Les 2 problèmes de l’Italie : Elle n’a pas la bonne monnaie ni le bon mouvement politique

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Un nouveau et très bon article d’Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph : « L’ITALIE A UN SEUL PROBLÈME ÉCONOMIQUE MAJEUR : ELLE N’A PAS LA BONNE MONNAIE » :

Dans un numéro récent (10 décembre 2012) du grand quotidien britannique Daily Telegraph, le célèbre journaliste Ambrose Evans-Pritchard explique que « le départ de Mario Monti est la seule façon de sauver l’Italie ».

Pourquoi ? Parce que «  l’Italie a un seul problème économique majeur : elle n’a pas la bonne monnaie » et Mario Monti est l’homme qui a été placé à la tête de l’Italie pour que le pays reste dans cette monnaie.

Dans cet article très bien documenté, Ambrose Evans-Pritchard démystifie l’idée selon laquelle une sortie de l’Italie de l’euro serait un désastre économique pour le pays. Il montre au contraire qu’un retour à la lire est non seulement souhaitable, mais qu’un retrait de Mario Monti pourrait être un premier pas dans cette direction.

CE QU’IL FAUT RETENIR DE CET ARTICLE

  • – L’Italie est plus riche que l’Allemagne en termes de richesse par habitant. Elle a le premier excédent primaire du G7. Son cumul de dette privée et publique est inférieur à celui de la France, des Pays-Bas, du Royaume Uni, des États-Unis ou du Japon.
  • – Selon Andrew Roberts de la banque RBS : […] « S’il y a bien un pays d’Europe qui aurait intérêt à sortir de l’euro pour restaurer sa compétitivité, c’est évidemment l’Italie ». Analyse corroborée par une étude de la Bank of America.
  • – L’obstacle principal à un retrait de l’euro est Mario Monti, ardent défenseur du projet européen et de l’euro. Plus tôt sera sa sortie, plus tôt le pays pourra stopper sa descente dans la récession. Les marchés sont d’ailleurs horrifiés à cette idée, en témoigne la flambée récente des taux sur le 10-ans italien.
  • – Un tel scénario démontrerait que les propos de M. Draghi promettant de venir à l’aide des pays de manière « illimitée » ne reposent sur rien de concret, et que le vrai pouvoir est encore du côté des hommes politiques.
  • – Alors que la chute de l’économie italienne s’accélère, il serait surprenant que, lors des élections à venir, les italiens accordent leur confiance à des hommes politiques partisans de mesures ayant prouvé leur inefficacité. 30% d’entre eux seulement estiment aujourd’hui  que l’euro a été « une bonne chose ».
  • – L’intervention de Berlusconi ce weekend témoigne de ce que les voix anti-austérité commencent à se refaire entendre. « L’Italie est au bord de l’abysse. Je ne peux pas laisser mon pays être entraîné dans une spirale de récession sans fin. […] La situation est aujourd’hui pire qu’il y a un an. Nous ne pouvons pas continuer ainsi » a t-il déclaré.

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LE BILAN CATASTROPHIQUE DE MARIO MONTI

Même si Ambrose Evans-Pritchard ne le dit pas expressément, la teneur de cet article montre que Mario Monti n’agit pas dans l’intérêt des Italiens mais de l’oligarchie euro-atlantiste qui a fait nommer cet ancien de Goldman Sachs à la tête du gouvernement italien en novembre 2011, sans demander son avis au peuple italien et sans passer par la case “élections”.

Or, et même si tous les grands médias euro-atlantistes affirment le contraire, le bilan d’un an de gestion de Mario Monti est une catastrophe.

Alors qu’il a annoncé qu’il allait quitter la Présidence du Conseil, et il laisse derrière lui un recul de -1,1% de la production industrielle en octobre sur un mois, et un recul de -6,2% sur un an. Cette baisse mensuelle de l’indice se retrouve dans tous les secteurs, notamment les biens intermédiaires (-8%), les biens de consommation (-5,5%) et l’énergie (-4,4%).

CONCLUSION : IL MANQUE A L’ITALIE UNE UPR

Cette situation politique, économique, monétaire et sociale, et l’évidence de plus en plus flagrante que l’euro est LA principale source des problèmes de l’Italie, expliquent pourquoi tous les grands médias euro-atlantistes, à commencer par les grands médias français, ont commenté avec un tel dédain l’idée d’un retour de M. Berlusconi.

Perclus de scandales, condamné par la justice, M. Berlusconi n’est hélas pas un homme politique respectable. Et c’est sans doute la raison de fond pour laquelle l’oligarchie lui donne encore la parole.

En Italie comme partout ailleurs en Europe, ceux qui tirent les ficelles ont intérêt à discréditer toute idée de sortie de l’euro en l’amalgamant, soit à l’extrême-droite (le FN en France, le PVV (Parti pour la Liberté) de Geert Wilders aux Pays Bas, Aube Dorée en Grèce, etc.), soit à l’extrême-gauche (le KKE communiste en Grèce), soit purement et simplement à un affairiste aux agissements mafieux (Berlusconi en Italie).

Du reste, tout comme le FN en France, la position de M. Berlusconi sur l’euro n’est pas du tout claire et il n’a jamais indiqué précisément et définitivement que son programme consistait  à en sortir. Du coup, il a laissé la place vide que s’est empressé d’occuper Beppe Grillo, une sorte de Coluche italien, dont le “Mouvement 5 étoiles” connaît un succès grandissant chez nos amis italiens.

Ce mouvement politique de type libertarien présente de nombreux aspects sympathiques, dont certains le rapprochent d’ailleurs de l’UPR, comme la “e-democracie”, l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux comme vecteurs d’information s’exerçant sans censure, et la volonté de rester en dehors du clivage gauche-droite. (Cependant, d’après une enquête de l’Istituto Cattaneo, une écrasante majorité des électeurs du mouvement serait issue des partis de centre-gauche).

Porté par les événements, ce mouvement politique né sur Internet est désormais crédité de 19% d’intentions de vote au niveau national (sondage SWG de juin 2012) et, lors des élections anticipées de l’Assemblée régionale sicilienne le 28 octobre 2012, il est arrivé en 3e position des coalitions en lice, et est même devenu le premier parti de Sicile, avec plus de 18 % des voix.

 

Le problème, toutefois, posé par ce parti est que son président et fondateur est une personnalité truculente et peu crédible. Tour à tour acteur de théâtre, de cinéma, et de télévision, provocateur et agitateur d’idées, il a animé une journée populaire en Italie, sous le sobriquet gracieux dle « V-Day » pour “Vaffanculo” (= “va te faire foutre”) en 2007…

Les analyses de Beppe Grillo sur les tenants et aboutissants de la construction européenne, ou sur la géopolitique mondiale qui se cache derrière, sont des plus minces. Son expérience professionnelle est nulle, et la façon burlesque dont il fait campagne (cf. photo ci-dessus) donne à penser qu’il éprouve le besoin de ridiculiser lui-même les idées qu’il défend.  

Pourquoi agit-il ainsi ? N’est-ce pas une autre façon de saper l’idée de sortir de l’euro que de la faire porter par des personnages aussi peu crédibles pour exercer des fonctions gouvernementales ?

En bref, ce qu’il manque à l’Italie, ce n’est pas seulement de récupérer la lire, c’est aussi d’avoir une UPR italienne.

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POST SCRIPTUM : Voici l’article traduit en français par les soins de l’équipe de traduction de l’UPR ===

Le départ de Mario Monti, seule solution pour sauver l’Italie

 L’Italie n’a qu’un seul problème économique grave : sa monnaie.

 Par Ambrose Evans-Pritchard

 The Telegraph: 9:09PM GMT 10 Dec 2012

La nation est plus riche que l’Allemagne en terme de revenu par habitant, avec une richesse privée de plus de 9 000 milliards d’Euros. Elle a le plus fort excédent budgétaire primaire des membres du G7. Sa dette combinée, publique et privée est de 265% du PNB, plus basse qu’en France, en Hollande, au Royaume Uni, aux Etats-Unis ou au Japon.

Elle se situe en haut de l’index du Fond Monétaire International pour la capacité de remboursement à long terme, parmi les nations industrielles clés, précisément du fait de la réforme des retraites entreprise longtemps auparavant sous Silvio Berlusconi.

« Ils ont un secteur d’export très dynamique et un excédent primaire. S’il y a un pays dans l’Union Monétaire Européenne (UME) qui bénéficierait d’une sortie de l’Euro, c’est évidemment l’Italie » affirme Andrew Robert de RBS.

« Les chiffres leur sautent à la figure. Nous pensons que l’histoire de 2013 n’est pas celle de pays contraints de quitter l’UME mais plutôt qu’ils choisissent d’en sortir. »

Une simulation de la Bank of America a conclu que l’Italie gagnerait plus que les autres membres de l’UME à se libérer et à restaurer son contrôle souverain sur ses politiques.

Son bilan des investissements internationaux est presque à l’équilibre, au contraire de l’Espagne et du Portugal (tout les deux en déficit de plus de 90% du PNB). Son excédent primaire implique qu’elle peut quitter l’UME au moment ou elle le souhaite sans affronter une crise de financement.

Un fort taux d’épargne signifie que tout choc sur les taux d’intérêts après le retour à la lire reviendrait à irriguer l’économie à travers de meilleurs paiements aux détenteurs italiens de titres ; et l’on oublie souvent que les taux réels italiens sont plus bas que ceux de la Banque d’Italie.

Rome possède une poignée d’atouts. Mais le grand obstacle est son premier ministre, Mario Monti, installé à la tête d’une équipe de technocrates, lors du putsch de Novembre 2011, par le Chancelier Allemand Angela Merkel et la Banque Centrale Européenne, sous les applaudissements de la classe médiatique et politique.

M. Monti est peut être un grand gentilhomme d’Europe mais il est aussi un grand prêtre du projet d’Union Européenne et un acteur clé de l’appartenance de l’Italie à l’Euro. Plus vite il partira et plus vite l’Italie cessera de glisser vers la dépression chronique.

Les marchés sont bien sûr horrifiés qu’il puisse démissionner après l’adoption du budget 2013, ouvrant tôt l’année prochaine, la porte au grabuge politique. Le rendement de la dette italienne a gagné 30 points à 4.85% ce lundi. « L’armistice a duré 13 mois. Maintenant la guerre a repris. Le monde nous regarde avec incrédulité, » écrit le Corriere della Sera.

Le risque immédiat pour les investisseurs est un parlement fracturé, avec 25% de chance de victoire pour les forces eurosceptiques de M. Berlusconi, la Ligue du Nord et le comédien Beppe Grillo, maintenant à près de 18% dans les sondages. “Nous sommes foutus si il n’y a pas de majorité claire au parlement,” dit le Prof. Giuseppe Ragusa de l’université Luis Guido Carli de Rome.

Une telle issue laisserait les marchés financiers aussi nus et exposés qu’ils l’étaient en juillet lors d’un dernier spasme de la crise de la dette européenne. Rome serait moins encline à demander une aide et à signer un Memorandum d’abandon de la souveraineté fiscale – les conditions pour que la BCE limite les taux d’intérêt de la dette italienne.

Tous ces investisseurs qui se sont rués sur la dette italienne, ou la dette espagnole, après que Mario Draghi de la BCE eut promis de faire tout ce qu’il pourrait pour faire soutenir la cohésion de l’UME, pourraient estimer que M. Draghi manque à sa promesse. Ses mains sont liées par la politique. Les détenteurs de titres devraient se faire du souci. Car les intérêts dela démocratie Italienne et ceux des créditeurs étrangers ne sont désormais plus alignés. La politique déflationniste, digne des années 30, imposée par Berlin et Bruxelle, à poussé le pays à une spirale à la Grecque. Le lobby économique Cofindustria dit que la nation est réduite aux « décombres sociaux ».

Les dernières données confirme que la production industrielle italienne est en chute libre, de 6.2% en Octobre dernier par rapport à l’année précédente. « Nous avons vu une capitulation totale du secteur privé ces 12 derniers mois. » dit Dario Perkins de Lombard Street Research. La confiance des entreprises retrouve son niveau des tréfonds de la crise financière. La confiance des consommateurs n’a jamais été aussi basse. Berlusconi a raison sur le fait que

l’austérité a été un désastre complet.

La consommation a chuté de 4.8% l’année dernière avec plus d’imposition. « Il n’y a pas de précédent à cela. Le risque pour 2013 est que cette chute soit encore pire » dit l’association de consommateur Confcommercio.

Cette crise trouve son origine au milieu des années 90 quand le deutsche Mark et la lire ont été figés à perpétuité. L’Italie avait l’échelle mobile des salaires et des habitudes inflationnistes. Les vieux usages ont la vie dure.

Elle a perdu 30 ou 40% de compétitivité du travail face à l’Allemagne, par un lent effet de cliquet. Son excédent commercial historique avec l’Allemagne est devenu un grand déficit structurel.

Le dommage est maintenant fait et l’on ne peut revenir en arrière. Pourtant c’est exactement ce que l’élite politique de l’EU tente de faire par l’austérité drastique et la « dévaluation interne ».

Une telle politique pourrait fonctionner dans une petite économie ouverte avec une forte composante commerciale comme l’Irlande. En Italie, cela reproduit l’histoire britannique après que Winston Churchill eut adossé, à un taux surestimé, la livre sterling à l’or, en 1925. Comme le disait Keynes, acide, les salaires sont collés à la baisse. La paie britannique bougea à peine les cinq années suivantes. L’effet principal d’une telle politique est de pousser le chômage à une hausse vertigineuse. Le taux de chômage de la jeunesse d’Italie est de 35% et en hausse.

M. Monti a administré un tour de vis fiscal de 3.2% du PNB cette année, trois fois la dose thérapeutique. Il n’y a pas de raison économique à cela. L’Italie a eu un budget proche del’équilibre primaire, ces 6 dernières années. Elle a été et était sous Berlusconi, un rare modèle de rectitude.

L’excèdent primaire atteindra 3.6% du PNB cette année et 4.9% l’année prochaine. On ne peut être plus virtuose. Et pourtant la douleur fut pire qu’inutile.

La resserrement fiscal lui-même a poussé la dette publique Italienne d’un équilibre stable à une zone de danger. Le FMI affirme que le ratio de dette augmente plus vite qu’auparavant, passant de 120% l’année dernière à 126% cette année et 128% en 2013.

L’économie s’est contractée durant cinq trimestres. Citygroup affirme qu’elle sera broyée, avec une chute de 1.2% en 2013 et 1.5% en 2014, avec une croissance quasi-nulle aussi loin qu’en 2017, et la restructuration de la dette tout au long du chemin.

Il serait étonnant que les électeurs italiens tolèrent cette débâcle longtemps, même si Pier Luigi Bersani gagne les élections sur un programme de soutien aux réformes et à l’Europe. Les sondages du groupe PEW montrent que seuls 30% d’entre eux pensent que l’euro a été une « bonne chose ».

Le chœur en faveur d’une sortie de l’UME s’est tu après que M. Draghi eut plaidé pour son sauvetage. Cinq mois plus tard, il est clair que la crise la plus profonde est toujours vive. Les voix s’élèvent à nouveau. M. Berlusconi s’empare avec malice du thème, évoquant un jour son « idée folle » de faire imprimer en défi, des euros par la Banque d’Italie, disant le lendemain « Ce n’est pas un blasphème que de parler de quitter l’Euro ».

Son langage est plus acéré cette semaine “L’Italie est au bord du gouffre. Je ne peux laisser mon pays plonger dans une spirale récessioniste sans fin”

“La situation d’aujourd’hui est bien pire qu’il y a un an lorsque j’ai quitté le gouvernement. Nous avons un million de chômeurs en plus, la dette augmente, les entreprises ferment, la propriété s’effondre et le marché automobile est détruit. Nous ne pouvons pas continuer comme ça “

 Non en effet.