Le lapsus de Moscovici révèle sans doute l’échec de sa candidature à la Commission, dû à la tactique allemande

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Lapsus de Pierre Moscovici le 22 juillet 2014 : « Quand j’étais ministre des Finances, je me suis battu pour […] que nous fassions en sorte de SORTIR de la zone euro.»

Interrogé le 22 juillet sur Europe 1, l’ancien ministre des Finances Pierre Moscovici a tenté d’expliquer les raisons pour lesquelles il s’estime qualifié pour occuper le poste de commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires.

Il l’a fait dans ces termes :

« Je suis un Français, je suis un Européen. Toute ma vie a été marquée par cette double filiation. J’ai été ministre des Affaires européennes, député européen. Quand j’étais ministre des Finances, je me suis battu pour redresser la compétitivité de la France, pour réduire les déficits mais aussi pour que nous fassions en sorte de SORTIR de la zone euro

Un lapsus ravageur

Ce lapsus ravageur rappelle le terrible lapsus de François Hollande, le 10 octobre 2012, lors de sa conférence presse conjointe avec le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy au terme du 22e sommet franco-espagnol de Paris :

« La Banque Centrale a organisé un mode d’intervention permettant de COMPLOTER… de compléter le dispositif. A partir de là, il n’y a pas d’autres conditions à poser, pas d’autres mécanismes à imaginer. »

Lapsus de François Hollande le 10 octobre 2012

Lapsus de François Hollande le 10 octobre 2012 : « La Banque Centrale a organisé un mode d’intervention permettant de comploter .. »

Réfutant les théories psychanalytiques, certains considèrent encore que les lapsus ne sont que des simples erreurs qui ne signifient rien de particulier. Mais peu importe. Depuis Freud, une très grande majorité des responsables politiques, des journalistes et de l’opinion publique voit dans le lapsus un symptôme important de l’émergence de désirs inconscients. Les lapsus ne sont jamais bon en général, et sont souvent destructeurs d’une image ou d’une réputation en politique.

Dans cette perspective, le terrible lapsus de l’ancien ministre des finances trahirait son désir inconscient et tabou de faire sortir la France de l’euro pour redresser l’économie française.

De même que le lapsus de François Hollande avait sans doute trahi le fait qu’il sait très bien, en son intérieur, que l’action de la BCE est un complot contre la souveraineté et l’indépendance des peuples d’Europe.

Fin de partie pour la candidature Moscovici ?

Ce lapsus de Pierre Moscovici sur Europe 1 ne va donc pas passer inaperçu dans les cercles européistes. Et il tombe pour lui au plus mauvais moment, puisque sa candidature au poste de commissaire européen en charge des Affaire économiques et monétaires suscite une levée de boucliers dans une partie de l’opinion et des cercles dirigeants allemands.

Dans la version en ligne du journal « Handelsblatt », le responsable des questions budgétaires du groupe chrétien-démocrate (CDU-CSU) au Bundestag, Norbert Barthle, a ainsi formulé un jugement cinglant contre Pierre Moscovici il y a quelques jours : « Si on nomme aux affaires économiques et monétaires précisément le ministre des Finances français qui n’a rien fait pour respecter le pacte de stabilité, c’est comme si on voulait chasser le diable avec Belzébuth ».

Lorsque l’on sait que Norbert Barthle est l’un des piliers de la CDU d’Angela Merkel, le moins que l’on puisse dire est que la candidature de l’ancien ministre français était ainsi fort mal partie !

Au point même que l’on évoquait déjà, dans les allées opaques du pouvoir européiste, un veto implicite de l’Allemagne à son encontre.

Dès lors, le lapsus d’hier signe probablement la fin des espérances de Pierre Moscovici au poste qu’il convoitait, et sur lequel il donnait d’ailleurs l’impression, dans cet entretien sur Europe 1, de ne plus se faire beaucoup d’illusions.

Elisabeth Guigou membre de la Trilatérale

Élisabeth Guigou, membre de la Trilatérale, a le vent en poupe

Tout cela fait les affaires de la « socialiste » Élisabeth Guigou, dont le nom circule de plus en plus comme remplaçante de l’inénarrable baronne travailliste Lady Catherine Ashton of Upholland.

Pourquoi ?

  • D’une part parce que Mme Guigou remplit 2 des 3 critères exigées par les européistes pour ce poste : c’est une femme, et elle est « de gauche ». Je renvoie ici à mon analyse précédente.
  • D’autre part, parce que, si elle ne remplit pas le 3e critère (elle ne vient pas d’un pays de l’Est), Élisabeth Guigou présente néanmoins un pedigree absolument impeccable pour l’oligarchie euro-atlantiste et le gouvernement américain qui suivent tout ce micmac de très près.

Entrée au cabinet de Jacques Delors en 1982, avant de rejoindre celui de François Mitterrand à l’Élysée où elle fut chargée des questions économiques et financières internationales, Mme Guigou fut parallèlement nommée secrétaire générale du comité interministériel pour les questions économiques européennes.

En 1988, elle fut chargée par le président de la République de la coordination de la politique de la France à l’égard des pays de l’Est, puis elle devint, d’octobre 1990 à mars 1993, ministre déléguée aux Affaires européennes. De nos jours, elle est députée de Seine-Saint Denis et présidente de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

Plus important encore pour son certificat de vertu européiste, Élisabeth Guigou est actuellement :

  • présidente fondatrice de l’association « Europartenaires »,
  • membre du conseil d’administration de la fondation de Jacques Delors « Notre Europe » – rebaptisée récemment avec modestie « Notre Europe – Jacques Delors Institute »,
  • membre du conseil d’administration du think tank « Les Amis de l’Europe »,
  • membre du club « Le Siècle » depuis 1990,
  • et enfin, last but not least, membre de la Commission Trilatérale.

[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Guigou ]

Rappelons que la Trilatérale a été créée en 1973 à l’initiative des principaux dirigeants du groupe Bilderberg et du Council on Foreign Relations (CFR), parmi lesquels David Rockefeller, Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski. Regroupant 300 à 400 personnalités de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord et de l’Asie Pacifique, le but de la Trilatérale est de promouvoir la « mondialisation » et une coopération politique et économique entre ces trois zones.

Miss European Diplomacy Elisabeth Guigou

Pour l’élection de Miss European Diplomacy, Élisabeth Guigou présente un pedigree de rêve : c’est une femme, elle est censément « de gauche » et même « socialiste », et elle a les certificats de conformité de nombreux think-tanks euro-atlantistes, à commencer par la toute puissante Commission Trilatérale de David Rockefeller.

Autant dire que Mme Guigou, dont la personnalité est depuis toujours celle d’une bonne élève empressée à obéir à ses maîtres, serait un commissaire européen d’une parfaite sûreté pour l’oligarchie. Elle appuierait la conclusion des négociations secrètes du Traité transatlantique (TAFTA) et du Traité sur le commerce des services (TISA) et reprendrait à son compte sans état d’âme tous les choix géopolitiques dictés par Washington.

Mieux encore, sa nomination permettrait d’écarter ipso facto la France d’un des postes de commissaire chargés de l’économie (celui aux Affaires économiques et monétaires ou celui au Marché intérieur), qui sont moins prestigieux aux yeux du grand public que celui des Affaires étrangères mais d’une importance bien plus réelle sur la vie des citoyens européens. Or François Hollande voulait absolument, dit-on, obtenir le poste des Affaires économiques et monétaires, dans l’espoir – assez puéril d’ailleurs – que la France pourrait ainsi assouplir l’orthodoxie budgétaire et monétaire que Berlin fait régner d’une main de fer dans toute la zone euro.

Dans ce billard à plusieurs bandes où l’hypocrisie et les coups fourrés règnent en maîtres, on comprend donc mieux pourquoi les cercles euro-atlantistes, notamment en Allemagne, se sont soudain découvert une vive inclination pour la candidature de Mme Guigou.

Ainsi, pendant que son collègue de la CDU, Norbert Barthle, comparait Pierre Moscovici à Belzébuth dans le « Handelsblatt », le député européen allemand Elmar Brok (CDU lui aussi), et président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, déclarait au magazine le plus lu d’Allemagne « Der Spiegel » qu’Élisabeth Guigou serait « une candidate hautement qualifiée » pour remplacer la baronne Ashton à la tête de la diplomatie européenne.

Les experts apprécieront ce travail cousu main de l’Allemagne, qui tisse sa toile pour enfermer la France dans un poste prestigieux mais aux ordres de Washington, tout en l’écartant de tout ce qui touche à l’économie.  Chapeau !

Pierre Moscovici et Élisabeth Guigou

Derrière les sourires, Pierre Moscovici et Élisabeth Guigou se battent à mort pour remporter le Gros Lot de Commissaire européen. Jean-Marc Ayrault, plus flegmatique et désabusé, a jeté l’éponge assez vite.

Lutte au couteau pour le Gros Lot

Il n’est pas exclu que, d’ici aux nominations, de nouveaux rebondissements se fassent jour dans ces manœuvres tortueuses, qui prouvent une nouvelle fois à quel point les choix offerts aux électeurs sont devenus des farces et la démocratie une sinistre blague.

En guise de conclusion provisoire, je crois utile de rappeler que cette lutte feutrée, mais au couteau, entre Pierre Moscovici et Élisabeth Guigou pour le poste de Commissaire européen (Jean-Marc Ayrault, un moment tenté, a été évincé rapidement), ne réside pas seulement dans les attraits professionnels de la fonction.

L’ennui désespérant qui suinte de la Tour de Babel bruxelloise et le calvaire quotidien des réunions de ronds-de-cuir, venus de 28 États, qui s’écharpent sur tous les sujets, doivent à peine être compensés par le plaisir sadique qu’il y a à signer des directives s’appliquant à 28 peuples et 507 millions de personnes qui ignorent qui vous êtes et qui n’ont jamais voté pour vous.

Mais l’essentiel est ailleurs : il réside dans les coquets émoluments qui se déversent comme dans un conte de fées sur l’heureux commissaire européen.

heureux commissaire européen

Actuellement, chaque commissaire européen reçoit un traitement de 24 374 € bruts par mois, à peu près net d’impôts. ( Traitement de base mensuel de 20 667,20 € bruts par mois + indemnité mensuelle de représentation de 607,71 € bruts par mois + Indemnité de résidence de 3 100,08 € bruts par mois).

Il s’y ajoute une Indemnité de frais d’installation de 41 334,40 € bruts versés lors de la prise de fonction et une autre Indemnité de 20 667,20 € lors de la cessation des fonctions, l’une et l’autre nettes d’impôts. Soit l’équivalent d’un surcroît de rémunération de 1033, 36 € par mois pendant la durée du mandat de 5 ans.

À tout ceci s’ajoute un train de vie fastueux, aux frais de la princesse : grosses limousines allemandes de fonction, avec chauffeur, frais de déplacement faramineux, voyages en avion 1ère classe, invitations incessantes, etc. Je renvoie ici notamment à ma conférence « L’Europe c’est la paiE » .

Enfin, à compter du 1er  jour qui suit sa cessation de ses fonctions, un ancien Commissaire européen perçoit une indemnité transitoire mensuelle comprise,selon la durée de son mandat, entre 8 266,88 € et 13 433,68 €, et cela pendant au moins 6 mois. Et je ne parle pas de la pension de retraite.

Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi Pierre Moscovici, sentant le pactole lui échapper, a laissé percer son atroce déconvenue en proférant un lapsus qui achève sans doute de le mettre hors jeu.