La fuite en avant inarrêtable et destructrice de la Banque centrale européenne

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Souvenons-nous.

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Le 26 mars 2020, les médias célébraient en fanfare le « bazooka » de la Banque centrale européenne (BCE) qui annonçait le lancement d’un programme de rachats d’actifs obligataires sur les marchés de 750 milliards d’euros baptisé en euro-américain « PEPP » pour « Pandemic emergency purchase programme », ou « Programme d’achat d’urgence en cas de pandémie » dans la langue de Molière.

Cette intervention devait éloigner durablement les marchés de la déprime dans laquelle la crise sanitaire les avait plongés.

Las ! Moins de 3 mois plus tard, la BCE se voyait contrainte d’augmenter son PEPP. Les médias enfourchaient à nouveau aussitôt la rhétorique du « bazooka » pour convaincre l’opinion publique du caractère décisif de cette nouvelle intervention, qui portait le PEPP à la somme vertigineuse de 1350 milliards d’euros.

Seulement voilà : six mois plus tard, rebelote. La BCE, tel un Rambo n’arrivant pas à terrasser son adversaire, a annoncé ce jeudi 10 décembre 2020 un troisième « bazooka » de 500 milliards d’euros, propulsant le PEPP au niveau stratosphérique de 1850 milliards d’euros, destinés à racheter aussi bien des dettes souveraines que privées sur les marchés.

J’avais donné par vidéo les détails techniques de ces interventions et je renvoie ici les lecteurs intéressés.

Je rappelle simplement que dans le cadre du PEPP, la BCE s’est autorisée à racheter la dette souveraine d’un pays au-delà de sa limite initiale de 33% de l’encours, et à ne plus respecter la répartition induite par la clé de son capital dans ses rachats d’actifs.

Je rappelle aussi que ce type de décision ne peut que constituer des chiffons rouges pour la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, déjà si critique du précédent programme, le « PSPP » (pour « Public sector purchase programme » ou « Programme de rachats d’actif du secteur public »).

L’extension, qui semble sans fin, du PEPP va donc certainement susciter à nouveau la colère d’une partie des cercles dirigeants allemands et accentuer un peu plus les oppositions irréconciliables au sein de l’Union européenne.

Mais plus encore, cette nouvelle hausse du PEPP décidée par une BCE incontrôlable va continuer à déprimer les taux d’intérêt.

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Car justement, « en même temps », la BCE, pour tenter de corriger les conséquences perverses de ses actions sur le système financier, a annoncé la prolongation du taux ultra-favorable de -1% qu’elle « facture » dans le cadre de ses méga-prêts aux banques.

L’expression « facture » est ici une antiphrase. Car des taux négatifs – chose rarissime dans l’histoire économique – signifient que la BCE, en fait, « rémunère » les banques pour leur prêter de l’argent !

Ce taux de -1% sera applicable sur le TLTRO3 (dont j’ai expliqué le fonctionnement ici) entre juin 2020 et juin 2022, c’est-à-dire sur 2 ans au lieu d’un an.

Concrètement, les banques recevront donc 1% par an sur les montants – déjà gigantesques – qu’elles auront empruntés pour peu qu’elles continuent de prêter à l’économie ! Les banques auront aussi le droit de recourir au TLTRO3 pour des montants encore plus importants que prévu (55% de l’encours de prêts à la clientèle éligibles à refinancer contre 50% initialement), jusqu’en décembre 2021, en continuant d’apporter des actifs en garantie de faible qualité, comme acté en avril 2020

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CONCLUSION : une fuite en avant qui semble inarrêtable.

Cette tendance lourde se produit sans que la grande majorité des Français, de ses dirigeants politiques et de ses médias, n’en comprennent bien la portée.

Concrètement, les taux d’intérêt négatifs menacent des pans entiers de l’économie. Et notamment :
certaines banques qui ne sont plus assez rentables,
l’épargne des particuliers,

Elle alimente une bulle obligataire.

Comme je l’avais déjà indiqué, la BCE n’arrive pas à mettre un coup d’arrêt à ses interventions. Malgré toutes les promesses d’arrêter qui sont faites après chaque nouveau programme, la BCE intervient sans cesse plus fortement. Elle se comporte exactement comme un drogué qui jure qu’il s’administre une dernière dose pour mieux cesser ensuite, avant de replonger, avec des conséquences chaque fois plus désastreuses.

La dérive n’est pas que financière. Elle revêt également un caractère idéologique totalitaire – car elle ne supporte aucune opposition ni aucune alternative. La BCE agit en potentat qui passe par pertes et profits les conséquences concrètes de sa politique, pourvu que celle-ci permette à la zone euro de se maintenir encore un peu.

Dans ce contexte, les dirigeants français, la pseudo « opposition » parlementaire, de LFI au RN, ainsi que les médias censés informer et alerter l’opinion publique sont au mieux silencieux et au pire complices.

Encore une fois, seule l’UPR apporte aux Français les clés de compréhension de ce qui se passe dans leur dos et le moyen de reprendre en main leur destin collectif.

François Asselineau
le 12/12/2020