Les GOPÉ ou comment nos gouvernements sont subordonnés à la Commission européenne.

Lecture : 27 min

Pour nos concitoyens qui souhaitent comprendre les GOPÉ, nous vous proposons cet extrait vidéo issu de la conférence de François Asselineau « Comment sauver la France du désastre en 2017 ? », à voir à partir de 1h 03min 45sec :

À retrouver en ligne sur notre site ici :
https://www.upr.fr/conferences/comment-sortir-la-france-du-desastre-en-2017/
L’heure qui précède ce chapitre introduit les principes de fonctionnement et d’application des règles des GOPÉ par l’UE auprès de la France. C’est pourquoi nous vous recommandons sa lecture depuis le début sur ce lien.

En réponse à certains articles(1) ou journalistes(2).

Les pays de l’UE, dont la France, ayant signé et ratifié le traité de Lisbonne, il est attendu que ceux-ci s’y conforment en le mettant en application. C’est d’ailleurs un devoir constitutionnel du président de la République, comme le pose notre Constitution :

« Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

Article 5 de la Constitution française

Il est curieux de constater que les personnalités se prévalant du gaullisme n’évoquent jamais cela, d’autant qu’il s’agit de la Constitution de le Ve République voulue et écrite par Charles de Gaulle…2

Rappelons par ailleurs que ce traité de Lisbonne, initialement présenté sous forme de “traité constitutionnel”, les Français n’en voulaient pas ! Faut-il rappeler ici que 55% des électeurs français ont en effet rejeté cette prétendue “Constitution européenne” lors du référendum du 29 mai 2005 ?

Dans cet article nous allons donc voir ce que ces engagements nationaux impliquent en termes de politiques économiques, et de promesses électorales…

Soulignons que cet article n’expose ni une théorie personnelle de François Asselineau ni une interprétation de l’UPR. Il se fonde exclusivement sur des documents officiels, accessibles à tous et en particulier aux responsables politiques.

Pour bien saisir la chronologie des événements que nous décrivons dans cet article, le lecteur pourra se référer à la frise chronologique ci-après.

  • Acte 1 : À la section Politique Économique du TFUE, l’article 121 (consultable ici, page 505) stipule :

Remarquez en particulier la teneur du paragraphe 4, précisant que les recommandations de la Commission peuvent ne pas être rendues publiques. Il n’est cependant pas précisé selon quels critères une telle décision peut être prise et qui, dans ce cas, y a accès. Est-ce que, par exemple, les députés et sénateurs du pays affecté sont concernés par cette restriction d’accès ? Mystère….

De même, notez qu’il est expressément indiqué que le représentant du pays concerné n’a pas voix au chapitre !

Tout ceci relève probablement de mécanismes démocratiques qui nous échappent…

  • Acte 2 : Le 13 mai 2015, la Commission européenne émettait ses recommandations à l’attention du Conseil européen, que ce dernier publiait à son tour le 14 juillet 2015. Une étude approfondie de ces deux documents montre qu’en réalité le Conseil reprend, au mot près, les 6 recommandations qui lui seraient – prétendument – seulement « proposées » par la Commission.

Dans les faits, c’est donc la Commission européenne non élue qui est à l’initiative exclusive de ces recommandations :

(Extrait des recommandations pour la France du 14 juillet 2015)

Vous remarquerez que ce document fait bien référence à l’article 121 évoqué plus haut, et qu’il concerne explicitement le programme national de réforme pour la France (PNR).

Après quelques pages consacrées à des constatations et des données statistiques, les pages 4 et 5 listent une série de six recommandations pour la France :

(Recommandations pour la France du 14 juillet 2015)
(Recommandations pour la France du 14 juillet 2015 – suite et fin)
  • Acte 3 : Le 13 avril 2016, M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie et des Finances, présentait en conseil des ministres ce qui était prétendument « son » programme national de réforme (PNR) 2016.

Si vous lisez attentivement l’annonce qui en est faite sur le site du ministère de l’Économie,  vous remarquerez qu’il n’est nullement indiqué que ce PNR est la réponse aux recommandations émises par la Commission européenne, près d’un an auparavant.

Au mieux, il y est dit que « Cette stratégie économique a fait l’objet d’une large consultation… », ce qui laisserait croire à un dialogue bilatéral … (voir encadré)

Même si sur le site du gouvernement la page de compte rendu du conseil des ministres en question est beaucoup plus détaillée, il n’y est pas une seule fois fait mention des « recommandations »…

En somme, tout est suffisamment alambiqué et évasif pour que l’on ait l’impression que ces réformes sont à l’initiative de notre gouvernement.

A titre de comparaison, le site belge du bureau fédéral du plan indique, en toute transparence :

(Copie écran effectuée le 1/12/2016)

Il faut faire preuve d’une certaine motivation pour s’attaquer aux 160 pages (!) de ce PNR 2016, et il est difficile d’imaginer la quantité de rédacteurs, conseillers, communicants, relecteurs, correcteurs et autres experts en tous genres qu’il faut mobiliser chaque année pour produire une telle œuvre d’art. On peut aussi s’interroger sur le public cible d’une telle littérature…

Ce document débute par une synthèse de 5 pages qui, bien entendu, n’évoque ni les recommandations de la Commission européenne, ni les GOPÉ, ni l’article 121 du TFUE…

C’est seulement à partir de « l’annexe 1 », page 131, que les choses apparaissent au grand jour :

De plus, si vous comparez le contenu de la colonne « sous-CSR »3 avec la recommandation n°1 citée plus haut, vous constaterez qu’il s’agit bien d’une stricte reprise de cette recommandation.

Au final, sur les 13 pages que compte cette annexe, c’est l’ensemble des recommandations qui est repris, mot pour mot et morceau par morceau.

Ainsi, pour l’intégralité des recommandations émises par la Commission européenne le 13 mai 2015, le gouvernement français indique dans ce document qu’il publie le 13 avril 2016 les mesures qu’il compte prendre pour y répondre, le degré d’avancement de ces mesures, et les éventuelles mesures à venir.

Parmi les mesures les plus remarquables, on trouve :

Page 133 : Réformes correspondant à la recommandation n°2 :

Notez qu’il est écrit ici, noir sur blanc, que nos impôts locaux vont augmenter de 3,7 milliards en 2017. Notre président ne s’est pas vanté de cette perspective. Par contre, il était assez fier d’annoncer des baisses de l’impôt sur le revenu à hauteur de 1 milliard d’euro, ce qui a passionné les médias. N’est-ce pas cela le vrai « populisme » ?

Page 135 : Réformes correspondant à la recommandation n°3 :

(Extrait de la page 135 du PNR 2016)

Notez ici que la loi travail (dite « loi El Khomri »), mentionnée dans la colonne « À venir », a bien été adoptée le 6 juillet 2016 par la procédure du 49-3, soit près de 3 mois après la publication de ce document par le ministère de l’Économie. Cette loi apparaîtra donc dans la colonne « Fait » du prochain PNR 2017.

Page 140 : Réformes correspondant à la recommandation n°4 :

(Extrait de la page 140 du PNR 2016)

Notez que cette loi, autrement nommée « loi Macron », a habilement été affublée du terme « égalité des chances » afin de lui donner l’apparence d’une loi « de gôche ».

Et ainsi de suite…

Une étude similaire du PNR 2015 versus les recommandations 2014 révèle la même mécanique, et dévoile ainsi les origines profondes de la loi sur les VTC, de la loi sur la réforme ferroviaire, de la loi de « sécurisation de l’emploi » (plus exactement de son « insécurisation »), etc… Comme nous l’avions souligné à l’époque dans un article. 4

Et il est ainsi possible de remonter jusqu’au 7 juin 2011, date à laquelle la Commission européenne  émettait ses recommandations, faisant suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009.

  • Acte 4 : Le 26 février 2016, la Commission européenne adressait à la France son rapport annuel par pays (CR5 2016), « contenant un bilan approfondi sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ».

L’étude de ce document de 115 pages (!) montre qu’il ne s’agit rien de moins qu’un rapport évaluant la mise en application concrète des recommandations faites l’année précédente par la Commission à la France.

Exemple :

(Extrait de la page 74 du CR 2016)

L’annexe A (pages 102 à 106) laisse apparaitre un véritable bulletin de scolarité du gouvernement pour sa capacité à appliquer avec soumission les recommandations de Bruxelles.

(Extraits de la page 102 du CR 2016)

Tout ceci est assez clair pour se dispenser de tout commentaire…

Épilogue : Considérant la chronologie parfaitement prévisible que nous venons de vous révéler, à savoir la publication en mai 2017 de nouvelles recommandations pour la France, nous avons été en capacité d’annoncer dans un récent article et, en avant première, les mesures que prendra tout gouvernement européiste qui serait en poste à compter du prochain mandat présidentiel.

Conclusion

Preuve est ainsi faite, documents à l’appui et en droite ligne des analyses que produit l’UPR depuis maintenant 10 ans, que notre gouvernement est totalement subordonné à la Commission européenne, et que nos ministres sont rabaissés au simple rang d’exécutants, en charge de faire passer des choix politiques sur lesquels ils n’ont aucun mot à dire.

Entourés de chargés de communication et d’experts en tous genres, leur tâche consiste à faire avaler la pilule, en tentant toujours de faire preuve de conviction à nous dire que tout ça est pour notre bien. Au besoin, ils utiliseront des stratégies de détournement des attentions, en déclenchant ou en entretenant nombre de polémiques stériles. En dernier recours, si le peuple se rebelle un peu trop et que leurs députés font mine de se réveiller, il y a toujours le 49-3 pour que cela passe.

Les candidats à la prochaine élection présidentielle auront beau se prévaloir, comme à chaque élection précédente, d’une insoumission, de patriotisme économique, de désobéissance aux traités, de souverainisme, de fermeté avec la Commission européenne, de renégociation des traités, etc. en somme encore et toujours d’une autre Europe… les électeurs français doivent comprendre que sortir de tels slogans creux dans le cadre des traités européens relève de l’oxymore.

Quoi qu’il dise, quoi qu’il ait promis, le candidat élu sera de toute façon contraint d’appliquer les politiques économiques ordonnées par Bruxelles et ce tant que la France restera empêtrée dans le carcan européen.

Les européistes (et les crédules) ont tendance à atténuer la portée des GOPÉ en expliquant qu’il ne s’agit que de recommandations et non pas d’obligations. C’est faux pour au moins deux raisons :

  • Depuis le pacte de stabilité et de croissance (PSC) de 2011, et avec le « six-pack », la Commission peut sanctionner financièrement les pays en cas de manquement ou de retard dans l’application des mesures préconisées. En cas d’« écarts importants », la Commission adresse à l’État membre un avertissement et sa situation est suivie tout au long de l’année. Si elle n’est pas redressée, la Commission peut proposer la constitution d’un dépôt correspondant à 0,2 % du PIB. Pour la France, il s’agirait donc d’un dépôt de 4,4 milliards d’euros. Les recommandations dans les textes se transforment donc, dans les faits, en obligations.
  • C’est aussi nier le fonctionnement des institutions européennes puisque la machine bruxelloise repose sur le concept de « pression des pairs ». Le principe même de ces GOPÉ, c’est justement d’exercer constamment une pression sur les représentants d’un État. Certes, ils peuvent ne pas suivre telle ou telle mesure pendant telle ou telle année en échappant aux sanctions. Mais il leur est concrètement impossible de refuser d’appliquer toutes les mesures tout le temps. Du reste, le principe même des GOPÉ serait sinon vide de sens. En fait, il s’agit d’un étau intellectuel, juridique et moral qui se resserre peu à peu et auquel il est impossible de se soustraire durablement.

Feindre d’ignorer cet état de fait relève de la tromperie délibérée et de l’escroquerie intellectuelle, et il est quand même révoltant de constater que, mises à part quelques rares exceptions (Article du FIGARO et Article de LA TRIBUNE), la presse n’évoque jamais cela ou en relativise sciemment la portée comme c’est le cas du dernier article des Échos, quand ce n’est pas carrément pour nous expliquer doctement le contraire de la réalité, comme dans cette émission de Boursorama.

L’UPR est le seul parti politique qui peut véritablement prétendre à une autre politique économique, car son programme est associé à une sortie de l’UE par l’article 50 du traité sur l’Union européenne (TUE). C’est indissociable !

Ce choix a déjà été fait par le Royaume-Uni qui, en annonçant son recours à l’article 50, se donne les moyens de retrouver sa souveraineté, notamment en terme de choix économiques, Royaume-Uni qui est en train de rappeler aux peuples que le mot souveraineté n’est pas un gros-mot…

  1. « GOPÉ » est l’acronyme d’usage pour « Grandes Orientations des Politiques Économiques. », nous l’utiliserons ci-après.
  2.  Charles de Gaulle : « Suivant la Constitution, le président est en effet garant – vous entendez bien ? garant – de l’indépendance et de l’intégrité du pays, ainsi que des traités qui l’engagent. Bref, il répond de la France.», Discours et Messages, Tome IV, Paris, Plon, 1970, p. 21.
  3. « CSR » signifie « Country Specific Recommendations ». La traduction en français est la suivante : Recommandations Spécifiques par Pays (RSP). Le gouvernement ne prend donc même pas la peine de traduire l’acronyme des consignes qu’il reçoit !
  4. https://www.upr.fr/actualite/europe/les-gope-grandes-orientations-politique-economique-feuille-route-economique-matignon
  5. « CR » signifie « Country Report ».

Un simulacre de consultations

Les partenaires sociaux et associations de collectivités territoriales sont prétendument mis à contribution par le gouvernement, au titre de « parties prenantes », dans l’élaboration du PNR2016. Ces contributions sont rassemblées dans un document intitulé « contributions des parties prenantes ».

Ces « contributions » découleraient d’une rencontre bilatérale organisée le 15 mars 2016 avec le SGAE (Secrétariat général des affaires européennes), et ayant pour sujet le rapport pays publié le 26 février précédent.

Après cela, le PNR fait l’objet de consultations écrites et d’auditions entre le 14 et 31 mars 2016.

Cependant, lorsqu’on observe en détail la chronologie des événements (voir frise chronologique), il est impossible d’imaginer que le gouvernement puisse, dans des délais si courts séparant la fin de cette consultation écrite et sa présentation au conseil des ministres  (12 jours maximum), amender ou corriger un document aussi structuré et détaillé que n’est le PNR.

D’ailleurs, l’analyse de ce document de 73 pages, laisse apparaître nombre de commentaires éloquents :

… le projet de PNR constitue par conséquent, le moment où chaque État membre expose à la Commission européenne la mise en œuvre et la progression des mesures prises en cours ou à venir pour répondre aux recommandations adoptées par le Conseil de l’UE en juillet (NDR : 2015) (page 8 du document PDF).

L’enjeu est donc d’interroger le projet européen pour l’inscrire dans un processus plus démocratique, moins bureaucratique, moins centralisé à Bruxelles, et prenant plus en compte les préoccupations et demandes portées par les différentes composantes de la société civile.

Le PNR, comme partie du processus de gouvernance économique dit semestre européen, ne peut échapper à la règle.

Comme les années précédentes depuis 2012, le CESE réitère donc son souhait d’une consultation le plus en amont possible afin d’apporter des réponses crédibles et rigoureuses sur des sujets cruciaux….  (page 9)

L’exercice souffre d’un calendrier contraint en général extrêmement court qui ne laisse pas le temps d’une analyse sérieuse et argumentée (entre 2 et 4 semaines ces dernières années).

Le PNR arrive de surcroît, sous forme incomplète, trois parties sont rédigées sur six prévues et les annexes sont manquantes.

(NDR : ces parties manquantes ne sont certainement pas rédigées en 12 jours par le gouvernement. Préfère-t-il les cacher aux parties prenantes ?…

… l’exemple de concertations bien en amont, réalisées dans certains autre pays européens, notamment nordiques, pouvant même conduire, dans certains cas, à une modification des projets gouvernementaux, mériterait d’être mieux pris en considération par le gouvernement français.

Ainsi, le Conseil estime qu’il est nécessaire et possible de sortir d’un exercice purement formel de consultation … impératif de consolider le rôle que jouent les organisations de la société civile aux différentes étapes de la programmation et de la mise en œuvre des politiques européennes. (page 10)

La partie principale (partie 3) du PNR reste essentiellement construite comme une déclinaison des recommandations de la Commission européenne. Le document accepte les recommandations contestables de la Commission européenne sans remise en cause. (page 11)

La section souhaite qu’à l’avenir le délai imparti permette un débat de qualité en section et un approfondissement suffisant des thématiques abordées. (page 16)

Contributions du CESE (Conseil économique social et environnemental)

… on ne sort pas d’un exercice très scolaire de réponse aux recommandations.

… Les « progrès réalisés » pour affronter ces défis, tels qu’ils sont présentés dans ce PNR, sont uniquement mesurés à l’aune des recommandations de la Commission sans mise en cohérence globale avec la COP21 par exemple

… Or, comme nous l’avons déjà indiqué en 2015, l’objectif principal des réformes en France n’est pas de répondre aux recommandations de la Commission.

… Nous avons conscience que le PNR doit faire le point sur la mise en œuvre des recommandations, mais l’examen des réformes doit être réalisé dans un cadre plus large, permettant d’être critique par rapport à ces recommandations, (page 58)

Contributions de la CFDT

Au final, tous ces commentaires laissent clairement transparaitre une certaine naïveté de leurs rédacteurs, et une méconnaissance certaine du calendrier européen.


Guillaume PELLISSIER DE FELIGONDE

2 avril 2017


Notes

(1) https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle-2017/0211888883952-le-prochain-president-francais-sera-t-il-oblige-dappliquer-a-la-lettre-les-directives-de-bruxelles-2073262.php

(2) https://twitter.com/NicolasDOZE/status/843460781257691137