Comment l’EU préfère les fabricants d’OGM à votre santé

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Maïs OGM

Les faits

L’Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire (généralement connue sous le nom d’« EFSA » selon ses initiales en anglais) vient d’estimer (le 30 juin 2009) que la culture d’un maïs OGM, le « MON 810 » de l’entreprise américaine Monsanto, était sans risques pour la santé et l’environnement « si des mesures appropriées sont prises pour éviter une contamination des lépidoptères ».

Peu avant, le 24 juin, le Conseil d’État français avait quant à lui pris une décision en sens exactement inverse : il posait le principe que les mises en culture d’OGM devaient être interdites tant que celles-ci ne se feraient pas en toute clarté, c’est-à-dire que la  localisation des essais devrait être connue précisément et rendue publique avant toute demande d’autorisation.

Les commentaires de l’UPR

Sur un sujet aussi sensible pour la santé publique que les OGM, les Français sont donc tirés à hue et à dia entre deux institutions, l’une – française – qui confrontée à une levée de bouclier de l’opinion publique, se retrouve forcée d’afficher une certaine prudence, l’autre – « européenne » – qui, libre de toute pression populaire, donne un énième blanc-seing à un lobby.

Qu’en déduire en termes généraux ? Que nous disent ces avis sur les structures qui les rendent ?

  1. Le Conseil d’État est une institution française de hauts fonctionnaires ayant le statut de magistrat. Héritiers d’une longue tradition républicaine, les membres de cette juridiction sont, dans leur globalité, indépendants des intérêts économiques. S’il arrive à quelques-uns d’entre eux de trouver des pantouflages lucratifs dans le privé, ce n’est pas le cas de la grande majorité. De toute façon, ils n’ont théoriquement pas d’intérêts financiers lorsqu’ils sont en fonction au Conseil et ils peuvent donc juger en fonction de l’intérêt général, sans subir les pressions des lobbys industriels produisant les OGM. En outre, les Français étant plus intéressés aux décisions prises au niveau national qu’à ce qui se passe à Bruxelles, le travail du Conseil d’État est beaucoup plus directement visé par les critiques de l’opinion française.
  2. L’EFSA, quant à elle, est l’une de ces Tours de Babel anonymes qui peuplent les institutions « européennes », peuplées d’experts de 27 nationalités parlant à peu près le même nombre de langues différentes. D’où viennent ces « experts » qui s’ignorent les uns les autres et qui ont des traditions extrêmement disparates ? Qui assure leur carrière ensuite ? Qui vient les voir dans leurs bureaux ? Mystère. Ce qui n’est en revanche pas un mystère, ce sont les conclusions auxquelles parviennent ces fameux « experts spécialisés » : sur les 42 avis de commercialisation qui ont été demandés au cours des années récentes par les industriels des OGM, les « experts européens » ont rendu… 42 avis positifs. En d’autres termes, l’Agence Européenne dit toujours oui à Monsanto et consorts. Cette autorité administrative européenne s’affirme bien entendu « indépendante » ; mais l’expérience montre donc que, si elle est en effet indépendante des peuples et de la volonté générale, elle est en revanche très dépendante des actions de lobby exercées par les industriels de « l’agrobusiness ». On notera d’ailleurs que le souci affiché cette fois-ci par l’EFSA de « prendre des mesures pour éviter la contamination des lépidoptères » n’est, encore une fois, que de la poudre aux yeux pour endormir les opinions publiques, tant l’idée est loufoque et impossible à mettre en œuvre : va-t-on tendre d’immenses filets à papillons de plusieurs hectares au-dessus des champs de maïs génétiquement modifiés pour empêcher les « lépidoptères » d’y venir voleter ? Va-t-on installer des rondes de surveillance avec torche et gyrophare, 24 heures sur 24, pour vérifier qu’aucun « lépidoptère » ne s’est introduit dans la zone interdite ? Verbalisera-t-on le « lépidoptère » contrevenant en lui enlevant quelques points sur son permis de butiner ? Sacrés « experts » !!
  3. Cette si grande complaisance de l’Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire à l’égard des grands fabricants d’OGM – essentiellement américains – est relayée par la non moindre bienveillance de la Commission européenne à l’égard des mêmes. Élue par personne en dehors d’un vote purement formel du Parlement européen, la Commission européenne est entrée en guerre depuis belle lurette du côté des fabricants d’OGM, et cela contre les peuples et contre l’avis express de nombreux États membres. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, la Commission européenne met les États membres devant le fait accompli, ce qui prouve une nouvelle fois le mensonge éhonté des européistes qui vous assurent avec un culot d’acier qu’aucune décision importante ne pourrait être prise au sein de l’Union européenne sans l’accord des États.

De fait, la Commission a pris, en parfaite connivence avec l’EFSA, toutes les mesures pour imposer la culture des OGM aux États membres, que cela leur plaise ou pas. Pourtant, en mars dernier, sous la pression populaire, 22 États sur 27 avaient été contraints de se prononcer contre la proposition de la Commission d’imposer à l’Autriche et à la Hongrie l’autorisation des OGM. A cette occasion, les États avaient d’ailleurs expressément demandé de « revoir la méthodologie d’évaluation » de l’EFSA, dont les 100% d’avis positifs donnés aux industriels commençaient en effet à faire jaser.

Cette apparente rébellion des États n’a servi à rien puisque, nous venons de le voir, cette Agence « indépendante » continue à donner ses avis positifs sans avoir le moins du monde entamé la « révision méthodologique » demandée. Ainsi donc, les « experts » de l’EFSA, qui ne se cachent même pas de travailler pour le privé, parallèlement à leur rôle théoriquement dévolu au service de la santé publique, se moquent ouvertement des décisions des États. Ils tranchent souverainement et à la va-vite dans une affaire non seulement très complexe mais dont nul ne connaît en outre avec certitude les conséquences à long terme. Cela revient à piétiner purement et simplement le principe de précaution, et cela à l’heure même où la presse se fait l’écho de nouveaux tests montrant l’apparition d’insectes résistants aux OGM les plus sophistiqués, annulant par là l’intérêt de ces plantes modifiées.

Ce énième rebondissement de l’affaire des OGM illustre de façon éclatante toute la perversité de la mécanique européenne. Des États (dont les dirigeants sont forcés par les échéances électorales à ménager, en apparence, leur opinion) font mine de batailler avec la Commission pour défendre les intérêts de leur peuple mais laissent en définitive celle-ci (et ses « experts ») pousser le bouchon toujours un peu plus loin, dans le seul intérêt des lobbies qui la contrôlent, et contre les peuples.

Il est grand temps de sortir la France de ce guêpier…

Edgar, militant UPR de Paris


Liens :

Sur la décision de l’EFSA : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/07/03/01011-20090703FILWWW00487-franceogm-conclusions-de-l-ue-rejetees.php

Sur le principe de précaution : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Al32042

Sur l’apparition de résistances aux OGM : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/nature/20090707.OBS3430/ogm_resistance_croisee_inattendue_chez_une_chenille_de_.html