== Allocution de Macron du 13 avril 2020 ==Pour Asselineau, Macron ne réagit pas en chef d’État à la crise sanitaire et à ses multiples conséquences.

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Communiqué de presse du 13 avril 2020 – 23 h 50

Les Français attendaient ce soir un discours concret et précis sur quelques points fondamentaux : les traitements pour les malades, la date du déconfinement, les décisions pour éviter la reprise de l’épidémie une fois ce dernier réalisé, et les mesures significatives à prendre pour venir en aide à l’activité économique.

L’intervention du chef de l’État aurait dû se limiter à l’annonce de ses décisions sur ces sujets prioritaires. Elle n’avait pas à durer plus de 5 minutes.

Au lieu de quoi, Macron a infligé aux Français un galimatias larmoyant de 27 minutes, dans lequel on entendait principalement l’autojustification embarrassée d’un homme qui se sait responsable de la catastrophe sanitaire en cours, et qui n’esquisse qu’à la fin de son propos l’expression réticente d’un vague regret dont il espère que ce sera suffisant pour calmer une opinion publique scandalisée.

Au sein d’une succession de contre-vérités et de dénis de la réalité, on notera les allégations suivantes :

  • Macron a affirmé que tous les pays ont été pris au dépourvu face au virus.
    C’est parfaitement faux, comme le montrent les exemples taïwanais, sud-coréen ou allemand.
  • Macron a affirmé que les masques et les respirateurs seront massivement produits en France d’ici à trois semaines.
    Qui peut croire cette énième promesse alors que cela fait plus de deux mois que lui-même ou les membres de son gouvernement ont d’abord assuré aux Français que les masques étaient nuisibles pour leur santé, puis leur ont annoncé l’arrivée imminente de tout ce qui manque pour faire face à l’épidémie.
    Ce que montre la réalité de terrain, c’est qu’il y a encore très peu de personnes qui portent des masques.
    Quant aux soignants, les témoignages de leur dénuement en matière de masques, de matériel, et de médicaments continuent à abonder et révèlent l’amateurisme criminel de Macron et du gouvernement. Ces témoignages révoltés venant même de députés ayant été élus sur l’étiquette En Marche !
    Macron n’a d’ailleurs rien dit sur les 2 milliards de masques que la France a commandés à la Chine, dont la livraison complète ne sera terminée que fin juin, d’après Jean-Yves Le Drian, c’est-à-dire bien après le 11 mai, date du déconfinement.
  •  Macron a affirmé qu’il y aura des tests à partir du déconfinement, mais pas pour tout le monde, ni tout de suite.
    Comment ne pas être outré que Macron nous présente comme un succès remarquable le fait que la France ne sera toujours pas capable de tester les Français de façon massive 4 mois après que le risque d’épidémie lui avait été annoncé, dès le 11 janvier, par sa ministre de la Santé ?
    Comment ne pas voir le gouffre qui sépare la France des pays qui se sont le mieux défendus contre le coronavirus, qui sont justement ceux qui ont fait un large usage de ces tests ?

Par ses affirmations si déconnectées de la réalité, Macron a donc donné une nouvelle fois le sentiment de vivre hors-sol. Il ne peut inspirer aucune confiance, ni dans la parole de l’État, ni dans sa capacité à assurer un déconfinement maitrisé et efficace. 



En outre, toutes les questions évoquées sont restées dans le flou, y compris même la date du déconfinement. Car si Macron a annoncé qu’il l’avait fixée au 11 mai, il a quand même assorti cette annonce de deux sacrés bémols :

a) Cette date du 11 mai pourra être reportée

Macron a en effet précisé que “Le lundi 11 mai ne sera possible que si nous continuons d’être civiques, responsables, de respecter les règles et que si la propagation du virus a effectivement continué à ralentir.” 
En bref, si ces conditions ne sont pas toutes remplies, le déconfinement sera impossible le 11 mai.

b) Cette date du 11 mai, si elle est confirmée, ne sera que le début d’un déconfinement progressif.

Macron a en effet précisé que cette nouvelle étape sera “progressive. Les règles pourront être adaptées en fonction de nos résultats car l’objectif premier demeure la santé de tous les Français.”
En gros, le plus grand flou règne :les crèches, les écoles, les collèges et les lycées seront rouverts progressivement” – sans autre précision – à partir du 11 mai, mais pour “les étudiants de l’enseignement supérieur, les cours ne reprendront pas physiquement jusqu’à l’été”, ce qui signifie en clair qu’ils ne reprendront qu’à la rentrée de septembre ou d’octobre.
Macron n’a pas expliqué quel raisonnement sanitaire recommande de rouvrir les écoles le 11 mai et les universités en octobre.

De façon générale, on est d’ailleurs frappé par la légèreté avec laquelle Macron décide d’un déconfinement le 11 mai, sans apporter la moindre certitude que l’épidémie ne va pas reprendre de plus belle aussitôt.

La mise à disposition de masques sérieux pour tous les Français
(et pas de “masques grand public” dont le sens exact est mystérieux) et de tests par millions est à cet égard un pré-requis pour lancer une opération de déconfinement qui ne mette pas en jeu la vie des Français.

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Pour tout le reste, Macron s’est abstenu de prendre la moindre décision claire et nette. Il s’est ingénié à faire du “en même temps”, en gardant toutes les options ouvertes, ou en glissant carrément de nombreuses questions sous le tapis.

Ainsi :

➡️ Il est resté sciemment évasif sur les traitements, en ne disant pas un mot de l’essai clinique « européen Discovery », pourtant annoncé à coups de tambour à la suite des polémiques sur l’emploi de l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine, prôné par le Pr Raoult.

➡️ Il n’a rien décidé pour remédier aux pénuries de médicaments, alors qu’il aurait dû rassurer la population sur la fin souhaitable du recours actuel à des produits vétérinaires !

➡️ Il n’a pas soufflé un mot des conflits d’intérêts flagrants chez un certain nombre de chercheurs qui bénéficient de subsides de grands laboratoires pharmaceutiques, en particulier de Gilead Sciences et AbbVie, qui font un lobbying considérable pour leurs spécialités pharmaceutiques dans l’essai Discovery.

➡️ Bien qu’il ait évoqué l’indépendance sanitaire, il n’a pas annoncé la nationalisation de certaines entreprises qui sont indispensables à cette indépendance, telle Luxfer qui produit des bouteilles d’oxygène médical.

➡️ Il n’a pas indiqué comment il entendait sauver Air France, alors que les salariés et de nombreux sous-traitants sont inquiets quant au devenir de notre compagnie aérienne symbole de la France,

➡️ Il n’a pas décidé de fermer les frontières françaises à l’occasion du déconfinement. Elles resteront donc a priori ouvertes avec l’Espagne et l’Italie, grandes pourvoyeuses de Covid-19, mais seront fermées pour les ressortissants de Taïwan ou de Singapour, qui ont un pourcentage de malades bien inférieur.

Macron, naguère pourfendeur de la “lèpre nationaliste” fait montre ici de toute la bêtise de la “lèpre” du “nationalisme européiste”.

➡️ Il n’a pas donné sa décision sur la surveillance des malades à partir de leur téléphone portable. Il a botté en touche en se contentant… d’annoncer des débats sur ce point !

➡️ Il n’a rien dit sur l’abandon de la réforme des retraites, réforme injuste et inutile qui est massivement rejetée par les Français, et cela alors même qu’il se veut le chantre de l’unité nationale et qu’il affirme que cette crise doit amener à un “plan massif pour nos aînés, entre autres”. 

➡️ Alors qu’il a évoqué le sort des festivals, il n’a pas donné la moindre indication sur ce qu’il allait faire pour les élections municipales. Ni pour la tenue de la réunion d’installation des communes dont les maires ont été élus au 1er tour. Ni ce qu’il comptait décider pour le 2e tour des élections municipales dans les autres municipalités.
Jusqu’à quand les quelque 35 000 communes de France vont-elles continuer à être ainsi en état d’apesanteur ? Nul ne le sait.

➡️ Il n’a pris aucune sanction contre les ministres qui ont scandaleusement menti à l’occasion de la gestion de la crise du Covid-19, comme Sibeth Ndiaye.

➡️ Il n’a présenté lui-même aucune excuse franche ni regret sincère pour l’amateurisme criminel dont il a fait preuve, et tout le gouvernement avec lui.

➡️ Enfin, on cherchera en vain dans son interminable allocution l’expression de ses condoléances pour les proches des plus de 14 000 morts du Covid-19 hélas dénombrés en France à cette date.

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L’intervention de Macron, annoncée par toutes les trompettes médiatiques depuis des jours, n’a été en somme que le lent et pénible dégonflement d’une baudruche.

Ne tenant aucun compte du camouflet diplomatique sans précédent que lui a infligé le président de la République allemande (M. Frank-Walter Steinmeier, dans un discours solennel le 11 avril, a dénoncé publiquement et sèchement la métaphore ridicule de Macron sur la « guerre » contre le coronavirus), Macron s’est remis à parler de « front » et de « première », « deuxième » et « troisième » lignes face au Covid-19, énumérant les bataillons d’à peu près toutes les catégories socio-professionnelles du pays, comme dans un discours électoraliste de politicard très médiocre.

Les Français attendaient un chef d’État ; ils ont eu droit à l’apprenti du club de théâtre du lycée d’Amiens s’évertuant à jouer le Tartuffe, délivrant un prêche maladroit et verbeux et mimant maladroitement la commisération sous des couches toujours plus épaisses de fond de teint.

Les Français attendaient un cap net et résolu. Sur la plupart des sujets, ils n’ont eu droit qu’à la rhétorique du « en même temps ». Des interrogations cruciales demeurent dans l’ombre. Les annonces de vagues soutiens aux petites entreprises, aux commerçants, aux secteurs dévastés comme la restauration et le tourisme, ou encore l’évocation du rôle que peuvent jouer les banques dans ce soutien, tout cela apparaît comme un inventaire à la Prévert de vœux pieux dressé par un observateur impuissant.

Les Français attendaient aussi que Macron tire les conséquences de l’absence de « solidarité européenne » et de la faillite du néo-libéralisme des traités européens ; ils ont eu droit à un énième discours incantatoire et grotesque sur la « refondation » européenne à venir et l’importance de se « réinventer ».

Les Français ont pu ce soir, une fois encore, constater que l’élection de Macron en 2017 a été une tragique erreur.


Lancé par Jacques Attali, puis propulsé par une propagande médiatique sans précédent dans l’histoire de la République française, Macron est le produit d’un casting, d’un mauvais casting, et il n’est que cela.

Macron a hélas montré une nouvelle fois ce soir qu’il n’a ni l’étoffe, ni l’autorité, ni l’esprit de décision, ni la capacité d’anticipation, ni l’esprit d’organisation, ni la vraie compassion nécessaires à un chef d’État dans une période de lourdes épreuves. 

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