Valéry Giscard d’Estaing brise trois dogmes de la religion européiste, mais cache encore l’essentiel

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Dans un entretien au journal Les Échos du 19 février 2015, Valéry Giscard d’Estaing vient d’affirmer que « la Grèce ne peut régler ses problèmes aujourd’hui que si elle retrouve une monnaie dévaluable. Il faut donc envisager ce scénario très calmement, à froid, dans l’intérêt de la Grèce elle-même. »

Il a insisté sur le fait que « ce processus de sortie ordonnée doit et peut se dérouler de manière non conflictuelle, dans l’intérêt mutuel de chacun. C’est ce que j’appellerais une ‘friendly exit’, une sortie dans un esprit amical. »

LES 3 DOGMES BRISÉS

Ces déclarations ne sont pas à prendre à la légère. Elles sont très importantes, venant d’un homme qui a été président de la République (1974-1981), président du Mouvement européen (1989-1997), et président de la Convention sur l’avenir de l’Europe ayant rédigé le projet de Constitution européenne (2001-2004).

Elles brisent de façon sensationnelle trois dogmes parmi les plus sacrés de la religion européiste :

  • 1er dogme détruit : le dogme de l’irréversibilité de l’euro

Valéry Giscard d’Estaing vient de reconnaître qu’un État peut sortir de l’euro.

La Sainte Inquisition européiste – dont il fit partie lui-même – a pourtant toujours affirmé le contraire, à savoir :

– que « l’euro est une autoroute sans sortie » (dixit Yves-Thibault de Silguy, à l’époque Commissaire européen chargé de la mise en place de la monnaie unique, cité dans « Les dangers d’une schizophrénie monétaire » de Pierre-Antoine Delhommais, Le Monde du 22/01/99).

– que « l’euro est irréversible » (dixit Mario Draghi, président de la BCE, le 21 juillet 2012

(cf. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/07/21/97002-20120721FILWWW00231-draghi-l-euro-est-irreversible-monde.php )

  • 2ème dogme détruit : le dogme de l’euro indispensable et protecteur

Valéry Giscard d’Estaing vient de certifier qu’une telle sortie peut se révéler indispensable pour permettre à un pays de sauver son économie.

Ce n’est donc plus une fantaisie, ni une option, et encore moins une folie.

C’est au contraire une décision indispensable pour sauver une économie et un peuple entier de la destruction.

Les Gardiens du Temple européiste – dont il fit partie lui-même – ont toujours affirmé le contraire, à savoir que  « la crise aurait été bien plus dramatique sans l’euro ». (cf. http://www.lesechos.fr/23/12/2013/LesEchos/21590-024-ECH_herman-van-rompuy—–la-crise-aurait-ete-bien-plus-dramatique-sans-l-euro–.htm#4ctzk3sD8tH7kiQZ.99 )

  • 3ème dogme détruit : le dogme d’une sortie de l’euro synonyme d’Apocalypse

Enfin, Valéry Giscard d’Estaing vient d’assurer qu’une sortie de l’euro peut se faire « de manière non conflictuelle, dans l’intérêt mutuel de chacun, et dans un esprit amical ».

Ce langage posé et rassurant est extrêmement nouveau dans la bouche d’un européiste. Cela ressemble à s’y méprendre à ce que je ne cesse d’expliquer depuis des années, à savoir que la sortie de l’euro – mais aussi celle de l’UE – peuvent se faire de manière non conflictuelle et dans un esprit amical. C’est notamment l’une des idées centrales de ma conférence “Le Jour d’Après”, à laquelle je renvoie mes lecteurs : https://www.upr.fr/conferences/le-jour-dapres-la-sortie-de-lunion-europeenne-fin-du-monde-ou-liberation

Or cette approche professionnelle et sérieuse de la sortie de l’euro – et de l’UE – est exactement ce que ne veulent surtout pas voir ni entendre les garde-chiourmes de l’européisme. Il savent que, pour maintenir leur pouvoir, ils doivent constamment plonger le peuple français dans l’angoisse et dans un effroi irraisonné à l’idée même que l’on puisse sortir de l’UE ou de l’euro. Ils affirment donc comme un dogme ne souffrant aucune discussion qu’une telle sortie ne pourrait provoquer que l’Apocalypse et ne pourrait engendrer que des conflits meurtriers.

Cette intimidation oppressante exercée par les européistes sur la population n’est pas nouvelle. On se rappelle, par exemple, qu’il y a 10 ans, lors de la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne, le député UMP Pierre Lellouche avait affirmé que « Si vous votez “non” au référendum, on s’expose à un risque de guerre », tandis que le socialiste Jacques Delors affirmait qu’« une victoire du “non” provoquerait un cataclysme politique en France. » (cf. http://www.politis.fr/Il-y-a-six-ans-le-mensonge-et-la,14330.html#nh36 )

Cette propagande qui agit par la terreur est plus que jamais à l’ordre du jour chez les européistes qui sentent que la situation leur échappe. On n’en prendra pour preuve que l’émission de propagande éhontée, diffusée sur France 5 l’avant-veille des déclarations de Giscard, au cours de laquelle le service public de l’audiovisuel a osé affirmer aux Français que la sortie de l’euro équivalait à la fin du monde (cf. https://www.upr.fr/communiques-de-presse/emission-bye-bye-leuro-lupr-va-saisir-le-csa )

C’est justement aux auteurs de cette émission que l’ancien président de la République vient de faire un magistral bras d’honneur.

L’ESSENTIEL RESTE ENCORE CACHÉ

En ce 19 février 2015, il y a donc de quoi se féliciter des déclarations de Valéry Giscard d’Estaing.

Son soudain revirement résonne comme un hommage du vice à la vertu. N’oublions pas que leur auteur a été, tout au long de sa carrière, l’un des plus ardents promoteurs de la prétendue « construction européenne » et de l’euro.

En réalité, et pour dire les choses crûment, l’ancien président de la République vient de manger son chapeau. Il le fait crânement, certes, en assurant qu’il avait été contre l’entrée de la Grèce dans l’euro, mais il n’en mange pas moins son chapeau.

Il faut cependant noter que les déclarations de l’ancien président de la République font l’impasse sur deux aspects essentiels de la problématique soulevée.

  • D’une part, il ne dit pas un mot de la façon de régler juridiquement l’éventuelle sortie de la Grèce de l’euro, alors que les traités européens, à la rédaction desquels il a été mêlé, ont justement pris grand  soin de ne pas prévoir de clause juridique de sortie de l’euro.

Que propose-t-il donc pour régler cette question ?

Procéder à une nouvelle forfaiture juridique en invoquant de façon abusive l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ? (cf. https://www.upr.fr/actualite/europe/quoi-joue-mme-merkel )

  • D’autre part, Valéry Giscard d’Estaing fait semblant de ne pas voir que le raisonnement qu’il tient sur la Grèce vaut aussi pour bien d’autres États de la zone euro.

Ainsi, l’ancien président de la République affirme  que « la question fondamentale est de savoir si l’économie grecque peut repartir et prospérer avec une monnaie aussi forte que l’euro. La réponse est clairement négative (…) La Grèce a besoin de se donner la possibilité de dévaluer sa monnaie. Si elle ne le faisait pas, sa situation s’aggraverait et déboucherait sur une crise encore plus sévère. »

Ce raisonnement est parfaitement exact. Mais, même si l’acuité des problèmes y est un peu moindre qu’en Grèce, ce raisonnement s’applique à peu près exactement de la même façon à l’économie espagnole, à l’économie portugaise, à l’économie italienne, à l’économie française, etc.

Il est sans doute encore trop tôt pour que Valéry Giscard d’Estaing reconnaisse que son raisonnement vaut aussi, de proche en proche, pour la quasi-totalité des États de la zone euro. Car ce serait reconnaître que l’œuvre à laquelle il a consacré une grande partie de sa vie est vouée à s’effondrer prochainement. Mais un jour viendra, nécessairement, où cette chimère politique monstrueuse s’effondrera, que cela plaise ou ne plaise pas à M. Giscard d’Estaing.

 CONCLUSION : LE BRAS DE FER DANS LES COULISSES

En conclusion, je crois utile de souligner que les déclarations de l’ancien président de la République s’inscrivent dans la droite ligne des analyses des dirigeants allemands, qui militent presque ouvertement désormais pour la sortie de la Grèce de l’euro.

Cependant, il faut aussi rappeler que les souhaits profonds de l’Allemagne en la matière sont contrecarrés par ceux de Washington et des élites euro-atlantistes. Ces derniers craignent en effet, par-dessus tout, l’effet de contagion qu’une sortie de la Grèce de l’euro pourrait très rapidement entraîner dans toute la zone euro. Un tel effet domino pourrait alors conduire à l’effondrement de tout le glacis géopolitique établi par les États-Unis depuis 1945 sur l’Europe continentale.

Le bras de fer qui se joue actuellement dans les coulisses oppose les tenants de ces deux Europe : celle voulue par Berlin – qui souhaite que la Grèce sorte de l’euro – et celle voulue par Washington – qui souhaite que la Grèce y reste.

Valéry Giscard d’Estaing a-t-il compris que la France, défigurée et affaiblie par son action passée et par celle de tous les européistes, ne peut plus assister qu’en spectatrice sans pouvoir à ce bras de fer ? Si oui, on comprend mieux qu’il y ait, dans son regard, des lueurs fugitives de remords et de désespoir.

François ASSELINEAU