François Asselineau salue la mémoire de Jacques Calvet, opposant résolu à l’Union européenne.

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== Communiqué de presse – 10 avril 2020 – 21h30 ==

François Asselineau salue la mémoire de l’ancien président du groupe PSA, Jacques Calvet, disparu jeudi 9 avril 2020 à l’âge de 88 ans.

L’histoire retiendra que ce très grand patron français s’était vigoureusement élevé contre le traité de Maastricht car il avait compris, dès le début des années 1990, que l’euro serait une catastrophe pour la France.

Après l’ENA et quelques années à la Cour des comptes, Jacques Calvet était entré en 1959 comme conseiller au cabinet de Valéry Giscard d’Estaing lorsque ce dernier était secrétaire d’État aux Finances sous la présidence de Charles de Gaulle. Il était resté au service de Giscard lorsque celui-ci devint ministre de l’Économie et des Finances de Georges Pompidou en 1969.

Jacques Calvet avait ainsi assisté, aux premières loges, au formidable mouvement de modernisation et d’équipement de la France entamé par l’Homme du 18 juin, et au grand retour d’une France indépendante et souveraine sur la scène mondiale.

Après une carrière à la BNP à partir de 1974, il prend en 1982 les rênes du groupe PSA alors en grande difficulté financière. Son action conduit au redressement de l’entreprise, au prix – hélas ! – d’une large restructuration et sur fond de polémiques naissantes sur la rémunération des dirigeants de grands groupes.

En 1992, toujours à la tête de PSA, il s’oppose publiquement et avec talent, au traité de Maastricht alors qu’une très grande partie de la scène politique française, de Chirac à Mélenchon en passant par Giscard d’Estaing et Rocard y est favorable.

Jacques Calvet est même pressenti pour débattre avec François Mitterrand dans le cadre de la campagne référendaire. L’Élysée y met finalement son véto, préférant Philippe Séguin pour représenter le camp anti-Maastricht au cours d’un débat à la Sorbonne resté dans les mémoires : Philippe Séguin avait, en effet, semblé retenir volontairement ses critiques pour ménager un président de la République déjà malade et affaibli.

Très attiré par la politique, Jacques Calvet évoqua un temps la possibilité de briguer la présidence de la République en 1995, trois ans après l’échec sur le fil du « non » à Maastricht. Ce projet restera sans suite.


Jacques Calvet symbolise une époque où certains grands patrons d’industrie n’hésitaient pas à intervenir dans le débat public, pour y prendre le contrepied des idées dominantes – notamment sur les questions européennes – et pour dire ce qu’ils pensaient être juste et bon pour défendre les intérêts de la France et son appareil productif.

Il représente aussi un certain style de hauts fonctionnaires qui, lorsqu’ils passaient dans le secteur privé, n’oubliaient pas pour autant le sens du bien commun, ni ce qu’ils devaient à l’État et à la France.

Par contraste, on ne peut que déplorer le silence gêné, les acquiescements factices et l’absence de courage de la plupart des décideurs économiques d’aujourd’hui, dès lors qu’il s’agit de la « construction européenne ». Confrontés chaque jour au désastre économique et social provoqué par le traité de Maastricht et par l’euro, ils savent que cela ne marche plus du tout mais ils préfèrent garder leurs critiques pour eux et les cercles très restreints qui les entourent.

Car ils ont intégré le fait que, à la différence des années 90, un débat public sans faux-fuyants sur les questions absolument décisives de l’UE et de l’euro est devenu quasiment impossible dans la France des années 2000-2010.


Ils ont aussi intégré le fait que, à la différence du Royaume-Uni – où 306 chefs d’entreprise avaient appelé publiquement à voter en faveur du Brexit en 2016 – quiconque se déclare en faveur du Frexit en France risque encore de s’attirer une excommunication médiatique immédiate.

Néanmoins, les temps changent.

Venant après tant d’autres blocages, échecs et déconvenues, l’actuelle pandémie de Covid-19 révèle que l’Union européenne est une impasse fondée sur des montagnes d’hypocrisie, qui conduit tout le continent au désastre.

C’est une amère satisfaction posthume pour Philippe Séguin et Jacques Calvet, dont l’Histoire montre chaque année davantage qu’ils avaient eu raison d’appeler à voter Non à Maastricht.