Avec le scandaleux accord UE-MERCOSUR, la Commission européenne accélère encore la disparition des agriculteurs français

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En leur faisant croire qu’une “AUTRE EUROPE” (« démocratique », « sociale », « écologique », « auto-suffisante », « respectueuse de l’agriculture familiale », « soucieuse du bien-être animal », etc., etc.) serait possible, les syndicats agricoles (FNSEA en tête) et les partis politiques anti-Frexit (LREM, Rassemblement national, EELV, Urgence écologie, FI, LR, DLF et même le Parti animaliste) sont complices du désastre annoncé.
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Un mois après les élections européennes, les électeurs français en général – et les électeurs agriculteurs en particulier – découvrent avec stupéfaction que la Commission européenne vient de signer un Accord avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), dont l’impact s’annonce catastrophique sur l’agriculture française, notamment l’élevage de bovins et de volailles, sur l’environnement planétaire et sur le bien-être animal.

Les négociations ayant conduit à cet accord ont commencé sous la présidence de Jacques Chirac en France et ont duré une vingtaine d’années. Avec constance et opiniâtreté, la Commission européenne est donc parvenue à ses fins pendant que quatre présidents de la République se succédaient à l’Élysée.

Depuis 2014, ces négociations ont été menées, côté « européen », par Phil Hogan, Commissaire européen à l’agriculture de la Commission sortante.

De nationalité irlandaise, connu pour sa totale inféodation à l’agro-business, M. Hogan n’a eu, au fond, strictement rien à faire du sort des agriculteurs français. Il a tenu à appliquer à la lettre, et sans état d’âme, l’article 39 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui pose que « la politique agricole commune a pour but d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre. »

En bref, que l’agriculture doit n’obéir qu’à la loi du fric et de la rentabilité à outrance, point.

Concrètement, cet accord prévoit d’éliminer à terme 91 % des droits de douane imposés par le Mercosur sur les produits européens (ce que la Commission évalue à 4 milliards d’euros) et l’UE supprimera de son côté 92 % des taxes actuellement appliquées sur les biens sud-américains qui arrivent sur son sol.

Dans l’industrie, les droits de douane du Mercosur seront progressivement éliminés sur les voitures (35 %), les pièces détachées (14 à 18 %), les équipements industriels (14 à 20 %), la chimie (jusqu’à 18 %), l’habillement (jusqu’à 35 %) ou les produits pharmaceutiques (jusqu’à 14 %). Mise à part l’habillement, tous ces secteurs sont ceux où l’Allemagne excelle. Berlin a donc de quoi se frotter les mains devant cet accord dont le principal bénéficiaire sera l’industrie allemande…

Mais il y a bien sûr une contrepartie. Elle concerne bien entendu l’agriculture puisque c’est le point fort des économies sud-américaines.

Sur les produits agricoles, les pays du Mercosur acceptent de supprimer leurs droits de douane sur le vin (27 %), le chocolat (20 %), les spiritueux (de 20 à 35 %), les biscuits (16 à 18 %), les pêches en conserve (55 %), les boissons gazeuses (20 à 35 %) et les olives. Les fromages et les produits laitiers de l’UE bénéficieront de quotas en-dessous desquels il n’y aura pas de taxes. Pour la France, cela ne représente que des avantages modestes car les marchés latino-américains n’occupent qu’une part marginale dans nos exportations de produits agricoles.

Mais à l’inverse, l’Union européenne ouvre très largement son marché aux produits agricoles sud-américains, par le biais de quotas énormes : 99 000 tonnes de bœuf vont pouvoir entrer dans l’UE chaque année à un taux très préférentiel (droit de douane de 7,5 % seulement), le sucre va bénéficier d’un quota de 180 000 tonnes et les volailles d’un quota de 100 000 tonnes.

Impact négatif massif à prévoir
sur la production française de volailles

La production française de volailles – qui était la 1re en Europe au début du siècle -, a régressé au cours des 20 dernières années (depuis l’introduction de l’euro) : nos éleveurs avaient produit 2,3 millions de tonnes de volailles en 2000, ils n’en ont plus produit que 1,73 million de tonnes en 2018, soit une baisse de près de 25 %. (source :

https://www.volaille-francaise.fr/wp-content/uploads/rapport2018chiffres-cles.pdf

Sur la même période 2000-2018, la production de volailles polonaises a bondi de 550 000 tonnes à 2,5 millions de tonnes, dépassant désormais largement la production française. C’est logique car la Pologne bénéficie de deux avantages comparatifs irrésistibles par rapport à la France : d’une part elle a des coûts salariaux et sociaux très inférieurs aux nôtres ; d’autre part elle a conservé sa monnaie nationale (le złoty) alors que les exportations françaises sont plombées par notre appartenance à l’euro, trop cher pour notre compétitivité.

Toujours sur la même période, les productions de volailles ont également prospéré en Allemagne (de 900 000 à 1 600 000 tonnes, presque au niveau français désormais !) et aux Pays-Bas (de 600 000 à 900 000 tonnes).

C’est également logique car ce sont les deux principaux pays d’Europe pour lesquels l’euro est sous-évalué par rapport à leur compétitivité.

Dans les conditions qui viennent d’être rappelées, l’ouverture d’un quota de 100 000 tonnes de volailles venues d’Amérique du Sud à des tarifs très concurrentiels (ce qui représente environ 6 % de la production française) va contribuer à déstabiliser le marché encore davantage à notre détriment.

La France va être le pays le plus durement touché puisque c’est celui dont les productions régressent déjà depuis 20 ans, sous l’effet de coûts salariaux plus élevés qu’en Pologne et au Brésil et d’un euro trop cher, inadapté à notre économie.

L’effet dévastateur va être accentué par le fait que les volailles sud-américaines sont gorgées d’hormones de croissance pour que la filière soit plus rentable, comme le bœuf, alors que les normes européennes l’interdisent ! Le scandaleux deux-poids-deux-mesures dont fait preuve la Commission européenne en la matière contribue à pousser légitimement nos agriculteurs dans la colère et la révolte.

La disparition programmée de la filière bovine,
notamment des exploitations familiales.

La production de bœuf français était de 1,28 million de tonnes en 2018 (source : http://idele.fr/filieres/publication/idelesolr/recommends/chiffres-cles-bovins-2018.html)

Comme la filière volaille, la filière bovine est déjà très touchée par la guerre des prix dans la distribution en France – notamment du fait des importations en provenance de Pologne – et est aussi sous le feu des critiques de mouvements véganes radicaux.

Depuis 2000, les exportations de viande bovine polonaise – essentiellement dans le marché commun européen – sont passées de 80 000 tonnes en 2000 à 484 000 tonnes en 2018, soit une hausse de 505% (source : https://wikiagri.fr/articles/derriere-les-795-kilogrammes-de-viande-avariee-une-filiere-bovine-polonaise-conquerante/19853)

Le nombre de propriétaires de bovins en France diminue rapidement : il est passé de 261 000 en 2007 à 178 000 en 2017, soit une baisse de 31,8 % au cours des dix dernières années ! Parmi ceux-ci, l’agriculture familiale est spécialement victime puisque le nombre de propriétaires d’exploitations comptant moins de 8 « unités de gros bétail » et moins de 5 vaches est passé de 62 000 exploitants en 2007 à 31 000 en 2017, soit une disparition de moitié en dix ans !

Dans ces conditions, l’arrivée de 99 000 tonnes supplémentaires de viande bovine en provenance d’Amérique latine va fragiliser un peu plus encore cette filière, en particulier les 85 000 éleveurs français de vaches allaitantes.

Lourdement dépendants des subventions prétendument « européennes », organisés en exploitations familiales extensives au revenu très bas (entre 10 000 et 12 000 euros en moyenne en 2018, selon la Fédération nationale bovine), les éleveurs français estiment qu’ils ne parviendront pas à concurrencer les « usines à viande » latino-américaines et que cet accord est une sorte de coup de grâce complémentaire dans leur disparition programmée.
(Source : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-accord-ue-mercosur-est-inacceptable-meme-pour-les-plus-macronistes-des-agriculteurs_2086918.html)

Conclusion : Le Frexit ou la destruction de l’élevage français

La conclusion de l’accord UE-Mercosur est allégorique du désastre que représente la prétendue « construction européenne », spécialement pour la France.

Notre pays se retrouve en effet coincé entre :

– la puissance industrielle allemande qui bénéficie d’un euro trop bon marché pour la compétitivité germanique,

– la puissance agricole croissante de la Pologne qui bénéficie de coûts salariaux moindres et de la faiblesse du zloty par rapport à l’euro,

– la puissance agricole des pays du Mercosur, qui bénéficient non seulement de coûts salariaux moindres et de la faiblesse de leurs monnaies par rapport à l’euro, mais qui ont en outre la faculté d’utiliser sans vergogne des hormones de croissance et de pratiquer la déforestation massive pour y créer des exploitations gigantesques.

La France et ses agriculteurs sont donc, si l’on ose dire, le « dindon de la farce » européenne. Et cette destruction programmée se poursuit comme un bulldozer, aucun des présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron n’ayant été capable de s’y opposer. Pour la bonne raison que les négociations commerciales multilatérales sont une prérogative de la Commission européenne et que la France y est systématiquement minorisée.

En leur faisant croire qu’une “AUTRE EUROPE” (« démocratique », « sociale », « écologique », « auto-suffisante », « respectueuse de l’agriculture familiale », « soucieuse du bien-être animal », etc., etc.) serait possible, les syndicats agricoles (FNSEA en tête) et les partis politiques anti-Frexit (LREM, Rassemblement national, EELV, Urgence écologie, FI, LR, DLF et même le Parti animaliste) sont complices du désastre annoncé. Au lieu de se serrer les coudes autour de la seule issue salvatrice – celle du Frexit – tous ces syndicats et partis en détournent les électeurs et contribuent ainsi puissamment à accélérer la survenue de ce qu’ils prétendent combattre !

Que sont devenues les promesses électorales de EELV et de Urgence écologie ? Que va faire maintenant M. Jadot, qui appelait les électeurs il y a encore cinq semaines à voter pour sa liste afin de s’opposer à l’accord UE-Mercosur ?

Et pour protéger nos éleveurs de viande bovine et de volailles, que vont faire maintenant les députés du RN ? Ou de FI ? Ou de LR ?

Pour se convaincre du fait que les agriculteurs sont conduits par de mauvais bergers, il est utile de revisionner la vidéo de mon audition – le 30 mars 2017, pendant la campagne présidentielle – organisée par la FNSEA à Brest. La présidente du grand syndicat agricole Christiane Lambert m’avait attaqué, après mon exposé de 10 minutes plaidant pour le Frexit afin de sauver l’agriculture française, en affirmant que les agriculteurs français ne pouvaient pas se passer des bienfaits de l’UE : https://www.upr.fr/actualite/intervention-de-francois-asselineau-a-fnsea/

Deux ans et trois mois après, le 29 juin 2019, effrayée par les conséquences potentiellement catastrophiques de l’Accord UE- Mercosur sur les agriculteurs français, la même Christiane Lambert dénonce une « tromperie totale », une « concurrence déloyale » et un accord « inacceptable ».

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François ASSELINEAU
30 juin 2019