Quand un économiste démissionnaire de la BCE appelle à la sortie de l’euro (et de l’UE)

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Vincent Brousseau – Diplômé de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud et titulaire de deux doctorats, l’un en mathématiques et l’autre en économie, j’ai travaillé pendant 15 ans à la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort. J’ai démissionné de cette institution pour être tête de liste UPR (circonscription Massif Central-Centre) aux élections européennes de mai 2014. Je suis actuellement responsable National de l’UPR en charge de l’euro et des questions monétaires.

En des temps plus heureux, dont certains d’entre nous se souviennent encore, les Français ont joui d’un haut niveau de protection sociale et d’un niveau de revenus honorable. Nous n’en avions pas alors conscience, tant cette situation nous paraissait aller de soi et être acquise. Mais elle ne l’était pas, c’est maintenant devenu manifeste. C’est à la politique de « mondialisation inévitable » que nous devons cela. Son principe est de mettre les travailleurs français, avec leurs bons niveaux de salaires et de protection sociale, en concurrence directe avec les travailleurs de pays dont les standards sont largement inférieurs dans ces domaines. Deux choses s’ensuivent mécaniquement : (1) une diminution des acquis sociaux et des revenus des travailleurs français ; (2) une explosion du chômage. mondialisation inévitable   Si une autarcie totale n’est ni possible, ni souhaitable, davantage d’autosuffisance est non seulement souhaitable, mais aussi possible. Davantage d’autosuffisance, donc d’indépendance, cela implique nécessairement un retrait de la construction européenne, et en particulier un retrait de l’euro. Il ne sera pas possible de retrouver la voie de la prospérité et de la démocratie sans en passer par là. Le choix est simple : ou bien le recouvrement immédiat de notre souveraineté et de notre indépendance politique, ou bien une précarisation et un appauvrissement continues de la plus grande partie de la population. D’ores et déjà, la vie d’une demi-génération a été sacrifiée à l’idéologie destructrice actuellement au pouvoir.

Baisse du niveau de vie, perte des acquis sociaux, démantèlement de l’État

La baisse du niveau de vie des Français ne doit pas être appréhendée par un chiffre moyen, puisqu’un appauvrissement de la majorité pourrait être masqué par le fort enrichissement d’une minorité. Pour éviter cet écueil, il faut considérer des données détaillées par tranches de revenus.

Pour la période de la vie de l’euro qui précède la crise, on peut partir de la donnée suivante (voir cet article) : « Sur la période 1998-2005, le revenu moyen déclaré par les Français stagne quasiment, passant de 23 205 à 24 574 euros. 5,9 % de mieux en huit ans, soit 0,82 % par an en moyenne.

Cette moyenne très faible cache cependant de grandes disparités. Pour les 90 % des Français les moins riches, l’évolution des revenus est en deçà de cette moyenne : 4,6 % de mieux seulement sur la même période. » Cela fait 0,64 % par an en moyenne, sensiblement moins que l’inflation sur la même période, d’où il s’ensuit que 90 % au moins des Français se sont appauvris sur ces sept ans. Depuis la crise, évidemment, les choses ont empiré.

Mais ce calcul repose sur la valeur officielle de l’inflation. Si on admet que l’inflation réelle dépasse largement cette valeur officielle, l’effet est encore pire. Le revenu de la grande majorité des Français a fait plus que stagner, il a carrément régressé.

La baisse de niveau de vie de la plupart des Français ne constituera pas un scoop, puisque tout un chacun, soit y est directement exposé, soit connaît dans son entourage des personnes qui le sont. La perte progressive des acquis sociaux est également facile à constater.

Quant au démantèlement de l’État et des services publics, s’il est peut-être moins directement perceptible dans la vie courante, il est tout aussi lourd de conséquences pour l’avenir. Ce démantèlement tient à deux choses : d’une part, le transfert d’un nombre croissant de compétences vers les instances européennes, ou parfois des instances régionales, circonscrit de plus en plus le périmètre du pouvoir de la République ; d’autre part, l’austérité budgétaire, qui est l’effet conjoint des traités européens et de la crise économique, prive l’État de moyens financiers décents.

Ainsi, progressivement, l’État devient une coquille vide, incapable d’assurer les missions qui lui avaient été confiées, en des temps meilleurs, par la Nation. Mon parti politique, l’Union Populaire Républicaine (UPR), propose donc aux Français de sortir de l’UE, de l’euro et de l’OTAN. Non pas de réformer l’UE ni d’instaurer une quelconque « Autre Europe », non pas de remplacer l’euro actuel par quelque nouvel édifice, et sans se limiter à la sortie du commandement intégré de l’OTAN : mais trois retraits purs et simples de l’UE, de l’euro et de l’OTAN.

Vous ne le savez sans doute pas, car aucun autre parti politique n’en parle, mais il existe un moyen juridique pour sortir de l’UE : c’est l’article 50 du traité sur l’Union européenne (TUE). Il commence ainsi : « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. »

Le retrait de la France de l’euro

Le retrait de la France de l’euro, c’est le retour à une monnaie nationale, le franc français.

-tina-thatcher- Vincent Brousseau ex-BCE

« There is no alternative » (Il n’y a pas d’alternative), souvent abrégé « TINA »

L’argumentation de nos adversaires est presque entièrement de nature tétanisante, c’est-à-dire qu’elle consiste en anathèmes et en prédictions apocalyptiques visant à figer l’adversaire dans une stupeur douloureuse et à intimider les Français. Cette technique comporte des variantes. La variante principale, cependant, se résume dans le slogan thatchérien « There is no alternative » (Il n’y a pas d’alternative), souvent abrégé « TINA ». Cet argument est ce que l’on appelle une pétition de principe. Pas d’alternative à la mondialisation, pas d’alternative à l’euro, circulez, il n’y a rien à voir.

Sur l’euro, l’argument TINA est d’ailleurs relayé par la communication des institutions européennes, lesquelles martèlent que l’euro est irrévocable, irréversible ; je crois même avoir lu ou entendu une fois qu’il était là pour l’éternité. À croire les grands médias, on n’imaginerait jamais que la Troïka (Commission, BCE, FMI) a étudié, et même dans le détail, les modalités précises de sortie de l’euro d’un certain pays. Tel est pourtant le cas. Enfin, remarquons que les constructeurs de l’Europe ont pris leurs précautions pour faire en sorte que l’euro paraisse irréversible. Ce n’est pas un hasard si aucun texte européen ne définit ou spécifie de modalités de sortie de l’euro (alors qu’ils sont assez pléthoriques pour ce qui est des modalités d’entrée dans l’euro).

Or, contrairement à ce qu’affirment d’une seule voix les dirigeants UMPS et les instances européennes, un retrait de l’euro est possible. Ce qui rend la chose faisable, c’est que les euros de base monétaire, c’est à dire la monnaie centrale, sont des créances sur les banques centrales nationales de l’Eurosystème et non des créances sur la BCE. Là réside la faille du système, sa réversibilité cachée.

Que faudrait-il en somme ? Une loi convertissant les dettes de droit français, titrisées ou non, depuis l’euro vers le nouveau franc. Les titres de droits étrangers se verraient appliquer une fiscalité dissuasive, avec l’option d’y échapper en cas d’acceptation volontaire de la conversion en francs français. En principe, les dettes intra-Eurosystème (résultant des balances TARGET ou des billets euros ayant été mis en circulation par la Banque de France) échapperaient à cette conversion, mais, la France ayant plus de marges de manœuvre que la Grèce, je reste persuadé qu’il y aurait un moyen de négocier quelque chose avec nos ex-partenaires de la zone euro. Quoi qu’il en soit, tant que notre souveraineté ne nous aura pas été définitivement confisquée, nous pouvons nous retirer, unilatéralement.

Il faut le faire. Seule l’UPR le propose.

Vincent BROUSSEAU



Article publié sur Agoravox