Une première ! La Russie rend publique sa doctrine nucléaire.

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Le 2 juin 2020, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret présidentiel (en russe : указ, oukaz, n° 355) fixant les « Fondements de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire ».

Il s’agit d’un « document de planification stratégique » de cinq pages et demie comprenant 25 points, structurés en quatre chapitres :

  • I. Dispositions générales (points 1-8) ;
  • II. L’essence de la dissuasion nucléaire (9-16) ;
  • III. Les conditions du passage à l’emploi de l’arme nucléaire (17-20) ;
  • IV. Les objectifs et fonctions des organes fédéraux du pouvoir d’État, des autres organes et organismes étatiques dans la réalisation de la politique de l’État en matière de dissuasion nucléaire (21-25).

La publication de ce document constitue un événement à trois égards.

1°) D’une part parce que la Russie, pays le plus grand du monde, membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, est la 2e puissance militaire mondiale après les États-Unis, et même la 1re pour certains armements.

2°) D’autre part parce que c’est la première fois que le pouvoir, naguère soviétique et aujourd’hui russe, publie un tel document, en faisant preuve d’une transparence, d’une prévisibilité et d’une rationalité nouvelles (sans pour autant dissiper toutes les ambiguïtés).

3°) Enfin parce que ce document sort alors que l’administration américaine a sciemment saboté plusieurs traités de désarmement qui liaient Washington à Moscou depuis la politique de détente.

De 2018 à 2020, l’administration Trump a en effet torpillé ou affaibli au moins trois textes internationaux :

  • le traité sur les “Forces nucléaires à portée intermédiaire” (dit FNI), signé en 1987 par Reagan et Gorbatchev, qui prévoyait l’interdiction de certaines armes en réponse à la crise des euromissiles ;
  • le traité “Ciel ouvert” permettant depuis 2002 aux 34 États membres d’effectuer des survols d’observation réciproques,
  • le compromis de Vienne (JCPOA), qui plaçait le programme nucléaire iranien sous tutelle et empêchait tout risque de prolifération par Téhéran.

En outre, les discussions sur le renouvellement du traité américano-russe New Start, conclu en 2010 pour une durée de dix ans, sont complètement à l’arrêt alors qu’il s’agit du dernier texte limitant le nombre d’armes nucléaires des deux États.

Enfin, l’administration américaine agite la menace, pas encore officielle, de reprendre des essais nucléaires, en violation d’un moratoire national décidé en 1992 et d’un traité international signé en 1996.

L’analyse du principal journal des forces armées russes

Il a paru utile à l’UPR de présenter au public français l’analyse que les forces armées russes font de ce document sans précédent expliquant leur stratégie. Nous présentons donc ci-dessous un article publié le 7 août 2020 sur le site de Krasnaïa Zvezda (“Étoile Rouge”), traduit par les soins de deux membres de la Commission Défense de l’UPR.

Krasnaïa Zvezda (en russe : Кра́сная звезда́, littéralement « Étoile rouge ») est le principal quotidien des Forces armées de la Fédération de Russie fondé le 1er janvier 1924. Sous le régime soviétique c’était le journal du ministère de la Défense de l’URSS, et 12 650 des 17 141 exemplaires en étaient distribués gratuitement parmi les militaires.
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Sur les fondements de la politique publique de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire.

07.08.2020 Auteur : Marina Chtcherbakova
Traduction UPR

La plus haute priorité de la politique publique de la Fédération de Russie dans le domaine de la sécurité nationale est d’assurer la dissuasion nucléaire, sur la base d’une dissuasion stratégique.

L’augmentation des tendances négatives dans le monde, dont l’évolution s’accompagne d’un nouveau système de sécurité global et régional, contribue à la création de conditions préalables à l’émergence de nouvelles menaces à la sécurité militaire de la Fédération de Russie, qui peuvent dégénérer en conflits militaires d’ampleur et d’intensité.

Le postulat fondamental qui garantit la sécurité de notre État est de dissuader tout adversaire potentiel, y compris d’une coalition, d’entreprendre un acte d’agression contre la Fédération de Russie et/ou ses alliés.

Il se fonde sur les capacités de nos forces armées nationales ( y incluant nos forces nucléaires) à appliquer, en «représailles» à tout agresseur, des « dommages inacceptables » dans toutes les conditions, y compris les plus critiques.

C’est pourquoi la plus haute priorité de la politique publique de la Fédération de Russie dans le domaine militaire et dans l’ensemble de la sécurité nationale est d’assurer notre dissuasion nucléaire, sur la base d’une dissuasion stratégique.

La doctrine officielle de la Fédération de Russie sur la dissuasion nucléaire dans les conditions actuelles a été rendue publique le 2 juin 2020. 

Il convient de souligner que l’apparition d’un document de ce niveau dans l’espace public est inédit sur l’histoire entière de l’Union Soviétique et de la Fédération de Russie qui lui a succédé.

Ce document de planification stratégique dans le domaine de la sécurité militaire élémentaire définit les dangers et les menaces, que doit neutraliser [par avance] la dissuasion nucléaire, les principes de base et les acteurs de la dissuasion et, surtout, les conditions d’utilisation de l’arme nucléaire.

La publication de ces “Fondements” a reçu un large écho médiatique, tant au niveau national qu’à l’étranger. Elle a constitué une surprise pour la plupart des experts dans le domaine des armes nucléaires, même si les avis divergent sur un certain nombre de dispositions essentielles de ce document.

Ainsi, par exemple, les médias américains et ceux de leurs alliés otaniens ont mis l’accent sur « l’agressivité » de la politique de la Russie, sa volonté de « justifier la création de ses nouvelles armes stratégiques et l’abaissement du seuil d’application des armes nucléaires » et son but de semer la division au sein de l’OTAN. 

De plus, pour faire peur à ses alliés, en particulier sur le flanc oriental, les États-Unis attribuent à la Russie le concept, qui n’existe pas, de « l’escalade pour la désescalade ».

Dans des publications « neutres », des spécialistes évoquent la volonté de la Russie de se donner la légitimité internationale dans le domaine de la dissuasion nucléaire face aux conditions agressives américaines provoquées par l’arsenalisation croissante et au démantèlement du système de traités internationaux dans le domaine du contrôle des armements nucléaires.

Un certain nombre d’experts occidentaux et la plupart des experts nationaux soulignent le caractère opportun de la publication de ce document, qui témoigne du désir de la Russie de réfréner le déclenchement de la course aux armements des États-Unis, la militarisation de l’espace, la modernisation américaine de défense antimissile et la démolition du système de la sécurité internationale. 

La présentation publique par la Fédération de Russie des conditions possibles d’utilisation de l’arme nucléaire tient lieu d’avertissement quant à l’inutilité de toute « force de pression » sur la Russie et quant à sa volonté de défense militaire de ses intérêts nationaux.

Pour évaluer objectivement la conception russe de la dissuasion nucléaire, il est nécessaire de procéder à une évaluation complète des cadres politiques et militaires et des conditions internationales. Fait sans précédent, pour la première fois de toute l’histoire de la possession de l’arme nucléaire, notre gouvernement a publié sa vision de son rôle et de sa place dans l’ensemble du système de sécurité nationale.

Ce n’est pas un secret que ces dernières années, la situation dans le monde s’est considérablement dégradée à cause des actions de l’administration américaine de destruction méthodique du système de sécurité internationale et de maîtrise des armements, si laborieusement établi à la fin du xxe siècle. 

Le début de ce processus remonte à la sortie unilatérale des États-Unis du Traité ABM en 2002, qui constituait pourtant, depuis de nombreuses années, la référence en matière de limitation des armements stratégiques offensifs. 

Ont suivi la sortie unilatérale des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (Traité FNI) en 2019, et en 2020 l’arrêt de leur participation dans le Traité sur le régime « ciel ouvert ».

Apparemment, la sortie des États-Unis du Traité FNI est motivée par leur volonté de placer des missiles de moyenne et courte portées au sol à proximité des frontières russes, et celle du Traité sur le régime « ciel ouvert » pour contrôler les systèmes d’armes au-dessus de leur territoire.

Au cours des dernières années, la situation dans le monde s’est dégradée considérablement, du fait de l’action de l’administration américaine visant à la destruction méthodique d’un système de sécurité internationale.

Le dernier accord en cours de validité dans le système de sécurité internationale et de maîtrise des armements – le Traité sur les mesures de réduction et de limitation des armes stratégiques offensives de 2010 (Traité START-3), prendra fin le 5 février 2021.

Or, les États-Unis, ont déjà annoncé leur refus de renouveler leur participation à ce traité START-3, sans aucune argumentation comme par exemple des accusations d’infractions supposées de la part de la Russie.

La Fédération de Russie a pourtant proposé de prolonger la période de validité du Traité START-3, car cela permettrait :

  • de garder le contrôle sur les mesures de réduction et de limitation des armements stratégiques des deux côtés,
  • d’assurer la transparence de la composition de leur armements stratégiques
  • et en conséquence, de donner la possibilité de prédire de façon fiable les capacités de combat au cours de cette période. 

Cela offrirait un délai supplémentaire pour rechercher des solutions quant à la problématique de la limitation des armements stratégiques et quant à la promotion d’un nouvel accord.

Dans l’hypothèse où le Traité START-3 serait néanmoins résilié par les Américains, la configuration politico-militaire serait considérablement aggravée, car l’absence de règle conventionnelle pourrait permettre l’augmentation incontrôlée des armes stratégiques américaines.

Nous soulignons que c’est extrêmement dangereux, parce que le monde, une fois de plus, comme lors de la seconde moitié du xxe siècle, sera en équilibre au bord d’une catastrophe nucléaire mondiale. 

La grande question reste le sort du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).

La destruction du TNP peut être le déclic qui conduirait à une course aux armements nucléaires dans le monde et un nombre croissant de pays dotés d’armes nucléaires, qui seraient en premier lieu des armes dites de « seuil ».

En ce qui concerne le TICE, la Russie a respecté ce traité depuis 20 ans. Dans le même temps, les Américains, après l’avoir signé en 1996, ne l’ont toujours pas ratifié. Il est remarquable que l’« allié » des États-Unis sur la suite à donner à ce traité soit la République Populaire de Chine. En 2006, ces deux pays – à la différence de 172 autres États – ont refusé d’accepter la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la nécessité pressante de la signature et de la ratification du TICE.

Ainsi, après la résiliation du Traité START-3 ne restera-t-il pas un seul accord international en vigueur pour limiter la course aux armes stratégiques. Et ceux que l’on appelle les « faucons » américains [les néo-conservateurs, qui défendent une position agressive dans les conflits internationaux] auront alors les mains libres.

Il est nécessaire de souligner que toutes ces actions du côté américain se produisent sur fond d’annonces de nouvelles dispositions concernant leur politique nucléaire et leur défense antimissile.

Dans le cadre d’une “Étude de la stratégie nucléaire aux États-Unis” parue en 2018, on peut sélectionner les points-clefs qui exercent une influence significative sur la dissuasion nucléaire :

• pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, la Russie est déclarée l’ennemie des États-Unis, avec toutes les conséquences qui en découlent ;

l’usage préventif de l’arme nucléaire est envisagé ;

• la modernisation profonde des forces nucléaires est prédite, ainsi que la création de nouveaux missiles de croisière et d’armes nucléaires de faible puissance. La création de ces munitions, qui ne sont en fait rien moins que « l’arme du champ de bataille », conduira certainement à la baisse du seuil de son application.

Presque simultanément à l’adoption de cette nouvelle doctrine nucléaire des États-Unis, a été adopté le concept de développement PRO, contenant un certain nombre de nouvelles dispositions :

• l’objectif global du système de défense antimissile est de neutraliser les menaces de tout type, en premier lieu celles émanant de la Russie et de la Chine, et de déployer ses composants, y compris en Europe, bien qu’ils aient initialement été dirigés contre les missiles stratégiques ;

• on déclare la création de moyens d’attaque spatiale à l’échelon du PRO, c’est-à-dire le retour en arrière à un programme vieux de 40 ans – celui dit de l’« Initiative de Défense Stratégique » (IDS), dans le cadre de laquelle a été examinée la plus large gamme de ses moyens : missiles miniatures intercepteurs, laser cosmiques, plates-formes en orbite dotées d’armes d’un nouveau genre, basées sur les progrès scientifiques ;

• on reconstitue l’ensemble des armes laser aéroportées, notamment sur la base de drones de classe lourde ;

• on introduit une nouvelle conception de la destruction sur les installations adverses de missiles balistiques, le soi-disant « échelon zéro PRO » : le tir doit être appliqué directement sur les installations adverses des zones de missiles, alors que les missiles sont sur leurs rampes de lancement ou leurs silots, sur des aéronefs sur les aérodromes et sur les navires stationnés dans les bases navales.

Il faut souligner que l’introduction de l’échelon zéro de la PRO supprime la différence entre arme défensive et arme offensive.

Un facteur déstabilisant supplémentaire tient à la création par les États-Unis, au cours de l’année 2019, de troupes spatiales et à leur volonté de placer des batteries d’armes dans l’espace, en conformité avec la stratégie de « Défense spatiale » du Ministère de la Défense des États -Unis, annoncée en juin 2020. L’espace est ainsi annoncé comme devenant une arène pour la conduite de la guerre.

À notre avis, toutes ces étapes de l’administration américaine visent à mettre en œuvre le concept de «Global coup» avec l’application prospective de frappes de fond, y compris par des missiles hypersoniques. Nous alertons sur le fait que les outils de ce concept pourront être équipés d’armes nucléaires.

Le puzzle prend forme : les mesures prises au cours des deux dernières décennies par les États-Unis dans le domaine des armements stratégiques sont un maillon de la chaîne et visent à atteindre la supériorité militaro-technique afin de maintenir leur leadership mondial et d’assurer leur victoire dans la mesure du possible, dans les guerres à venir sur n’importe quel pays du monde ; principalement sur la Russie, y compris par l’affaiblissement économique au moyen de l’implication dans la prochaine course à l’armement.

Il ne faut pas oublier les alliés des États-Unis dans le bloc de l’OTAN. 

Dans l’ensemble, l’OTAN dispose d’un avantage considérable sur la Russie en termes de systèmes stratégiques non nucléaires et de forces conventionnelles. Ce qui, dans les conditions de l’élargissement de l’Otan et de ses manœuvres aux frontières russes, force notre gouvernement à réagir aux menaces militaires sur sa sécurité.

Pour expliquer la position russe sur la dissuasion nucléaire à l’opinion publique mondiale et aux états-majors militaires et dirigeants politique des états des adversaires potentiels, la Russie a rendu publics un certain nombre d’énoncés appartenant au cadre conceptuel.


1. Nous confirmons une fois encore que la « politique nucléaire » de la Fédération de Russie est purement défensive.

Ce n’est pas une simple déclaration, c’est la pierre angulaire de la politique générale de l’État russe, sur laquelle repose notre stratégie de dissuasion. La Russie n’attaquera directement personne, mais nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour neutraliser toute agression contre notre pays. Cette approche reflète la stratégie active de dissuasion et peut être décrite comme une « défense active ». Ce faisant, la Russie prend et prendra toutes les mesures nécessaires pour réduire la menace nucléaire.


2. La dissuasion nucléaire vise à assurer que les potentiels de l’adversaire, y compris ceux de la composition de la Coalition, soient pris en considération ; l’imminence des représailles en cas d’agression contre la Russie et ses alliés ; les dommages inacceptables causés à celui ou ceux victimes de ces représailles.
Intrinsèquement, la dissuasion nucléaire est une forme réflective particulière de la politique de notre état, menée en agissant sur la gestion politique de l’adversaire potentiel et sur sa persuasion de l’imminence des conséquences négatives encourues : la certitude de l’application par la Fédération de Russie de la force et des moyens de la dissuasion nucléaire.

3. À la base de la dissuasion nucléaire se trouvent les capacités de combat des forces nucléaires inhérentes à chaque armée.
Par conséquent, le maintien de la capacité nucléaire à un niveau suffisant pour assurer la dissuasion est l’une des priorités de notre pays.
Ce faisant, on établit un minimum d’adéquation des forces opérationnelles et des moyens ainsi que la rationalité de leur structure et de leur composition, des méthodes d’application, ainsi que d’alerte élevée afin de garantir des dommages inacceptables à tout ennemi potentiel, lors de toute évolution et politique et militaire et stratégique.
Cela signifie que la Russie ne sera pas impliquée dans l’épuisante course aux armements nucléaires, la priorité étant donnée à l’aspect qualitatif de leur composition plutôt qu’au quantitatif.

4. La Fédération de Russie souligne que les menaces militaires viennent de l’Occident collectivement, et qu’elles sont liées à leur accumulation près des frontières de la Fédération de Russie : groupes armés, forces conventionnelles, armements et notamment vecteurs d’armes nucléaires, avec le déploiement de systèmes et d’outils de PRO, batteries de missiles de diverses origines et aux multiples destinations, y compris dans l’espace.


5. En tant qu’acteurs de la dissuasion nucléaire sont mis en évidence deux groupes d’États :
• les États étant dotés d’une force nucléaire – et/ou d’autres types d’armes de destruction massive et/ou d’un important potentiel de combat de forces conventionnelles – qui considèrent la Fédération de Russie comme un ennemi potentiel, ainsi que les militaires de la Coalition (blocs, syndicats) et les états étant partie prenante ;

• les États qui acceptent sur leur territoire national le déploiement stratégique de capacités offensives (missiles de croisière et missiles balistiques, vecteurs hypersoniques, drones d’attaque), des centres stratégiques de défense antimissile, des stations radar et systèmes de frappe nucléaire, les armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive, d’autres états, pouvant être utilisés contre la Fédération de Russie et/ou contre ses alliés.

Si le premier groupe d’États ne soulève pas de question, faire partie du second groupe est un avertissement à l’intention des États concernés : ces derniers devront bien réfléchir avant de donner l’autorisation de déployer sur leurs territoires respectifs des capacités offensives étrangères.

6. Les principes de la dissuasion nucléaire sont bien connus et définissent les orientations fondamentales de la politique de notre État pour la mettre en œuvre. 
Cela concerne la centralisation de la gestion et de la préparation des forces et des moyens, de la rationalité de leur structure et de leur composition.
Le respect des obligations internationales en matière de contrôle des armements est une priorité pour la Russie. 

Notre gouvernement a toujours honoré et respecté les engagements internationaux pris.

La continuité des mesures de dissuasion signifie que toutes les activités militaires et non-militaires sont organisées de manière intégrée, dans le cadre du mécanisme de la dissuasion nucléaire en temps de paix, en période de menace immédiate de l’agression et en temps de guerre, à toutes les étapes de la naissance et du développement d’un conflit militaire, jusqu’au début de l’utilisation massive des armes nucléaires.

L’adaptabilité de la dissuasion face aux menaces militaires implique le choix pour l’une ou l’autre des contraintes de mesures (actions) en fonction de l’existant. Les menaces militaires ré-émergentes contre la sécurité de la Russie sont déterminées sur la base d’une analyse politique et militaire et de l’environnement stratégique dans le monde et les dangers militaires sur la Russie à court, à moyen et à long terme.


7. Pour la première fois, la Russie publie dans l’espace public les conditions qui déterminent la possibilité d’utilisation de ses armes nucléaires.
La première condition est l’apport d’informations fiables sur le lancement de missiles balistiques attaquant le territoire de la Russie et/ou de ses alliés. Le lancement d’un missile balistique sera détecté par le système d’alerte d’attaque de missiles [qui compose le système de défense antiaérien Avanguard].

Il ne sera pas possible de déterminer le type d’armement (nucléaire ou conventionnel). Par conséquent, tout missile offensif sera considéré comme un missile nucléaire de pointe. Les informations sur le lancement de la fusée seront automatiquement transmises à la direction militaire et politique de la Russie, qui selon les exigences de la situation déterminera l’ampleur de la riposte des forces nucléaires.

Les conditions de l’utilisation par l’adversaire de matières nucléaires et d’autres armes de destruction massive, ou l’agression avec les moyens conventionnels ne devrait pas soulever de question chez les experts.

À la question posée sur la valeur cible de l’agression contre la Russie disposant d’importantes capacités nucléaires, on peut donner comme réponse concrète la tentative d’élimination de la Russie en tant qu’État.

Par conséquent, dans ses principes fondamentaux, la Russie a détaillé les « lignes rouges » que nous ne conseillons à personne de franchir. Si l’adversaire potentiel est, malgré tout, prêt à le faire, alors la réponse sera sans aucun doute dévastatrice.

La concrétisation de cette action (où, quand, combien) sera déterminée par la direction politique et militaire de la Russie, en fonction de la situation.

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СТЕРЛИН A. c’est-à-dire : chef du bureau Principal de la gestion opérationnelle de l’état-major. Général des Forces Armées de la Fédération de Russie, un éminent spécialiste militaire de la Fédération de Russie, le général-major.
ХРЯПИН A. L. – chercheur en chef au Centre militaire d’études stratégiques de l’académie Militaire de l’état-major Soleil de la Fédération de Russie, docteur ès sciences militaires, le colonel.

==== Fin de l’article de Krasnaïa Zvezda ====

La force nucléaire russe : l’histoire de TSAR BOMBA

En 1961, Nikita Khrouchtchev décida de donner une leçon aux Américains en démontrant la puissance nucléaire soviétique et en relançant les tests nucléaires atmosphériques jusque-là suspendus. La construction d’une bombe à hydrogène fut décidée et confiée à l’équipe d’Andreï Sakharov, qui réussit à assembler huit bombes H de moindre portée pour un engin pesant au total 27 tonnes.

Avec 57 mégatonnes, c’est l’arme de destruction massive la plus énergétique jamais utilisée.

Une réplique de la TSAR BOMBA, la plus puissante des bombes nucléaires de l’histoire, a été exposée pour la première fois à Moscou le 1er septembre 2015.
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Larguée par un bombardier Tupolev Tu-95 modifié (rendu étanche, débarrassé d’une partie de ses réservoirs, recouvert d’une peinture réfléchissante, et ouvert dessous pour pouvoir transporter la bombe) à environ 13 kilomètres d’altitude, elle explosa le 30 octobre 1961 – quatre mois après l’ordre de Khrouchtchev – à 3,7 km environ au-dessus du « site C » de l’archipel de la Nouvelle-Zemble dans l’Arctique russe.

Photo de l’explosion de la TSAR BOMBA le 30 octobre 1961.
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La bombe détruisit toutes les vitres dans un rayon de 800 km, produisit un séisme de magnitude 5 et un champignon atomique de 32 km de hauteur.

Les effets prévisionnels que produirait le lancement d’une Tsar Bomba à la verticale de Paris…

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CONCLUSION

L’UPR reste très attentive aux évolutions des doctrines militaires.

Le décret pris par le président russe le 2 juin 2020 et cet article de Krasnaïa Zvezda dont nous proposons la lecture et la traduction à nos lecteurs, sont du plus haut intérêt.

On assiste en effet à une inversion totale des situations.

On se souvient de l’opacité soviétique des années 1970 face à la transparence affichée des États-Unis. Un demi-siècle plus tard, la volonté de clarté assumée de la Russie est tout à fait remarquable.

Moscou précise ainsi les fondements de sa doctrine de dissuasion nucléaire stratégique : le terme est important. La stratégie se place au niveau intermédiaire entre la politique et la tactique.

Alors que la tactique rassemble tous les éléments pour triompher sur le champ de bataille, la stratégie établit le modus operandi pour gagner la guerre.

Par extension, affirmer l’arme nucléaire comme stratégique, comme viennent de le faire les Russes et comme le font les Français depuis Charles de Gaulle, c’est la restreindre à un usage de dernier recours et se refuser à un emploi tactique et par extension, à son arsenalisation excessive et à sa “normalisation” (ou “rationalisation” ?).

Les Russes vont plus loin : ils soulignent à la fois le caractère strictement défensif de l’arme et le caractère implacable de la riposte à toute attaque ennemie.

Il est frappant de constater que cette doctrine est très similaire à la doctrine gaullienne de “sanctuarisation du territoire national” et de défense “erga omnes” définie dans les années 60 par le fondateur de la France Libre. On retrouve la défense dite “du faible au fort” théorisée par la France de de Gaulle avec le concept de rétorsion du “faible” assurée en cas d’attaque du “fort”, et de dommages inacceptables causés à ce dernier.

La Russie précise en outre la hiérarchie des menaces potentielles. Comme dit précédemment, la Russie se refuse à l’arsenalisation excessive et rompt de facto avec la course à l’armement sans fin qui se profile depuis quelques années, suite aux remises en question successives de plusieurs traités par les États-Unis.

Nous soulignons également le réalisme russe, qui statue que “tout missile (conventionnel ou nucléaire) tiré sur la Russie ou un pays allié sera considéré comme un missile nucléaire de pointe”, et qu’une riposte appropriée – et nucléaire si nécessaire – lui sera aussitôt apportée.

Le document stratégique publié par Moscou constitue une mise en garde dénuée d’ambiguïté, non seulement contre les États-Unis, mais contre leurs alliés. Ceux-ci sont prévenus que l’accueil sur leur territoire de systèmes américains, nucléaires ou conventionnels (antimissiles, nucléaires – référence à la Pologne, FNI) fera d’eux des objets de la même dissuasion nucléaire russe.

Commission Défense nationale de l’UPR
22 août 2020