur “Une”, cette crise multiforme a propulsé le nombre d’émigrants vers de nouveaux sommets : en 2011, il a atteint le seuil de 150.000 départs dans l’année :

 

150.000 émigrants en une seule année, c’est un volume qui talonne les records historiques de 1969 et 1970, lorsque le Portugal ne voyait pas d’issue à la dictature salazariste et aux guerres coloniales sans fin.

Il faut marquer ici une pause et réfléchir. 150.000 émigrants dans une seule année, c’est un pourcentage considérable et alarmant pour une population totale de 10,5 millions d’habitants. Cela représente non seulement 1,42 % de la population portugaise totale, mais un pourcentage bien supérieur ( de l’ordre de 3 à 4% par an ) si on le rapporte à la seule tranche des 18 – 50 ans, cette part la plus dynamique de la population, celle qui produit la plus grosse part de la richesse et qui assure théoriquement l’avenir d’un pays.

Pour bien réaliser l’ampleur du phénomène, l’émigration de 150.000 personnes par an au Portugal correspondrait en France (où la population est exactement 6 fois plus nombreuse) à un départ annuel de 900.000 Français. Ce serait l’équivalent d’une classe d’âge. Ce serait plus que la population totale de la région Limousin qui se viderait en une seule année. Cela reviendrait à vider en deux ans la région Alsace ou la région Haute Normandie de la totalité de leurs habitants….

Or, cette situation est d’autant plus gravissime pour le Portugal qu’elle va empirer.

Aucun économiste sérieux ( donc échappant au dogme européiste ) ne peut imaginer que les mesures exigées par la troïka FMI – UE – BCE puissent améliorer la situation à court, ni même à moyen terme. Car non seulement ces mesures, d’inspiration ultra-libérales et totalement oublieuses des enseignements keynésiens, sont profondément récessives, mais leur duplication dans tous les États de la zone euro ne peut avoir pour effet général que d’entraîner toute la zone euro dans une spirale d’effondrement économique ( cf. mon prochain article ).

En d’autres termes, la probabilité que le nombre de Portugais quittant leur pays continue à augmenter rapidement est extrêmement forte, et cela d’autant plus que l’encouragement à l’émigration, je l’ai rappelé, est devenu depuis quelques semaines l’un des objectifs officiels du gouvernement portugais.

Cette politique du gouvernement européiste de Lisbonne est à proprement parler aussi démente que suicidaire. Si le nombre d’émigrants bat bientôt le record historique de tous les temps ( 180.000 par an ) et s’il atteint et dépasse 200.000 personnes / an, c’est à court moyen terme l’existence même du pays qui sera posée.

Après celle de la Grèce, c’est ni plus ni moins que la destruction du Portugal qui se profile. sous l’effet de la folie du dogme européiste. Comme en Grèce, comme en Espagne, comme en Italie, et comme partout ailleurs en zone euro, y compris en France, la classe politique européiste est coupable de non-assistance à peuples en danger.

Et même de haute trahison.

LES DEUX CARACTÉRISTIQUES RADICALEMENT NOUVELLES DE L’ACTUELLE ÉMIGRATION PORTUGAISE

Pour compléter l’analyse, il convient de remarquer que l’actuelle émigration portugaise compte deux caractéristiques radicalement nouvelles dans toute l’histoire du pays :

1)- une nouveauté sociologique

Tout au long de l’histoire du Portugal, et encore dans les années 60, la majorité des émigrants étaient d’origine modeste et sans diplôme. Ce n’est désormais plus le cas. Dans les années 2010, la majorité des émigrants sont des jeunes urbains diplômés, qui vont trouver fortune ailleurs que dans la zone euro, en plein débâcle économique et morale.

Il s’agit donc d’un drame double pour le pays : non seulement le Portugal perd de la main-d’œuvre, mais il perd en outre de la main-d’œuvre qualifiée. Il perd à la fois des bras et de la matière grise.

2)- une double nouveauté géographique

L’autre caractéristique de l’émigration portugaise contemporaine réside dans les zones géographiques concernées :

  • – d’une part les émigrés partent de tout le Portugal, et non pas d’une région précise, car c’est bien tout le Portugal qui est frappé de plein fouet par le désastre économique. Les urbains sont majoritaires parmi ceux qui émigrent.
  • – d’autre part, les pays de prédilection sont d’abord les pays de la lusophonie, où l’on parle le portugais, du fait de l’histoire de la colonisation : arrivent en tête non seulement le Brésil, mais aussi, et c’est cela qui est le plus nouveau, les pays de l’Afrique australe que sont l’Angola et le Mozambique, naguère encore ravagés par des guerres de décolonisation puis des guerres civiles qui semblaient ne jamais devoir prendre fin.

Cette caricature résume le changement sociologique de l’émigration portugaise : dans les années 60, la majorité des émigrants étaient d’origine modeste et sans diplôme, partaient principalement de la région du nord de Porto, et se rendaient surtout en France. Dans les années 2010, la majorité des émigrants sont des jeunes urbains diplômés qui vont trouver fortune ailleurs que dans la zone euro, en pleine débâcle économique et morale.


UNE NOUVELLE PREUVE ÉCLATANTE DE LA FAUSSETÉ DU DOGME EUROPÉISTE

Ces choix de pays d’émigration sont pleins de sens car ils constituent, si l’on y réfléchit un instant, une nouvelle preuve éclatante de la totale fausseté du dogme européiste.

Voici 55 ans en effet, depuis 1957, que la prétendue « construction européenne » repose sur les postulats fondamentaux :

  • que « l’Union fait la force » : la débandade générale de toutes les économies européennes, le fait irréfutable que la zone euro est la zone de plus faible croissance mondiale depuis sa création il y a 13 ans, et les conseils officiels du gouvernement portugais à ses propres citoyens de fuir leur pays, illustrent cruellement ce qu’il faut penser de ce slogan européiste.
  • qu’il y aurait une solidarité naturelle entre les peuples d’Europe : ce postulat, dont le fondement théorique n’est jamais creusé, repose en réalité sur des présupposés religieux et raciaux implicites. Il est au cœur de la théorie belliciste du “Choc des Civilisations“, si chère aux “think tanks” américains et aux stratèges de l’OTAN.
  • et que cette solidarité naturelle irait en se renforçant inéluctablement, puisque les traités européens visent l’objectif d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe ». Cette formule figure dans le préambule du traité de Rome du 25 mars 1957 et est reprise dans le traité de Maastricht de 1992 ( « Résolus à poursuivre le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ») et dans tous les traités ultérieurs ( préambule du TFUE par exemple).

Or, le désespoir des Grecs ( cf. mon article précédent ) ou l’émigration en masse des Portugais vers le Brésil, l’Angola ou le Mozambique prouvent tout le contraire. À savoir qu’il n’y a aucune solidarité naturelle entre les peuples d’Europe, et que les 55 ans de « construction européenne » écoulés n’ont amené en rien une « union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe ».

Bien au contraire ! Les Portugais n’émigrent plus guère vers la France ou l’Allemagne, car ils savent qu’ils n’y seraient pas bien accueillis et qu’il n’y a pas de travail pour eux. Ils ne se rendent pas non plus en masse en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Irlande ou en Finlande car ils savent que partout ils trouveraient la même désolation. Comme dans la fable de La Fontaine Les Animaux malades de la peste, « les pays de la zone euro ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ».

Non, pour un nombre croissant de jeunes Portugais candidats à l’émigration, l’avenir ne se situe plus dans les pays de la Vieille Europe ravagés par le chômage, le désespoir et une dictature qui ne dit pas son nom.

L’avenir se situe d’abord dans les pays de la lusophonie, ceux qui furent des colonies portugaises, ceux qui parlent la même langue que sur les rives du Tage, ceux avec lesquels des liens historiques, culturels, familiaux, et migratoires, noués sur plusieurs siècles, ont forgé une solidarité réelle.

Une solidarité bien plus réelle que la solidarité mensongère et factice du glacis géopolitique américain baptisé “Union européenne” pour duper les électeurs.

Cette carte des pays lusophones dans le monde, tout comme les cartes correspondantes des pays de la Francophonie, de l’Hispanophonie ou du Commonwealth britannique, constitue le plus cinglant démenti à la fois à la prétendue « construction européenne » et à la théorie du Choc des Civilisations chère aux think tanks américains. Car c’est entre le Portugal et les pays lusophones qu’il existe pour de vrai cette “solidarité” que les européistes essaient désespérément de faire naître entre les pays d’Europe, au nom d’une vision géopolitique d’origine anglo-saxonne dont le soubassement racial et religieux constitue le scandaleux non-dit.


Entrons dans le détail de ces nouvelles émigrations portugaises, vers des cieux hors d’Europe.

L’ÉMIGRATION PORTUGAISE AU BRÉSIL

Pour les Portugais de 2012, le Brésil est redevenu ce qu’il était il y a un siècle, à savoir le tout premier pays d’émigration, celui vers lequel ils espèrent bâtir une nouvelle vie.

Pour mesurer l’ampleur du phénomène, il est intéressant de rappeler quel a été le flux d’émigration portugaise vers le Brésil au cours du dernier demi-millénaire. L’immigration portugaise au Brésil depuis l’an 1500 a connu les évolutions suivantes :

  • 1500-1700 : 100.000 immigrés du Portugal au cours des 200 ans
  • 1701-1760 : 600.000 immigrés du Portugal en 60 ans
  • 1808-1817 : 24.000 immigrés du Portugal en 10 ans
  • 1827-1829 : 2.004 immigrés du Portugal en 3 ans
  • 1837-1841 : 629 immigrés du Portugal en 5 ans
  • 1856-1857 : 16.108 immigrés du Portugal en 2 ans
  • 1881-1900 : 316.204 immigrés du Portugal en 10 ans ( cette poussée résulte du fort besoin en main-d’œuvre qui est apparu au Brésil après l’abolition de l’esclavage noir, en 1888 )
  • 1901-1930 : 754.147 immigrés du Portugal en 30 ans ( idem )
  • 1931-1950 : 148.699 immigrés du Portugal en 20 ans
  • 1951-1960 : 235.635 immigrés du Portugal en 10 ans
  • 1961-1967 : 54.767 immigrés du Portugal en 7 ans
  • 1981-1991 : 4.605 immigrés du Portugal en 11 ans

[ source : Imigração portuguesa para o Brasil (1500-1991)Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE) ]

Or, on a appris, le 5 décembre 2011, que pas moins de 50.000 Portugais avaient émigré au Brésil au cours des 6 derniers mois (juin-novembre 2011).

Cela signifie qu’au cours des 6 mois de juin à novembre 2011, il y a eu pratiquement autant de Portugais qui ont quitté leur pays pour aller s’installer au Brésil qu’il y en avait eu au cours des 7ans 1961 – 1967, pourtant sous la dictature.

Ce nombre représente aussi la moitié du nombre total de Portugais étant allés s’établir pendant les… 200 ans 1500-1700.

Le 5 décembre 2011, la RTP (Radio Télévision du Portugal) annonce que pas moins de 50.000 Portugais ont émigré au Brésil au cours des 6 derniers mois. [ source : http://www.rtp.pt/noticias/?article=506532&layout=122&visual=61&tm=6&

La population de Rio de Janeiro compte des milliers d’immigrés portugais

“Portugais dans le monde”. En mars 2011, la RTP ( Rádio e Televisão de Portugal ) a consacré une série documentaire sur les Portugais émigrés à travers le monde. Ici les trois épisodes consacrés à des Portugais installés à Rio de Janeiro : http://www.portalsplishsplash.com/2011/03/portugueses-pelo-mundo-brasil-rio-de.htm


24 juillet 2012 : Nicolas Bourcier, correspondant du journal Le Monde à Rio de Janeiro, consacre un article au titre implacable pour décrire l’arrivée en masse d’immigrés portugais au Brésil, du fait de la crise de l’euro. Cet article, publié dans le supplément “Économie” n’empêche nullement le journal Le Monde de conserver contre vents et marées la ligne ultra-européiste imposée par ses actionnaires et d’assurer à ses lecteurs qu’il n’y a point de salut… en dehors de l’euro !

http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/07/24/ici-on-vit-la-bas-on-survit_1737143_3234.html

 

L’ÉMIGRATION PORTUGAISE EN ANGOLA

Grande nouveauté par rapport aux décennies et aux siècles passés, l’Angola est devenu la deuxième destination pour l’émigration des Portugais de 2012.

Cette évolution ne doit rien au hasard. Elle résulte de la conjonction de deux réalités :

  • – d’une part l’Angola est un immense pays lusophone, dont la superficie est 2,5 fois celle de la France, mais qui n’est peuplé que de 19 millions d’habitants,
  • – d’autre part, l’Angola est devenue depuis le début du siècle l’un des pays du monde dont la croissance économique est la plus forte depuis 10 ans : + 11,1 % par an de 2002 à 2011 !

Le temps de la guerre de décolonisation, puis de la guerre civile, est encore présent dans les mémoires, mais il appartient désormais bel et bien au passé. La paix revenue, alliée à la découverte de champs pétrolifères importants, a permis à la croissance de voler de records en records depuis le début du XXIe siècle. Et, même si le pays reste un pays pauvre, son PIB/habitant ne cesse de s’élever de façon stupéfiante. À telle enseigne que l’économie angolaise pourrait bien devenir la cinquième du continent africain dès 2020.

Les deux principales richesses de l’Angola sont le pétrole et les pierres précieuses.

Le 1er janvier 2007, l’Angola a d’ailleurs fait son entrée comme membre de plein droit au sein de l’OPEP. En 2011, le pays a produit environ 2,5 millions de barils par jour, soit 125 millions de tonnes par an. C’est à proprement parler une croissance exponentielle (cf. courbe ci-infra ), ce qui fait d’ores et déjà de l’Angola l’un des pays importants de l’extraction pétrolière mondiale. Ave 2,5 millions de barils par jour, l’Angola s’est hissé au 10ème rang mondial des pays producteurs, après le Brésil ( 2,77 millions de barils ) et devant le Koweït ( 2,49 ). Pour mémoire, l’Arabie saoudite produit 9,7 millions de barils par jour et la production mondiale totale est de l’ordre de 85 millions de barils par jour.

Cette croissance économique foudroyante a évidemment eu pour effet de réduire à très peu l’émigration angolaise vers le Portugal, et au contraire d’attirer un nombre croissant d’émigrants portugais ( qui y seraient déjà plus de 100.000 ).

Ainsi vient d’apparaître un signe des temps nouveaux, qui a fait récemment la Une des journaux portugais : il y a désormais plus d’immigrés portugais en Angola que d’immigrés angolais au Portugal.

L’information a fait sensation au Portugal : il y a désormais plus d’immigrés portugais en Angola que d’immigrés angolais au Portugal.

Carte des principaux champs pétroliers offshore en Angola

Une plate-forme de production pétrolière off-shore, au large des côtes angolaises.

 

Système de collecte et transport de gaz corrosif à partir des zones d’exploitation de champs pétroliers Offshore, réalisé par l’entreprise française Spie Capag en Angola.

 

La production pétrolière angolaise a connu une évolution exponentielle depuis un demi-siècle. La courbe est spécialement impressionnante depuis 10 ans.

 

Collecte de dépôts diamantifères dans une mine de diamants angolaise.

Les dépôts ramassés subissent un premier filtrage.

La récupération finale des diamants bruts se fait à la main.

 

Après nettoyage, les diamants bruts sont calibrés et pesés.

La richesse du sous-sol angolais est extrêmement prometteuse. L’Angola est le 3ème plus grand producteur de diamants en Afrique et l’on estime que seulement 40% des réserves diamantifères potentielles y ont été explorées. L’industrie minière y a longtemps été entravée par la guerre civile, la corruption et la contrebande. Mais désormais que le pays est plus stable les perspectives de développement sont très importantes, la vente de diamants représentant déjà près de 10% du total des exportations angolaises.La production de diamants est le monopole de Endiama E.P. ( Empresa Nacional de Diamantes E.P. ), société d’État qui a produit 8.55 millions de carats de diamants en 2010. L’Angola échappant aux injonctions de la Commission européenne et du FMI, il n’est pour l’instant pas question de privatiser cette entreprise.

Luanda, capitale de l’Angola

 

 

L’Angola connaît une forte croissance économique, qui se traduit notamment par une fièvre immobilière dans la capitale Luanda et dans plusieurs villes de province. Des milliers de jeunes Portugais ont décidé d’y émigrer pour tenter une nouvelle vie “à la portugaise”, loi, très loin du désastre de l’Union européenne et de ses politiques économiques désespérantes.

Plus les pays européens sont occupés à s’autodétruire dans la poursuite de la chimérique “construction européenne” et plus ils disparaissent comme acteurs ayant de l’importance dans le monde. Cette disparition se mesure aussi très bien en Angola, où les investisseurs et les sociétés de travaux publics chinois occupent le terrain délaissé.

Ces immeubles qui poussent comme des champignons à Luanda ou dans d’autres centres urbains du pays sont financés par le China International Fund.

 

 

 

L’Angolaise Leila Lopes élue Miss Universe 2011.

Symbole frivole et contestable sans doute, mais ô combien populaire et source de notoriété mondiale : Leila Luliana da Costa Vieira Lopes, né en 1986 à Benguela (Angola) a été couronnée Miss Angola Royaume-Uni en 2010, puis Miss Angola en 2010, et enfin, consécration suprême, Miss Universe 2011 lors du concours organisé à Sao Paulo.

C’est la deuxième fois seulement qu’une femme noire est élue Miss Universe (après Mpule Kwelagobe, du Botswana, qui fut élue Miss Universe en 1999 ). L’élection l’an dernier de Leila Lopes a fait la fierté de toute l’Afrique australe et a contribué à donner une nouvelle image à l’Angola, assurément beaucoup plus séduisante que celle d’un pays sorti de la guerre civile.

 

L’ÉMIGRATION PORTUGAISE AU MOZAMBIQUE

L’émigration portugaise se tourne également vers le Mozambique, quoi que laissé à la traîne par rapport à l’Angola, mais dont les richesses, notamment minières et touristiques sont encore presque totalement inexplorées.

Épuisé par une guerre civile de 15 ans ( 1977 – 1992 ), le Mozambique est encore l’un des pays les plus pauvres du monde et souffre de handicaps majeurs : corruption, violence endémique, forte prévalence du virus du SIDA (HIV) qui a réduit l’espérance de vie à 48 ans.

Cependant, les perspectives de développement sont proprement prodigieuses : le Mozambique possède d’énormes réserves de charbon et en a exporté l’an dernier ses tout premiers tonnages. Il espère devenir à terme le premier exportateur mondial de charbon. En outre, les découvertes récentes donnent à penser que le Mozambique possède les 4èmes réserves mondiales de gaz naturel, après la Russie, l’Iran et le Qatar.

À ceci s’ajoutent les perspectives de développement touristiques dans un pays spécialement beau et doté d’un magnifique patrimoine monumental colonial, datant parfois de cinq siècles.

C’est notamment pour souligner les atouts considérables et les perspectives de développement du Mozambique que les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté des Pays de Langue Portugaise ( CPLP ) y ont tenu leur Le IXe Sommet, dans la capitale Maputo, il y a un mois, le 29 juillet 2012.

Maputo, capitale du Mozambique

 

Le IXe Sommet de la Communauté des pays de langue portugaise (en portugais : Comunidade dos Países de Língua Portuguesa) s’est tenu à Maputo, capitale du Mozambique, le 29 juillet 2012.


Ce jeune Portugais, interrogé par la télévision Autonoma TV, est ingénieur géographe de formation, Il a émigré au Mozambique.

 

António Emílio Leite Couto, connu le son nom de plume de Mia Couto, est le plus célèbre des écrivains mozambicains.

Fils de Portugais qui avaient émigré au Mozambique au milieu du XXe siècle, il est y né en 1955 et y a passé toute sa vie. Devenu journaliste après le 25 avril 1974 (date de la “Révolution des Œillets” marquant la chute de la dictature de Marcelo Caetano au Portugal) et ayant choisi de rester citoyen mozambicain, il fut nommé à la tête de l’Agence d’Information du Front de libération du Mozambique ( FRELIMO ) durant la guerre d’indépendance. Ce n’est qu’en 1983 qu’il publia son premier recueil de poésie Raiz de Orvalho.

Les œuvres de Mia Couto ont été publiées dans 22 pays et traduites en plusieurs langues, dont le français. Il y marie la langue portugaise avec l’influence mozambicaine, utilisant le lexique et le vocabulaire des diverses régions du pays, produisant ainsi un nouveau modèle d’écriture africaine. Son premier roman Terre somnambule, publié en 1992, se déroule vers la fin de la guerre civile (1977-1992), dans un Mozambique déchiré par la guerre, lorsque les tensions entre partis politiques rivaux atteignent leur point culminant. Ce roman puissant a reçu en 1995 le Prix national de fiction de l’Association des écrivains mozambicains (AEMO) et a été sélectionné, à la Foire du livre 2001 du Zimbabwe, comme faisant partie des douze meilleurs livres africains du 20e siècle.

La forteresse São Sebastião dans l’ïle de Mozambique. À la pointe en bas à gauche, on distingue la chapelle de Notre-Dame de Baluarte ( Capela de Nossa Senhora do Baluarte ), en photo ci-dessous.

La Capela de Nossa Senhora do Baluarte est située dans la forteresse São Sebastião dans l’ïle de Mozambique (située à environ 900 km au nord-nord-est de Mauto). Construite par les Portugais en 1522, c’est le plus ancien bâtiment européen d’Afrique et de tout l’hémisphère sud.

 

Statue de Vasco de Gama, devant un monument colonial de l’Île de Mozambique. Le temps semble s’être arrêté dans la chaude torpeur du Canal de Mozambique, qui fait face à Madagascar et aux Comores.

Le Mozambique tire son nom de l’Île de Mozambique, qui tire elle-même son nom du cheikh arabe Mussa Bey, qui y avait installé un comptoir, et dont les premiers navigateurs portugais firent “Moçambique”. Les souvenirs monumentaux de l’épopée coloniale portugaise sont nombreux sur cette Île de Mozambique, qui a été classée pour cette raison au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO.


L’ÉMIGRATION PORTUGAISE EN AUSTRALIE… ET AILLEURS

Enfin, pour rendre avec justesse le phénomène, il convient de souligner que les Portugais qui fuient le Portugal de 2012 condamné à une mort lente par la prétendue « construction européenne », vont aussi vers d’autres cieux, toujours plus lointains.

Parmi ceux-ci, l’Australie apparaît aux jeunes Portugais ( comme d’ailleurs aux jeunes Français qui s’y précipitent ) comme un nouveau pays de cocagne.

L’Australie apparaît presque comme une métaphore, ou un antidote. Elle offre le rêve d’une vie aux antipodes, le plus loin possible du désastre de l’euro, du cauchemar des « réformes indispensables », de l’enfermement dans un avenir bloqué par la désespérante idéologie européiste qui assure aux peuples d’Europe que leurs États respectifs doivent disparaître.

Cette jeune Portugaise vit en Australie et tient un blog où elle présente sa photo avec le célèbre opéra de Sydney en arrière-plan. [source : http://coloquioslusofonia.blogspot.fr/2012/05/outra-visao-do-meu-pais-australia.html


CONCLUSION : LA RÉALITÉ TRIOMPHE TOUJOURS DES DOGMES ET DES CHIMÈRES

L’évolution actuelle du Portugal nous fournit au moins quatre enseignements, qui sont quatre confirmations :

  • 1) Les événements qui se déroulent au Portugal sont un excellent baromètre de la gravité historique de la situation en Europe. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les européistes, il ne s’agit pas d’une crise passagère et bénigne ; il s’agit au contraire d’une crise durable, profonde et d’ampleur historique. L’évolution quantitative, sociologique et géographique de l’émigration portugaise, dont les caractéristiques cumulées sont sans précédent depuis un demi-millénaire, en apporte une nouvelle preuve irréfutable.
  • 2) Les pays d’Europe, sous l’effet de la prétendue « construction européenne », sont en voie de sous-développement accéléré. Si les peuples d’Europe laissent les dirigeants européistes poursuivre leur folie, si ces dirigeants préfèrent continuer d’obéir au dogme européiste – et au gardien du dogme, situé à Washington – plutôt que de tirer posément le bilan aveuglant de 6 décennies d’erreurs, c’est l’ensemble du continent européen qui va sombrer dans une crise économique, sociale, politique et morale de plus en plus grave. Avec, au bout du chemin, des émigrations massives, la ruine, le pillage des patrimoines publics et privés, la destruction des structures sociales et un déchaînement de violences.
  • 3) Il n’y a pas le moindre sentiment de solidarité européenne, et pas le moindre sentiment affectif d’appartenance à une même communauté de « destin européen ». Tout comme l’amour, la solidarité véritable ne se décrète pas, mais elle se ressent. La véritable solidarité, la seule ressentie, n’est pas continentale, ni raciale, ni religieuse, ni imposée par Washington. Elle est le fruit de l’histoire, de la langue, de la culture, des habitudes prises en commun. Elle s’épanouit dans les pays de la Lusophonie (CPLP), elle n’est qu’une phraséologie creuse dans l’artificielle et mensongère Union européenne.
  • 4) Lorsque tout s’effondre, les dogmes et l’idéologie apparaissent pour ce qu’ils étaient : des mensonges et des raisonnements faux. Seule survit alors la vérité des peuples et des nations, qui sont le fruit de l’histoire.

Je ferai remarquer à cet égard, en guise de conclusion, que le peuple portugais demeure infiniment plus proche de l’image que s’en faisait son plus grand poète, le célèbre Camoëns, au XVIe siècle, que de la propagande absurde et amnésique des européistes du XXIe siècle.

La beauté et l’âpre grandeur du peuple portugais ne se trouvent pas et ne se comprennent pas dans la mise en œuvre, évidemment vouée à l’échec, des injonctions imbéciles de la “troïka” UE-BCE-FMI.

Cette beauté et cette âpre grandeur se comprennent, de nos jours encore, en parcourant les vers inspirés desLusiades du Camoëns, – lui qui chanta les exploits des découvreurs portugais ayant sillonné le monde à la Renaissance – ou en se promenant au Cap Saint Vincent, là où le Prince Henri le Navigateur eut l’idée géniale de lancer ses fiers capitaines de vaisseaux à la découverte du vaste monde, à la fin du XVe siècle.

Cet appel de l’Ailleurs, d’une vie plus aventureuse, plus belle et plus riche outre-mer, est encore ce qui motive les jeunes Portugais de 2012. Cette nostalgie d’un passé glorieux dont on voudrait tant qu’il revive, c’est le sentiment, portugais par excellence, de la “saudade”.

C’est elle qui explique que les jeunes Portugais de 2012 préfèrent quitter leur pays, pourtant bien-aimé, plutôt que d’assister à sa lente agonie dans une chimère politique et monétaire imposée par des tyrans sans âme.

François ASSELINEAU

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« Je chanterai les combats et ces hommes courageux

Qui, des plages occidentales de la Lusitanie,

S’ouvrant sur les mers des passages nouveaux,

Par-delà Taprobane ont guidé leurs vaisseaux,

Déployant au milieu des périls et des guerres

Une force plus qu’humaine,

Et parmi des peuples lointains fondèrent Si glorieusement un nouveau royaume.»

Nota :”Taprobane” est le nom donné à l’Île de Ceylan dans les textes grecs de l’Antiquité de Megasthenes ( environ – 290 av JC) et de Ptolémée (environ + 150 ap JC)

Luís de Camões, Les Lusiades, Chant Premier (traduction approximative ; il n’existe aucune traduction réellement satisfaisante des Lusiades, tant la langue, poétique et riche, est quasiment impossible à traduire en français.)

Luís Vaz de Camões, appelé souvent « le Camoëns », né vers 1525, mort le 10 juin 1580 à Lisbonne, est considéré comme le plus grand poète du Portugal et fait l’objet d’un véritable culte de la part du peuple portugais en général, et de gens de lettres en particulier. Son œuvre la plus célèbre, les Lusiades ( qui fut publiée en 1572) retrace l’épopée nationale des conquérants portugais outre-mer et est indissolublement liée au sentiment national portugais, dont elle a largement contribué à l’essor. Son œuvre peut être comparé à ceux de Virgile, Dante ou Shakespeare.

Le cap Saint-Vincent ( en portugais Cabo de São Vicente ) est un endroit presque mythique de l’histoire de l’Europe et du monde. Situé dans la municipalité de Sagres, en Algarve, ce promontoire rocheux est le point le plus au sud-ouest de toute l’Europe. Un phare et un monastère y ont été construits.

À proximité, se trouve la forteresse de Sagres, qui accueillit l’école navale créée par l’Infant Don Henrique, qui reste le vestige symbolisant les explorations portugaises du XVe siècle le long des côtes africaines. Don Henrique, appelé ensuite Henri le Navigateur ( 1394 – 1460 ), prince de Portugal, est considéré comme la figure la plus importante du début de l’expansion coloniale européenne.

Sans doute inspiré par l’immensité des horizons marins qu’il avait sous les yeux, c’est lui qui prit l’initiative de demander, au milieu du XVe siècle, à des navigateurs de son pays de conduire les premières explorations outre-mer, le long des côtes africaines.

À cette époque, on savait depuis longtemps que la Terre était ronde ( les Grecs anciens le savaient déjà ) mais l’on pensait que la mer bouillait et que la température devenait tellement chaude à proximité de l’équateur qu’il était impossible pour un homme d’y survivre. C’est en descendant peu à peu le long des côtes de l’Afrique que les commandants envoyés par Henri le Navigateur prouvèrent qu’il n’en était rien. Ils en profitèrent pour découvrir successivement le Golfe de Guinée, l’Afrique australe, le Brésil, le Cap de Bonne Espérance, et l’accès à l’Océan indien par le contournement sud de l’Afrique.

 

La dernière série de billets de banque portugais en escudos avait eu la prémonition, – comme pour un chant du cygne ? -, de représenter les grands découvreurs, qui restent le symbole de la grandeur passée du Portugal : João de Barros, Pedro Álvares Cabral, Bartolomeu Dias, Vasco de Gama et Henri le Navigateur. Ces billets magnifiques furent retirés de la circulation lors de l’introduction de l’euro en 2002, et les Portugais n’ont plus, comme tous les autres peuples d’Europe, qu’à se contenter de ces ineptes billets en euros qui ne représentent que des monuments imaginaires.

  • Le billet de 500 Escudos représentait l’écrivain et historien João de Barros (1496-1570) au recto, et une Allégorie des Découvertes portugaises au verso. João de Barros fut capitaine de la forteresse de S. Jorge da Mina, sur la côte de Guinée, puis trésorier de la Casa da India (Maison de l’Inde) de 1525 à 1528.
  • Le billet de 1000 Escudos représentait le commandant Pedro Álvares Cabral (1467-1520) au recto, et une caravelle devant la forêt brésilienne au verso. Pedro Álvares Cabral, chargé par le roi du Portugal Manuel Ier d’aller aux Indes et de poursuivre l’œuvre de Vasco de Gama, découvrit les côtes du Brésil le 22 avril 1500.
  • Le billet de 2000 Escudos représentait le commandant Bartolomeu Dias (1450-1500) au recto, une caravelle, une Rose des Vents, un compas et une carte de l’Afrique et de l’Europe au verso. Bartolomeu Dias, commandant de flotte, chargé par le roi du Portugal Jean II d’étudier les côtes africaines et de trouver un passage vers la Mer des Indes, découvrit les côtes de l’actuelle Namibie, puis le Cap des Aiguilles et le Cap de Bonne-Espérance en 1488.
  • Le billet de 5000 Escudos représentait le commandant Vasco de Gama (1468-1524) au recto, une caravelle et son entrevue avec les autorités de Calicut en Inde au verso. Suivant les traces de Bartolomeu Dias dix ans après, Vasco de Gama contourna l’Afrique australe, découvrit le Canal de Mozambique et l’Île de Mozambique, les côtes de l’actuel Kenya, puis traversa l’Océan Indien jusqu’aux côtes de l’Inde où il atteignit Calicut et Goa ( en 1498 ). L’Inde n’était pas une découverte mais la Route maritime des Indes par l’Océan Atlantique et l’Océan Indien en était une, et des plus considérables : elle ouvrait une nouvelle voie maritime pour le commerce des épices et l’établissement de liens commerciaux dans laquelle allaient s’engouffrer les puissances européennes des siècles suivants.