Montebourg: L’art de se payer la tête des électeurs

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L’article paru ce week-end dans France Soir montre que les débuts gouvernementaux d’Arnaud Montebourg sont pathétiques et qu’ils laissent augurer bien mal de ce que sera devenue la présidence Hollande d’ici à un an.

À peine affublé du titre grotesque de « ministre du Redressement productif » (il s’agit banalement du ministre de l’industrie), Arnaud Montebourg n’a rien trouvé de mieux que de consacrer son premier déplacement à…. une usine détruite dans un incendie en Saône-et-Loire, qui plus est à Montchanin, rendue nationalement célèbre il y a une vingtaine d’années par une décharge industrielle qui avait créé une très forte pollution. Comme symbole encourageant pour entamer ses travaux, le nouveau ministre aurait pu trouver mieux.

Mais ce qui a frappé les observateurs, c’est le ton très pessimiste du discours de M. Montebourg et, plus encore, son évidente absence totale de la moindre idée pour remplir la tâche qui lui est dévolue.

Il a ainsi lancé que « nous sommes en état de redressement et de mobilisation nationale ».

Puis il a évoqué les « 750.000 emplois industriels » disparus en France en dix ans, avant de poursuivre que « les plans sociaux qui ont été mis au congélateur pendant la période électorale sont en train de ressortir, comme l’avait annoncé le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque ».

Mais, à part décrire le désastre ambiant, que propose donc le ministre ? Avocat de profession, habitué à plaider les causes les plus insoutenables en les noyant sous un torrent de belles paroles, M. Montebourg a annoncé sans rire que « le redressement de l’industrie suppose que les idées de tout le monde doivent pouvoir s’unir pour trouver des solutions. Solutions privées, solutions publiques, alliance du privé et du public, c’est comme ça, au cas par cas, que nous remonterons notre économie ».

Mazette ! Voilà un changement de cap décisif ! Qu’est-ce que ce charabia veut dire concrètement ? Rien.

En réalité, M. Montebourg sait parfaitement qu’il n’a strictement aucun moyen de redresser la situation industrielle de la France, tout simplement parce qu’il n’a aucun moyen :

– il ne peut pas instaurer des droits de douane pour protéger nos industries d’une concurrence insoutenable parce que les droits de douane de la France sont décidés par la Commission européenne à Bruxelles pour l’ensemble de l’UE.

– il ne peut pas jouer sur les taux d’intérêt et le taux de change externe de l’euro parce que ces données monétaires essentielles résultent de décisions prises par la BCE à Francfort.

– il ne peut pas relancer la croissance par des dépenses publiques parce que ceci est interdit pas les orientations budgétaires draconiennes fixées par l’Union européenne.

– il ne peut pas empêcher les délocalisations torrentielles des usines qui quittent la France pour aller s’installer dans des pays où les gens sont payés comme des esclaves parce que ceci est interdit par l’article 63 du TFUE :

Article 63
1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

CONCLUSION : ALORS, QUE PEUT FAIRE MONTEBOURG ?

Eh bien rien.

Rien sinon que s’emparer d’un dossier par-ci par-là, dans la circonscription d’un député socialiste, où il usera son carnet d’adresses à supplier tel ou tel grand patron de bien vouloir faire réembaucher une poignée de salariés laissés sur le carreau.

Rien sinon que lancer des Comités de réflexion au nom ronflant dont il promettra monts et merveilles.

Rien sinon qu’aller se faire photographier dans des colloques ou des visites de terrain, en descendant d’un avion pour monter dans une voiture à gyrophares avec un air occupé et soucieux.

Rien sinon que dépenser son énergie à faire des discours creux pour donner aux électeurs l’impression qu’il agit.

Rien sinon que maudire en silence le cadeau empoisonné que Hollande et Ayrault lui ont mitonné aux petits oignons quand ils ont décidé de lui refiler ce ministère sans pouvoir où tous les coups sont à prendre.

Rien sinon que nouer des intrigues en coulisse pour repasser à son tour ce ministère-mistigri à une autre victime, en espérant obtenir rapidement un ministère plus en vue où subsistent encore quelques vagues lambeaux de souveraineté.

Mais si cela marche et s’il hérite d’un autre ministère, il s’apercevra alors, mais alors seulement, que ses collègues des finances, des affaires européennes, de la justice, de l’agriculture, du commerce extérieur, de la défense, des PME, etc., sont à peu près semblablement lotis.

Peut-être alors, dans le silence de sa conscience, se demandera-t-il pourquoi il a passé tant d’années à magouiller dans un parti politique européiste, pour en arriver là.

Tout cela pour découvrir que, tant que la France sera prisonnière de l’UE, de l’euro et de l’OTAN, presque tous les postes de ministre ne sont plus que de coquilles vides, qui impressionnent encore le commun des mortels mais qui plongent leur titulaires dans des constats amers et désabusés.

Ce soir, j’en suis sûr, M. Montebourg est amer et désabusé. Et il n’est pas le seul, déjà, dans cette présidence Hollande qui commence décidément d’un bien mauvais pied.