La Hollande va-t-elle être le pays qui fera exploser l’euro ?

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hollande-fera-exploser-euroN.K, excellent hispanisant et observateur vigilant du monde hispanique, a repéré dans la presse espagnole un article intéressant publié il y a quelques semaines dans le journal El Economista, article qui a connu un certain succès sur Internet en Espagne. La version électronique de ce media est la plus consultée en Espagne pour un journal économique (devant le très prestigieux Cinco días, par exemple, qui est le plus vendu de la presse économique espagnole en version papier).  

El Economista est un journal libéral – en termes économiques et politiques – mais qui n’a jamais trop caché son caractère eurocritique et sa conviction de l’explosion de l’euro, notamment depuis le début de la crise de 2008.

L’article sur lequel Nicolas a attiré mon attention est intitulé en français « La Hollande, le pays qui fera exploser l’euro ». Il n’est pas anodin de relever qu’il a été rédigé, non pas par un Espagnol mais par un consultant britannique du journal, qui y écrit régulièrement, Matthew Lynn. L’auteur souligne notamment que, lorsque la crise touchait les pays dits « périphériques » (Grèce, Italie, Espagne, Portugal, Irlande), les autorités économiques et politiques de l’Union européenne dédouanaient systématiquement la responsabilité globale du système de la zone euro en soulignant les faiblesses et erreurs internes aux pays concernés…

Mais, selon Matthew Lynn, le fait que la Hollande soit désormais dans une situation très difficile, alors qu’il s’agit d’un pays dit « central » – et membre fondateur de l’Europe des Six de 1957 -, montre que c’est bien l’euro qui pose un problème fondamental.

Cet article assurément intéressant est disponible en version originale ici : http://www.eleconomista.es/opinion-blogs/noticias/4819350/05/13/Holanda-El-paIs-que-harA-estallar-el-euro-.html

Nicolas a eu la gentillesse de le traduire en français pour tous nos lecteurs.
Voici sa traduction.

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LA HOLLANDE, LE PAYS QUI FERA ÉCLATER LA ZONE EURO

Un article de Matthew Lynn pour El Economista (Espagne), daté du 13 mai 2013

Traduit par N.K

Quel est le pays de la zone euro le plus endetté ? Ces gaspilleurs de Grecs, avec leurs généreuses pensions de retraite ? Les Chypriotes et leurs banques pleines à craquer d’argent sale d’origine russe ? Les Espagnols touchés par la récession ou les Irlandais en faillite ? Eh bien, curieusement, ce sont les Hollandais sobres et responsables.

La dette des consommateurs aux Pays-Bas a atteint 250% du Produit intérieur brut et c’est l’une des plus élevées au monde. À titre de comparaison, la dette des consommateurs espagnols n’a jamais dépassé les 125% du Produit intérieur brut.

La Hollande est l’un des pays les plus endettés au monde. Elle s’enfonce dans la récession et montre peu de signes d’amélioration réelle. La crise de l’euro traîne désormais depuis trois ans et, jusqu’à présent, elle n’avait infecté que les pays périphériques de la monnaie unique. La Hollande, cependant, est un membre central tant de l’Union européenne que de la zone euro. Si elle ne peut survivre dans cette zone, tout sera terminé.

Ce pays a toujours été l’un des plus stables et des plus prospères d’Europe, en plus d’être l’un des plus grands défenseurs de l’Union européenne. Il s’agit d’un membre fondateur de l’Union et d’un des partisans les plus enthousiastes du lancement de la monnaie unique. Doté d’une économie riche, orientée vers les exportations et avec un grand nombre de multinationales au succès mondial, elle était censée avoir toutes les chances de l’emporter lors de la création de la monnaie unique, qui naissait avec l’introduction satisfaisante de l’euro. Au lieu de cela, elle a commencé à suivre un scénario tristement connu. Elle est en train d’exploser de la même façon que l’Irlande, la Grèce et le Portugal, si ce n’est que la mèche est cette fois-ci un peu plus longue.

Une bulle immobilière

Les bas taux d’intérêt, qui obéissent surtout aux intérêts de l’économie allemande, et un important flux de capitaux bon marché ont contribué à la création d’une bulle immobilière et à l’explosion de la dette. Du lancement de la monnaie unique jusqu’au pic du marché, le prix du logement en Hollande a doublé, devenant l’un des marchés les plus en surchauffe au monde. Et maintenant, il est en train de s’écraser avec pertes et fracas. Le prix du logement chute à la même vitesse qu’en Floride lorsque le marché immobilier américain, après une phase d’essor, a commencé à s’étioler.

À l’heure actuelle, les prix sont 16,6% plus bas qu’au plus fort de la bulle, en 2008, et l’Association nationale des Agents immobiliers prévoit une autre chute de 7% pour cette année. A moins que vous n’ayez acheté votre maison aux Pays-Bas au siècle dernier, elle vaudra désormais moins que vous n’avez dû débourser pour l’acquérir et même moins que la somme que vous avez empruntée pour ce faire.

C’est pour cette raison que les Hollandais se noient dans une mer de dettes. Située au-dessus des 250% du PIB, la dette des ménages néerlandais est plus importante encore qu’en Irlande et 2,5 fois supérieure au niveau grec.

Le gouvernement a déjà dû sauver une banque et, avec un prix du logement en constante chute, le plus probable, c’est que bien d’autres banques suivent le même chemin. Les banques néerlandaises ont 650 milliards d’euros injectés dans un secteur immobilier qui perd de la valeur à toute vitesse. S’il y a bien une donnée assurée sur tous les marchés financiers du monde, c’est que lorsque les marchés immobiliers s’effondrent, le système financier ne se fait guère attendre.

Une profonde récession

Les agences de notation (qui n’ont certes pas pour habitude d’être les premiers agents économiques au courant des derniers événements) commencent à s’en rendre compte. En février, Fitch a abaissé la qualification stable de la dette hollandaise, qui conserve un triple A, lequel ne tient désormais plus que par un fil. L’agence a montré du doigt la chute du prix des logements, l’augmentation de la dette publique et la stabilité du système bancaire (c’est le même mélange toxique que pour d’autres pays de la zone euro affectés par la crise).

L’économie s’est enfoncée dans la récession. Le chômage augmente et atteint des sommets jamais vus depuis deux décennies. Le nombre total de chômeurs a doublé en seulement deux ans et il est passé en mars de 7,7% à 8,1% (soit un taux qui augmente encore plus rapidement que celui de Chypre). Le Fonds monétaire international prévoit que l’économie reculera de 0,5% en 2013 mais les pronostics ont la fâcheuse habitude d’être toujours optimistes. Le gouvernement ne respecte pas ses engagements en matière de déficit budgétaire en dépit de l’introduction de sévères mesures d’austérité en octobre 2012.

Comme d’autres pays de la zone euro, la Hollande semble entraînée dans un cercle vicieux fait d’augmentation du taux de chômage et de recettes fiscales en baisse, qui conduit à toujours plus d’austérité, toujours plus de coupes budgétaires et toujours moins d’emploi. Lorsqu’un pays monte dans ce train-là, il lui est très difficile d’en descendre (surtout lorsqu’il se situe en périphérie de la zone euro).

Jusqu’à présent, la Hollande avait été le grand allié de l’Allemagne lorsqu’il s’était agi d’imposer des mesures d’austérité dans tout le continent en guise de réponse aux problèmes de la monnaie unique. Mais maintenant que la dépression s’aggrave, le soutien néerlandais à cette recette de coupes et de récession (et même à l’euro !) va commencer à s’évanouir.

Les autres effondrements en zone euro se sont toujours produits en périphérie de la devise. Il s’agissait de pays marginaux et l’on présentait leurs problèmes comme des accidents et non pas comme des preuves du dysfonctionnement systémique de la monnaie unique. Les Grecs avaient trop dépensé. Les Irlandais avaient laissé leur marché immobilier s’emballer. Et pour commencer, les Italiens avaient toujours été trop endettés. Mais pour les Néerlandais, il n’y a aucune excuse : eux ont obéi à toutes les règles.

Depuis le début, il était apparu clairement que la crise de l’euro en arriverait à son stade terminal lorsqu’elle atteindrait le centre. Nombre d’analystes supposaient alors que ce serait le cas de la France et, bien que la France ne soit pas précisément dans une situation idéale (le chômage augmente et le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour faire baisser la compétitivité du pays), elle n’en reste pas moins un pays riche. Sa dette publique est sans doute élevée mais elle n’est pas encore hors de contrôle et n’a pas non plus commencé à menacer la stabilité du système bancaire. La Hollande en arrive à ce point.

Peut-être faudra-t-il attendre une année de plus, peut-être deux, mais la chute accroît son rythme et le système financier perd de la stabilité chaque jour. La Hollande sera le premier pays central à éclater et ce sera une crise de trop pour l’euro.