20 mai 2020 – Les GOPÉ pour 2020 et 2021 viennent d’être publiées par la Commission européenne : sous couvert d’adaptation conjoncturelle à la pandémie, elles confirment que rien ne sera changé sur le fond à moyen et long terme.

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Vidéo enregistrée le 20 mai 2020 :

Les lecteurs des analyses de l’UPR connaissent bien les GOPÉ (Grandes orientations des politiques économiques) fixées chaque année à la France par la Commission européenne. En ce 20 mai 2020, la Commission vient de publier les GOPÉ pour la France pour la période 2020-2021.

Elles ne feront pas le journal de 20h ce soir et pourtant elles constitueront la feuille de route de Macron et du gouvernement en matière de politique économique et sociale pour le reste de l’année 2020 et pour 2021 : les « Grandes orientations des politiques économiques » que la Commission européenne définit chaque année pour les différents États, en application de l’article 121 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, viennent d’être publiées aujourd’hui.

Compte tenu de la catastrophe pandémique en cours et de l’activation de la « clause dérogatoire générale » par Ursula von der Leyen le 20 mars 2020, qui permet de suspendre les règles de discipline budgétaire de l’Union européenne, les GOPÉ cette année ont une tonalité très conjoncturelle et particulière.

La conclusion, formée de 4 recommandations, est inhabituellement courte et comporte en synthèse :

  • une sélection précise de mesures de sauvegarde à prendre que permet la « clause dérogatoire générale » dans le contexte du Covid-19 ;
  • et, en « même temps », des injonctions à « améliorer l’environnement réglementaire », à « réduire les fardeaux administratifs pour les entreprises », à « simplifier le système fiscal » et, « lorsque les conditions économiques le permettent à poursuivre les politiques fiscales visant à atteindre une situation fiscale prudente à moyen terme et à garder le poids de la dette soutenable ».

Nous avons déjà expliqué dans nos précédentes analyses des GOPÉ ce qu’il faut mettre derrière ce jargon sibyllin.

Dans le contexte catastrophique actuel, la Commission européenne n’avait pas d’autre choix que celui de donner le sentiment qu’elle atténue son discours traditionnel, qu’il aurait été impudent de clamer haut et fort maintenant.

Cependant, ce discours est pleinement présent si l’on regarde attentivement le corps du document des GOPÉ 2020-2021.

Ce que contiennent les GOPÉ 2020 et ce qu’elles ne contiennent pas

Les GOPÉ 2020 contiennent, parmi les 29 “considérants” qui précèdent la conclusion, de nombreux passages qui insistent explicitement sur le fait que, dès la pandémie passée, il faudra en revenir strictement aux Grandes orientations fixées par la Commission européenne les années antérieurs et posées par les traités européens.

En d’autres termes, il ne faut avoir aucune illusion : rien ne changera dans la politique de “mondialisation” et d’ultra-libéralisme inscrit dans les traités.

Parmi de nombreux exemples :

.1) Le point 7 rappelle que les mesures prises pour limiter l’impact économique et social de la crise du covid-19 sont exceptionnelles et stipule :

« pour assurer une transition rapide et en douceur vers la phase de rétablissement et la libre circulation des biens, des services et des travailleurs, les mesures exceptionnelles qui empêchent le marché unique de fonctionner normalement doivent être supprimées dès qu’elles ne seront plus indispensables ».

.2) Le point 20 comporte des mesures visant à améliorer « l’environnement des affaires ». En plus des éléments donnés en conclusion des GOPÉ 2020, et déjà mentionnés ci-dessus, on peut noter : dérégulation du secteur des services, notamment pour « les professions réglementées » et pour la distribution, et « flexibilité réglementaire » pour susciter un « rebond » après la crise du covid 19.

.3) Le point 24 des considérants confirme le point 7) pour ne laisser aucun doute sur le fait que les mesures de sauvegarde autorisées ne doivent être que conjoncturelles, et indique que les GOPÉ 2019 restent en vigueur :

« tandis que les recommandations présentes visent à contrecarrer les impacts socio-économiques de la pandémie et à faciliter le rétablissement de l’économie, les GOPÉ de 2019 adoptées par le conseil le 9 juillet 2019 couvrent des réformes qui sont essentielles pour répondre aux défis structurels qui se posent à moyen et à long terme. Ces recommandations restent pertinentes et continueront à être suivies à l’occasion du cycle du « semestre européen » de l’année prochaine ».

Les GOPÉ 2020 sont donc conçues comme des poupées russes : elles comprennent pleinement les GOPÉ 2019 dont nous avions fait une analyse détaillée et qui comportaient par exemple l’exigence de réformer les retraites.
Cette exigence est donc implicitement confirmée par les GOPÉ 2020.

.4) Le point 26 insiste aussi sur le fait que la France doit « s’assurer que ses politiques restent cohérentes avec les recommandations formulées pour la zone euro et coordonnées avec celles des autres membres de la zone euro ».

Par ailleurs, il est intéressant de voir ce que ces GOPÉ ne comportent pas :

  • Aucun mea culpa n’est formulé alors que c’est à cause des règles de la Commission européenne notamment, que la France et d’autres États se sont retrouvés dans une situation de grande vulnérabilité face à la pandémie Covid-19. L’activation de la « clause dérogatoire générale » est d’ailleurs la reconnaissance implicite que ces règles étaient mauvaises. Pire, les GOPÉ 2020 accablent la France pour son manque d’investissements dans le domaine de la santé par exemple (en point 16 des considérants) alors que c’est précisément à cause des contraintes budgétaires européennes que l’État réduit années après années ses dépenses pour le système de soins.
  • Aucune recommandation n’est formulée pour demander la nationalisation des entreprises stratégiques ou d’intérêt national qui traverseraient des difficultés liées à la crise du covid-19.
  • Les GOPÉ 2020 ne comportent pas non plus l’idée que l’État doit viser l’autosuffisance dans plusieurs domaines stratégiques (santé, nourriture, habillement par exemple) ou faire rapatrier des entreprises délocalisées. Elles ne remettent nullement en cause le principe de la « mondialisation ». Bien au contraire, elles poussent à y revenir au plus vite !

L’enfumage de Macron sur le « monde d’après »

Les GOPÉ 2020 sont la preuve irréfutable que toutes les promesses sur le « monde d’après » qui serait l’antithèse du « monde d’avant » sont un enfumage éhonté.

À l’aune des GOPÉ 2020 et de la plus récente actualité, la partie finale de l’« adresse aux Français » sur le « monde d’après », prononcée par Macron le 13 avril et suivie par plus de 36 millions de téléspectateurs, apparait comme une formidable supercherie, malheureusement prévisible. Voici en effet ce que nous disait le locataire de l’Élysée il y a un mois :

« Il nous reviendra aussi, dans les prochaines semaines, de préparer l’après. 

« Il nous faudra rebâtir notre économie plus forte afin de produire et redonner plein espoir à nos salariés, nos entrepreneurs, garder notre indépendance financière. 

Il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe. Cela passera par un plan massif pour notre santé, notre recherche, nos aînés, entre autres. 

À l’opposé complet du tableau dépeint par Macron, on a appris ces derniers jours :

  • une reprise soutenue de l’hémorragie industrielle que subit la France depuis que les traités européens l’ont ouverte aux quatre vents de la « mondialisation » : par exemple, Renault pourrait fermer rien moins que 4 usines en France dans les mois qui viennent ; General Electric, pour sa part, profite de la crise du covid-19 pour accélérer la délocalisation du site de Belfort (anciennement à Alstom) vers la Hongrie et l’Arabie Saoudite
  • la poursuite à mots couverts de la démolition du système de santé, avec par exemple, la suppression de 200 lits dans le CHU de Caen ou la réduction des moyens et la restructuration du CHU de Saint-Étienne.

Rappelons-nous aussi ce que disait Macron le 13 avril :

« Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de 200 ans. Nous devons aujourd’hui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe. 

Pour l’instant la seule décision vraiment concrète prise par l’exécutif pour récompenser les personnels qui se sont battus contre le covid-19 est de leur créer une médaille.

Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience qui seules peuvent permettre de faire face aux crises à venir. 

Ces quelques évidences s’imposent aujourd’hui à nous mais ne suffiront pas. Je reviendrai donc vers vous pour parler de cet après. […] Dans les prochaines semaines, avec toutes les composantes de notre Nation, je tâcherai de dessiner ce chemin […]. 

Le « chemin » a été dessiné, non par Macron mais par la Commission européenne dans ses GOPÉ 2020 publiées dans la plus grande discrétion aujourd’hui, et que l’exécutif va devoir mettre en musique dans le « Programme national de réforme ».

CONCLUSION : le jour « d’après » promis par Macron sera comme le jour « d’avant », et même en pire si la France reste dans l’Union européenne et dans l’euro

La mécanique institutionnelle et administrative qui va faire passer les GOPÉ 2020 d’un document de la Commission européenne à la réalité vécue quotidiennement par les Français est décrite ici et ici.

Crise ou pas crise, les traités européens et les règles liées à l’euro s’appliquent, même si quelques dérogations temporaires ont été prises à cause du covid-19, et continueront de s’appliquer tant que la France restera membre de cette « construction européenne » mortifère qui nous entraîne vers l’abime.

Les mensonges de Macron distillés devant 36 millions de téléspectateurs n’y changeront rien.

Les GOPÉ 2020 – et les GOPÉ 2019 qu’elles incluent –  ainsi que leur cortège de mesures récessives, appauvrissantes et affaiblissantes pour la France montrent que l’Union européenne est une structure décidément inhumaine, tout entière au service de l’argent et du marché, et qui n’a que faire de l’avenir des Français.

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