L’affaire Snowden fait éclater au grand jour la lâcheté révoltante du gouvernement français vis-à-vis des autorités américaines

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EDWARD SNOWDEN A FOURNI LA PREUVE DES AGISSEMENTS HORS LA LOI INTERNATIONALE DES SERVICES SECRETS AMÉRICAINS

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Les nouvelles révélations sur l’étendue des réseaux d’espionnage américain, par l’hebdomadaire « Der Spiegel » ont déclenché un tollé en Europe. L’Union européenne, ses États membres et ses institutions seraient également, et depuis de longues années, la « cible » de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA).

Les journalistes de l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » ont informé l’opinion publique d’Outre-Rhin, et par contre-coup l’opinion publique mondiale, du contenu explosif d’un document confidentiel daté de septembre 2010 que leur a transmis Edward Snowden, l’ancien agent de la NSA aujourd’hui en fuite.Selon ce document, les services secrets américains surveillent les communications électroniques dans le monde entier, et plus particulièrement les représentations diplomatiques de l’Union européenne, les institutions européennes, et les États membres de l’Union européenne ?

Selon ce document :

  • a)- interception des communications de la Représentation permanente de l’Union européenne aux États-Unis

– des micros sont installés dans les locaux de la Représentation permanente de l’Union européenne aux États-Unis, située dans la capitale fédérale Washington DC,

– le réseau informatique est également surveillé, ce qui permet de lire à la fois les échanges de courriels et les documents internes de la Représentation de l’UE.

  • b)- interception des communications de la Représentation permanente de l’Union européenne

La représentation de l’Union à l’ONU est espionnée de la même manière.

  • c)- interception des communications des institutions européennes à Bruxelles

Par ailleurs, les réseaux informatiques et les immeubles des institutions européennes à Bruxelles font l’objet des mêmes types d’espionnage par la National Security Agency (NSA) des États-Unis. Le journal français les Echos a noté que, du coup, est revenue hier à la surface une affaire d’écoutes jamais élucidée – apparemment faute de volonté politique – sur le réseau téléphonique et Internet du bâtiment Justus Lipsius, le siège du Conseil de l’Union européenne qui remontait quand même jusqu’au quartier de l’Otan, à Bruxelles.

  • d)- interception des communications dans les ambassades de nombreux États souverains, y compris parmi les membres de l’OTAN, notamment la France

Selon les documents communiqués au journal Guardian par l’ancien consultant de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), Edward Snowden, le Japon, mais aussi la France, l’Italie et la Grèce figurent parmi les 38 « cibles » surveillées de façon permanente.

L’un des documents de la NSA révèle que les activités d’espionnage électronique de l’agence prennent pour cibles les ambassades à Washington et les représentations de ces pays à l’ONU.

Des tentatives d’écoute ont visé les ambassades de France, d’Italie et de Grèce à Washington. Le Japon, le Mexique, la Corée du Sud, l’Inde et la Turquie ont également été cités parmi les cibles d’opérations de surveillance électronique dans un document datant de 2010.

Selon les documents consultés par le Guardian, l’opération ayant pris pour cible l’UE aurait eu pour objectif d’en savoir plus sur les dissensions entre les pays membres de l’UE. L’opération de surveillance de la représentation française à l’ONU a été baptisée « Blackfoot » et celle visant l’ambassade de France à Washington « Wabash ».

  • e)- interception des communications privées dans le monde entier, y compris aux États-Unis

Enfin, – et il vaudrait mieux dire : d’abord -, il faut rappeler que les révélations d’Edward Snowden ont confirmé au monde entier que les communications PRIVÉES , qu’elles soient téléphoniques ou par Internet, font l’objet d’interceptions, et que les plus grosses sociétés de messagerie et de réseaux sociaux (Google, Yahoo, facebook, etc.)  communiquent aux autorités américaines des millions d’informations sur des échanges privés ou des informations privées.

RÉACTIONS ALLEMANDES ET DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

En Europe, les réactions ont été outrées, de nouveau tout spécialement en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays et à la Commission européenne elle-même.  

« Entre partenaires, on n’espionne pas ! », a lancé la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding. «  On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens », a-t-elle estimé,

À Berlin, la ministre de la Justice a aussi réclamé des comptes : «  Il faut que, du côté américain, on nous explique immédiatement et en détail si ces informations de presse à propos d’écoutes clandestines totalement disproportionnées […] sont exactes ou non. »

Même l’ultra-européiste président du Parlement européen, Martin Schulz, a estimé que si cela se confirmait, il s’agirait d’un « immense scandale ».

LA LÂCHETÉ RÉVOLTANTE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

Je rappelle que j’avais souligné, dès le mercredi 26 juin, le silence scandaleux de la France devant le scandale européen et planétaire provoqué par les révélations de l’ancien employé des services secrets américains.

De fait, le président de la République française a fini par réagir à son tour quatre jours après  mon article, c’est-à-dire au bout d’une longue semaine après les révélations en question.

Cependant, M. Hollande a fait preuve d’une lâcheté révoltante dans cette réaction, qui signe le personnage et, au-delà de lui, qui démasque tout le microcosme européiste français.

Cette lâcheté se note aux 4 points suivants :

  • 1) La lenteur extrême de réaction

François Hollande a lâchement attendu que plusieurs pays d’Europe, dont l’Allemagne, et même que la Commission européenne, réagissent avant de sortir du trou à rat médiatique dans lequel il s’était caché dès l’annonce des révélations d’Edward Snowden.

  • 2) Le caractère très partiel et incomplet de la réaction

François Hollande ne s’est publiquement indigné que des seules interceptions de communication réalisées par les services secrets américains dans les institutions européennes. Avec cette indignation sélective, il s’est piteusement rangé derrière la Commission européenne et a fait preuve de servilité d’une autre manière.   On ose à peine le croire mais le chef de l’État ne s’est indigné :

  • ni des interceptions mondiales sur toutes les communications privées – chose autrement plus gravissime et importante que l’écoute de ce qui se passe dans les institutions européennes, qui sont sous contrôle des États-Unis par ailleurs !
  • ni des interceptions des communications des ambassades de France.
  • 3) Le double aveu de faiblesse de la réaction

François Hollande s’est certes indigné d’une partie des interceptions de communication réalisées par les services secrets américains, et d’ailleurs de la partie la moins importante. Mais ensuite ? Eh bien rien.

La seule réaction a été de demander à ses partenaires la suspension des négociations sur le Grand Marché Transatlantique.

Ce qui constitue un double aveu de faiblesse.

  • D’une part, une réaction beaucoup plus ferme aurait dû être prise immédiatement.

Comment ?

Par deux moyens très simples :

a) rappeler à Paris « pour consultation » notre ambassadeur à Washington. C’est un geste diplomatique symbolique certes, mais parfaitement décrypté par tous les diplomates du monde, et  qui témoigne d’une crise certaine. Paris aurait d’ailleurs de ce fait lancé un mouvement qui aurait pu être suivi par d’autres pays d’Europe ou du monde.

b) expulser quelques dizaines d’agents de la CIA opérant en France. Le nom d’un certain nombre d’entre eux sont connus des services français de contre-espionnage et cette mesure aurait eu à coup sûr son effet. Je rappelle au passage qu’en février 1995, sous la seconde cohabitation, François Mitterrand avait fait expulser de France, sur la proposition du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, le chef de station de la CIA en France, M. Richard L. Holm, et plusieurs autres agents de la CIA, suite à la découverte d’une affaire d’espionnage économique menée par la CIA contre les intérêts français. Lequel Richard Holm avait été alors  contraint de prendre une retraite anticipée.

  • D’autre part, le fait même que François Hollande évoque comme mesure de rétorsion possible l’hypothèse de suspendre les négociations sur le Grand Marché Transatlantique en dit long sur la nocivité de cet accord pour la France.

Si le Grand Marché Transatlantique était un accord très bénéfique pour la France, il va de soi que François Hollande ne proposerait pas de l’interrompre.   S’il envisage donc de se saisir des révélations Snowden pour interrompre le processus, c’est parce qu’il sait parfaitement que ce Grand Marché sera un désastre pour notre économie, notre niveau de vie, notre langue, notre culture.

  • 4) Enfin, l’imbroglio de l’affaire de l’avion du président bolivien Evo Morales

Comme on le sait, la France a refusé le survol de son territoire à un avion bolivien qui était soupçonné de transporter Edward Snowden de Moscou à La Paz.

Il s’en est suivi une crise diplomatique intense entre la Bolivie et la France lorsque l’on a découvert que l’avion en question ne contenait nullement Edward Snowden mais le président bolivien en personne.

bolivie-morales-snowdenComment ne pas se sentir de tout coeur avec les manifestants boliviens qui protestent contre le gouvernement français en arborant fièrement le slogan “Bolivie digne et indépendante” ?

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Une centaine de manifestants ont protesté ce 3 juillet 2013 devant l’ambassade de France en Bolivie en brûlant des drapeaux français. En parfaits larbins de l’ordre euro-atlantiste, François Hollande et son gouvernement sont en train de poursuivre le travail commencé par Sarkozy et son son gouvernement : aligner totalement la France sur Washington et ruiner de ce fait méthodiquement toute l’image et tout le capital de sympathie que la France avait encore dans le monde.

 Au moment où j’achève de rédiger ces lignes (3 juillet 2013 – 22h45), on vient d’apprendre que François Hollande a exprimé les « regrets de la France » pour avoir contribué ainsi au maintien au sol, à Vienne en Autriche, du chef de l’État bolivien, M. Evo Morales, pendant… 13 heures !

Il est encore trop tôt pour savoir si ces « regrets » tardifs vont suffire à calmer les manifestations anti-françaises qui font rage à La Paz et la volonté du gouvernement bolivien d’expulser l’ambassadeur de France en Bolivie.

Il n’en demeure pas moins que les « regrets » manifestés par François Hollande ne portent que sur la méprise et non pas sur le fond.

Le président de la République française considère en effet que la décision de refuser le survol de son territoire à la France aurait été pleinement justifiée si l’avion avait bel et bien contenu Edward Snowden.

Sachant tout ce que l’on sait désormais de façon sûre et certaine sur le comportement de voyou et les agissements illégaux des autorités américaines à l’encontre des intérêts français, le fait que François Hollande continue à pourchasser Edward Snowden n’est pas seulement la marque d’une lâcheté abyssale.

Elle témoigne aussi, et une nouvelle fois, de la haute trahison dont se rendent coupable quasi-quotidiennement les plus hautes autorités de l’État.

De la France souveraine et indépendante de Charles de Gaulle à la France misérable et servile de Sarkollande, la chute est véritablement pathétique.

François Asselineau

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