Accords de libre-échange UE-Mercosur et CETA : l’UPR dénonce une attaque de grande ampleur contre la démocratie et contre l’écologie.

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Jeudi 27 juin, le gouvernement français a annoncé que le CETA, accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, déjà appliqué de façon provisoire, serait ratifié par le Parlement français au cours de l’été, pendant que nombre de Français sont en vacances. (1)

Vendredi 28 juin, la Commission européenne a publié un communiqué, diffusé en langue anglo-américaine, se félicitant d’avoir finalisé « le plus grand accord de libre-échange que l’Union européenne a jamais conclu ». Il s’agit d’un vaste accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, un ensemble de quatre pays – l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay – qui représentent plus de 80 % du PIB de l’Amérique du Sud. (2)

Dimanche 30 juin, un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Vietnam et un « Pacte sur la protection des investissements » ont été signés à Hanoï afin, là aussi, de supprimer les droits de douane et de réduire les « obstacles non tarifaires ». (3)

Ces accords s’inscrivent dans une logique large de promotion perpétuelle des échanges internationaux à longue distance. Ils font suite à d’autres accords (Corée du Sud, Japon, Singapour), et d’autres sont en préparation (Mexique, Philippines, Inde, Chine…). L’Union européenne a la compétence exclusive dans la négociation d’accords commerciaux pour les États membres depuis 2009.

Ces accords de libre-échange européens sont une attaque de grande ampleur contre la démocratie.

Les Français ne veulent pas de ces accords, et encore moins sans débat public. Ils souhaitent pouvoir débattre des importations autorisées : bœuf américain, saumon OGM, gaz de schiste… Les Français souhaitent davantage de protection et de barrières douanières et souhaitent être consultés par référendum sur ce type d’engagements internationaux de grande envergure. (4)

Le juriste Frédéric Viale, spécialiste des politiques de libre-échange, nous explique dans Marianne que le CETA est « le cercueil de la démocratie ». En effet, cet accord UE-Canada de « libre-échange forcené » est une « forfaiture » qui porte « de graves atteintes à nos choix et à nos vies » puisqu’il peut évoluer même après avoir été accepté : les normes sociales, sanitaires et écologiques peuvent continuer à être changées pour maximiser la concurrence et en réduire le coût. (5)

Avec l’Union européenne, ce sont des technocrates lointains qui décident sans transparence, généralement en faveur des grandes entreprises. La démocratie disparaît car le citoyen perd tout pouvoir de décision sur la qualité et la quantité des échanges de marchandises qui concernent son pays.

Avec les mécanismes d’arbitrage prévus, lorsque les États instaurent des lois sociales ou écologiques, les investisseurs qui jugent que ces réglementations entravent leur liberté de commercer et de dégager des marges bénéficiaires peuvent intenter des actions en justice. Les grands groupes privés pourront empêcher les peuples de choisir la législation et la régulation qu’ils souhaitent, soit par des poursuites en justice, soit par intimidation. Il apparaît que les droits des multinationales progressent plus vite que les droits des citoyens et que la souveraineté des États est fragilisée. (6)

Ces accords négociés par l’Union européenne sont donc antidémocratiques et contraires à l’intérêt des citoyens.

Deuxièmement, ces accords s’inscrivent dans une logique de destruction de la nature et de fuite en avant anti-écologique. L’Union européenne nous compromet dans une politique archaïque de mondialisation folle qui tente de détruire la distance et le temps au mépris de l’environnement.

La Commission européenne ose prétendre que l’accord UE-Mercosur respecte l’environnement : elle se moque du monde de façon scandaleuse.

Comment croire que la diminution des tarifs douaniers sur les machines industrielles, les voitures, les produits chimiques, les produits pharmaceutiques est bonne pour l’écologie ?

L’impact écologique des transports quantitatifs par avion et par bateau est passé sous silence. Ni le fioul lourd, ni le kérosène ne sont taxés. Les aéroports internationaux et quais de chargement en eau profonde vont donc pouvoir se multiplier et être agrandis dans le cadre d’un hypocrite « développement durable ». De plus, cette politique de libre-échange est dépendante du pétrole abondant et bon marché, puisque fondée sur un approvisionnement continuel et régulier en produits pétroliers. (7)

La Commission affirme aussi que l’accord bénéficiera aux agriculteurs européens. C’est faux, même si certaines exportations seront dopées.

Les agriculteurs sont vent debout contre ces accords de concurrence déloyale, qui ouvrent le marché européen aux importations d’agrocarburants, de bœuf et d’autres denrées produites avec des normes sanitaires et écologiques qui ne sont pas les mêmes qu’en Europe. La présidente du syndicat productiviste français FNSEA parle de « tromperie totale » des consommateurs.

Les éleveurs s’inquiètent du quota de 99 000 tonnes de viande de bœuf sud-américain qui seront importés en UE sans droit de douane. Le lobby agricole européen dénonce une « traçabilité des animaux inexistante ».

La Confédération paysanne parle quant à elle d’un « commerce cannibale » et d’une « course folle à la croissance au détriment du climat, de la planète et des hommes ».

En effet, la concurrence libre avec des pays dont les fermes sont géantes, recourent à une main d’œuvre peu payée, respectent moins de normes et détruisent la biodiversité, oblige les agriculteurs français à s’aligner vers le moins disant. Ils doivent nécessairement s’engager toujours davantage dans la quête de productivité, à grands renforts d’investissement, d’endettement et d’instrumentalisation de la terre et de l’animal. Ceci dans le prolongement de l’article 39 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), dont les dégâts sont déjà considérables.

Selon Inès Trépant, auteur de Commerce international : la démocratie confisquée et d’un dossier remarquable dans le magazine L’ Écologiste (8), ces accords de libre-échange sont incompatibles avec la prise en compte de la contrainte climatique : l’Union européenne joue « le commerce contre le climat » et sa politique de libre-échange empêche les États qui le souhaitent « d’agir pour le climat à la hauteur de l’alarme scientifique ». De nombreuses associations dénoncent ces accords commerciaux comme étant « climaticides ».

Ces accords sont aussi néfastes en matière de déforestation. L’accord de libre-échange UE-Vietnam laisse planer des inquiétudes fortes sur le commerce illégal de bois. L’accord UE-Mercosur inquiète pour l’Amazonie. La Commission n’a pas édicté de plan d’action contre la destruction des forêts. De façon plus générale, la biodiversité n’est pas ou peu prise en compte dans ces accords de libre-échange.

Enfin, ces traités de libre-échange éloignent la possibilité de mettre en place une certaine autonomie ou autosuffisance alimentaire. Alors que des ruptures dans les chaînes longues d’approvisionnement sont possibles, nous devons prôner des politiques de résilience, avec par exemple des fruits et légumes venant moins de l’étranger. L’Union européenne nous force à faire le contraire.

En réalité, cette politique des accords de libre-échange tous azimuts est le vestige d’une vision du monde et de l’économie vieillissante et obsolète, fondée sur le primat de l’argent et la quête irraisonnée d’une croissance économique indifférente à ses dégâts collatéraux. Le peuple français ne veut pas que la préservation de son pouvoir d’achat ait pour contrepartie l’exploitation des peuples étrangers, la destruction des forêts et des terres arables du monde entier ou le renforcement des plus grandes multinationales.

La croissance économique étant nulle ou presque en Union européenne, les institutions européennes se lancent dans une course folle et désespérée pour tenter de tirer profit de la croissance économique des nations du Sud et de l’Orient et stimuler le commerce à grande distance. Cette politique est incompatible avec une prise en compte sérieuse des enjeux sociaux et écologiques. L’Union européenne, par ces politiques de libre-échange, se met au service des grandes multinationales et ignore de façon constante et répétée l’évolution des aspirations populaires.

L’Union européenne n’a pas été conçue pour protéger la nature ni accroître la démocratie. Elle a été créée sur l’objectif de créer un vaste marché intérieur et d’améliorer la croissance en se mettant au service de « l’environnement des affaires ». L’Union est une des organisations les plus mercantiles et productivistes de tous les temps.

Puisqu’aucune politique de protectionnisme, même justifiée par des impératifs écologiques et sociaux, n’est possible dans le cadre de l’Union européenne, nous devons nous en libérer.

La souveraineté commerciale, la souveraineté alimentaire, la souveraineté économique ainsi que le souhait d’un commerce international permettant des améliorations écologiques et sociales justifient le Frexit que propose l’UPR depuis 2007.

L’UPR propose une démondialisation marchande respectueuse de l’ensemble des nations du monde. Nous souhaitons mener une politique commerciale incompatible avec notre appartenance à l’Union européenne : la promotion des circuits courts par la relocalisation des activités économiques, industrielles et agricoles et par la mise en place d’une douane verte. Cette douane verte est un protectionnisme ciblé fondé sur le respect des droits humains, le respect de normes sociales et le respect de l’écologie. Cette douane verte permettra de préserver les produits locaux, régionaux et de terroir d’une concurrence internationale déloyale et de rehausser les standards écologiques et sociaux, en France comme à l’étranger, conformément à la volonté profonde du peuple français.

Il est normal que la France signe des accords commerciaux, y compris des accords de portée large. Toutefois, l’UPR s’engage, lorsqu’elle sera au pouvoir, à faire valider par le peuple français tout accord commercial de grande envergure. Les politiques économiques et commerciales doivent revenir dans le champ démocratique.

Jérôme YANEZ, responsable des questions écologiques

(1) https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/didier-guillaume-annonce-que-la-ratification-du-ceta-sera-possiblement-a-l-ordre-du-jour-de-l-assemblee-en-juillet-1171347.html
(2) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_19_3396
(3) http://www.lefigaro.fr/flash-eco/commerce-l-accord-ue-vietnam-signe-le-30-juin-a-hanoi-20190625
(4) Sondage IFOP-Fakir, 2016 https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-le-ceta/
https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3561-1-study_file.pdf
(5) https://www.marianne.net/debattons/tribunes/le-ceta-ou-le-cercueil-de-la-democratie?fbclid=IwAR22eFCCVSNzgDJUGA0NoDSLqt3C34Z0XF3xAeG42Lc1_MD5S15obGk9kNc
(6) https://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/mic_10_reasons_factsheet_french_v2.pdf
https://www.collectifstoptafta.org/actu/article/rebaptise-ics-l-arbitrage-investisseur-etat-renait-sous-une-nouvelle-forme
(7) https://www.fne.asso.fr/actualites/transports-a%C3%A9riens-et-maritimes-les-grands-oubli%C3%A9s-des-n%C3%A9gociations-de-la-cop21
(8) L’ Écologiste, n° 54, avril-juin 2019