ZONE EURO : LA DIVERGENCE DES SOLDES TARGET S’ACCROÎT INEXORABLEMENT ENTRE L’ALLEMAGNE ET L’ITALIE. Reprenant les analyses de l’UPR, le site Business Bourse s’affole.

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Lors de la campagne présidentielle, François Asselineau a fait état du chiffre des Targets allemandes, qui se montait alors à 813 milliards d’euros.

La montée des eaux s’est depuis poursuivie, et le dernier chiffre publié par la Bundesbank est de 879 milliards d’euros fin septembre.

Le site Internet en ligne BusinessBourse s’en émeut. Le journaliste fait part de son inquiétude à ses lecteurs, même s’il reste incertain de la gravité de ses implications ; faut-il dire « bombe à retardement », ou juste « déséquilibre majeur » ? Quoi qu’il en soit, il précise que cela « inquiète au plus haut point l’Allemagne ». Il illustre son texte avec la capture d’écran d’un terminal Bloomberg qui a l’avantage de montrer que le montant italien, lui aussi, est à son record, mais vers le bas.

Je rappelle aux lecteurs que ce montant est une dette pour la Banque d’Italie, du montant effarant de 432 milliards d’euros, et non une créance comme pour la Bundesbank.

Je crois utile de rappeler aussi la signification concrète de ces données pour l’Allemagne et pour l’Italie.

  • a) signification pour l’Allemagne

Ces données veulent dire que, si l’Allemagne quittait la zone euro, elle se retrouverait créancière de la BCE d’une somme de 879 milliards d’euros, dont il faudrait défalquer la contrevaleur des billets qu’elle a mis physiquement en circulation, que les spécialistes estiment d’environ 600 milliards d’euros.

Si l’Allemagne quittait la zone euro, elle se retrouverait donc avec un compte créditeur à la BCE garni de quelque 280 milliards d’euros.

  • b) signification pour l’Italie

Si l’Italie quittait la zone euro, elle se retrouverait débitrice de la BCE d’environ 450 milliards d’euros, somme à laquelle il faudrait ajouter la contrevaleur des billets qu’elle a mis physiquement en circulation, que les spécialistes estiment d’environ 150 milliards d’euros.

Si l’Italie quittait la zone euro, elle se retrouverait donc avec une dette envers la BCE de quelques 600 milliards d’euros, immédiatement exigibles.

L’an dernier, le président de la BCE Mario Draghi a été très clair sur ce point, dans la conclusion d’une lettre par lui adressée à deux eurodéputés de son pays, et que j’ai exposée dans un article toujours en ligne sur notre site.

Certes, les banques centrales des États sortant de la zone euro récupéreront les billets en euros qu’elles échangeront contre les nouveaux billets de la monnaie nationale rétablie.

La Bundesbank récupérerait ainsi ceux qu’elle échange aux résidents allemands contre la nouvelle monnaie allemande. Mais cela ne représenterait pas la totalité des 600 milliards d’euros émis en billets car une grande partie est détenue par des non-résidents allemands aux fins de thésaurisation (par exemple, des Russes). Quoi qu’il en soit, elle rapporterait les billets euro récupérés à la BCE, ce qui abonderait encore son compte créditeur.

La Banque d’Italie  récupérerait ceux qu’elle échange aux résidents italiens contre la nouvelle monnaie italienne. Mais cela ne représenterait pas la totalité des 150 milliards d’euros émis en billets car les gens des pays du Sud ont tendance à thésauriser les billets euro – et les Italiens ne souhaiteraient pas forcément les échanger contre de nouvelles lires.

Si l’on fait l’hypothèse que la Banque d’Italie en récupère la moitié, cela signifierait qu’elle se libèrerait ainsi d’une partie de sa dette envers la BCE de l’ordre de 75 milliards d’euros. Mais il resterait tout de même plus quelque 525 milliards d’euros à payer.

 

Conclusion : une situation insoutenable et impossible à dénouer sereinement

On se rend compte que l’euro, tel qu’il a été construit, a conduit à une situation impossible à dénouer, épouvantable aussi bien pour les très créditeurs, tels l’Allemagne, que pour les très débiteurs, tels l’Italie.

Il n’est pas agréable d’être le créancier d’un gros débiteur insolvable.
Mais il n’est pas agréable non plus d’être le gros débiteur.

L’expérience malheureuse de l’euro aura de toute façon une conséquence : la détérioration profonde et durable des relations entre les peuples allemand et italien. Il faut en être conscient.

Vincent BROUSSEAU
Responsable national de l’UPR pour les questions monétaires et le rétablissement du franc
22 octobre 2017