Nouveau scandale dans la tour de Babel européenne

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Le président chypriote Demetris Christofias lève crânement un pouce victorieux : cette photo peut symboliser le bras d’honneur de Chypre à la troïka, qui semble dire “Adieu !” à la “construction européenne”.

Résumé : le président chypriote Christofias, également président du Conseil de l’UE pour 6 mois, annonce publiquement qu’il négocie une aide financière avec la Russie, dont les conditions sont bien pus favorables que celles offertes à Chypre par la “troïka” UE-BCE-FMI…

Chypre, qui a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet et pour 6 mois, a commencé très fort aujourd’hui, en faisant un beau scandale : le président chypriote Demetris Christofias vient en effet de confirmer publiquement à Strasbourg qu’il négocie directement une aide financière avec le Kremlin pour venir au secours des banques chypriotes en perdition.

Et pourquoi cela ?

Parce que, comme l’a annoncé le chef d’État chypriote, « les conditions offertes par la Russie à Chypre sont plus favorables, car Moscou, au contraire de la troïka (BCE, Commission européenne et FMI), ne pose aucune condition et propose simplement des taux d’intérêt bas. Point. »

Dans l’entourage du président chypriote, on confirme que les négociations avec la Russie se déroulent en parallèle avec celles menées avec les experts de la fameuse “troïka” euro-atlantiste, arrivée hier à Chypre pour évaluer ses besoins et fixer les conditions de l’aide internationale.

COMMENTAIRES : UN SPECTACULAIRE BRAS D’HONNEUR À LA COMMISSION EUROPÉENNE ET À LA BCE

Il n’est, à vrai dire, pas tout à fait nouveau que Chypre demande l’aide russe : l’île avait déjà obtenu de Moscou, fin 2011, un prêt à taux bonifié de 2,5 milliards d’euros pour 2012.

Mais il ne s’agissait encore que d’un prêt. Cela n’avait pas le caractère spectaculaire et dramatisé d’un plan de sauvetage.

En outre Chypre ne détenait pas la présidence semestrielle de l’UE.

Cette fois-ci, le gouvernement de Nicosie a décidé de mettre les pieds dans le plat, en usant de la présidence de l’UE pour ameuter les médias sur son cas.

Le président Christofias veut non seulement rendre public mondialement que la “solidarité européenne” est un mensonge et que la troïka s’apparente à une bande de malfaiteurs, mais il en profit pour remettre en cause les fondements mêmes du dogme européiste.

Il a en effet justifié son alliance financière russe par des raisons tirées de l’histoire et par les intérêts nationaux chypriotes :

« Du fait notamment de sa culture orthodoxe, le pays a des liens culturels et traditionnels avec la Russie qui remontent très loin » a-t-il déclaré, d’ailleurs à juste titre.

Et il a par ailleurs promis de se battre pour que son pays conserve la taxe sur les entreprises, la plus faible d’Europe (à hauteur de 10%), que la fameuse “troïka” veut augmenter.

Faisant un bras d’honneur à la troïka, à la Commission et à la BCE, le président Christofias a tempêté :

« Cette taxe sur les sociétés remonte à bien avant l’adhésion à l’UE, et relève de la politique nationale et non des compétences européennes ! Chypre va lutter pour que ce régime reste en place, c’est notre moyen de survie. Si je devais relever cette taxe à 15%, immédiatement les entreprises qui se trouvent à Chypre partiraient ailleurs, notamment dans les pays voisins ! »

CONCLUSION : L’UE PART DÉCIDÉMENT À VAU-L’EAU

La tradition européiste veut que le pays qui prend pour 6 mois la présidence tournante du conseil de l’UE adopte de ce fait un profil bas et spécialement consensuel, afin de “réussir sa présidence”, comme on dit dans les milieux bruxellois.

Le scandale que vient de faire Chypre est donc à marquer d’une pierre blanche.

Sauf erreur de ma part, c’est la première fois dans l’histoire qu’un pays qui préside l’UE pour 6 mois :

a)- se livre à une pareille attaque contre l’Union européenne,
b)- démasque l’hypocrisie de la prétendue “solidarité européenne”,
c)- invoque son histoire et ses intérêts nationaux fondamentaux pour piétiner la lettre et l’esprit des traités européistes,
d)- et se tourne de façon ostentatoire vers un pays hors UE (la Russie, en l’espèce) pour trouver son salut.

Décidément, chaque jour qui passe montre que la prétendue “construction européenne” part à vau-l’eau. Partout, elle ne suscite que l’appauvrissement et le pillage, et une montée inexorable de la colère des peuples.

Et le président du conseil de l’UE en exercice vient de prouver à l’opinion publique mondiale qu’il y aura une vie après cette “construction européenne”. Le scandale est complet.

François ASSELINEAU