Dictature : Un “expert” européiste britannique réclame l’interdiction en Europe de tout référendum sur les questions européennes

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Le “point de vue” de Faser Cameron a été publié le 11 avril 2016 sur le site Euractiv

De nationalité britannique, Fraser Cameron est un ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne. C’est désormais un analyste politique, largement médiatisé outre-Manche pour commenter les questions européennes et les affaires internationales. Il est directeur de « Eurofocus-Bruxelles » et professeur adjoint à la « Hertie School of Governance » à Berlin.

Suite au référendum qui a eu lieu le 6 avril 2016 aux Pays-Bas sur l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine – référendum qui s’est soldé par 61,1% de Non et une participation de 32% le rendant valide -, cet « expert » vient de publier un article sur le site Euractiv pour réclamer l’interdiction des référendums à travers toute l’Europe, dès lors qu’ils porteraient sur les politiques européennes.

Euractiv est une fondation de droit belge, composée d’un réseau de médias européens « indépendants » spécialisé dans la publication d’articles sur les questions européennes. Officiellement, la « tribune » ainsi offerte à Fraser Cameron n’engage pas la responsabilité d’Euractiv.

Il n’en demeure pas moins que ce genre de « point de vue » ressemble fort à ce que l’on appelle un « ballon d’essai », pour tester la façon dont l’opinion publique réagirait à une pareille mesure. En tout cas, ce genre d’articles témoigne de la très alarmante dérive des européistes, qui exigent désormais des mesures de plus en plus clairement dictatoriales.

Comme le lecteur pourra le mesurer, le « point de vue » de Fraser Cameron est bourré de sophismes et de mauvaise foi.

Le prétendu « expert » européiste affirme par exemple qu’il « est peu démocratique que 30% des électeurs dans un État membre puissent bloquer une politique approuvée par 27 États membres ». Mais il passe sous silence que les 27 autres peuples des 27 autres États membres n’ont justement pas été consultés sur l’accord d’association UE-Ukraine, et que tout porte à penser que, s’ils l’avaient été, une écrasante majorité d’entre eux auraient rejeté cet accord comme l’ont fait les Néerlandais.

Le même prétendu « expert » – qui n’est en fait qu’un propagandiste virulent -, reprend par ailleurs à son compte cet argument éculé des apprentis dictateurs européistes, selon lequel les peuples ne répondraient jamais aux questions posées par les référendums, mais à d’autres considérations. Et que, dès lors, c’est le « système de démocratie représentative en Europe qui doit être renforcé ». Il s’agit évidemment d’un raisonnement totalement fallacieux : car si l’on postule que les peuples ne répondent jamais à la question posée par un référendum, pour quelles raisons mirobolantes serait-on assuré que leur volonté serait mieux respectée par des députés qu’ils ont élus sans jamais évoquer ladite question ?

En réalité, et tout le monde le comprend bien, la volonté de supprimer les référendums et de laisser la « démocratie représentative » décider à la place des peuples revient tout simplement à considérer que les peuples sont comme des enfants à mettre sous tutelle. Les dictateurs en costume-cravate de l’euro-atlantisme estiment que les peuples n’ont, au fond, pas leur mot à dire sur la conduite des affaires publiques, et que celle-ci doit être confiée à des gouvernants ou des députés présélectionnés par le système médiatique et l’oligarchie qui le maîtrise.

L’article de Fraser Cameron est disponible en anglais ici.

J’en propose ci-après une traduction en français de mon cru (avec les réserves d’usage) pour nos lecteurs non anglophones.

François ASSELINEAU

POURQUOI NOUS DEVRIONS INTERDIRE LES RÉFÉRENDUMS SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES Par Fraser Cameron

AVERTISSEMENT : Les opinions formulées dans cette tribune reflètent les opinions de l’auteur (s) et n’engagent pas EurActiv.com PLC.

Il est peu démocratique que 30% des électeurs dans un État membre puissent bloquer une politique approuvée par 27 États membres, écrit Fraser Cameron. Fraser Cameron est un ancien fonctionnaire de la Commission européenne et Conseiller principal chez Cambre Associates, un cabinet de conseil en relations publiques et affaires publiques basé à Bruxelles.

Les référendums deviennent un énorme problème pour l’UE. Le dernier résultat aux Pays-Bas sur l’accord d’association avec l’Ukraine est probablement le pire résultat possible. Si le taux de participation avait été inférieure à 30%, le gouvernement néerlandais aurait pu en toute sécurité ignorer le vote. Mais avec un peu plus de 30% de vote, et le rejet de l’accord d’association avec l’Ukraine par 64-36, le gouvernement devra consulter le Parlement sur la façon de procéder.

Pourquoi ce «Non»? Il est clair que le camp anti-UE qui grossit aux Pays-Bas est bien organisé et se soucie plus de la relation du pays avec l’UE que la majorité des «électeurs mous» qui, à cette occasion, n’ont pas pris la peine de se rendre aux urnes. La dernière révélation des « Panama papers » selon laquelle le président ukrainien Porochenko pourrait être impliqué dans des paradis fiscaux corrompus pourrait également avoir joué un rôle dans le vote «Non».

Ce qui est clair, c’est que ce résultat négatif provoque un embarras majeur pour le gouvernement, surtout parce qu’il assure actuellement la présidence de l’UE. Le Premier ministre néerlandais Rutte doit maintenant réfléchir sur ce qu’il faut faire. Il ne veut certainement pas que les Pays-Bas soient le seul pays opposé à l’accord avec l’Ukraine (tous les autres pays ont ratifié l’accord, ainsi que Kiev).

Le résultat représente aussi un coup dur pour le président de la Commission Juncker, qui a averti des conséquences désastreuses d’un «non» et la satisfaction que cela donnerait au président Poutine. Le service juridique de la Commission va sans doute passer des heures supplémentaires à rédiger des protocoles et des notes de bas de page pour prendre en compte les préoccupations néerlandaises. L’accord d’association sera certainement retardé, ce qui découragera le camp pro-réforme à Kiev. Il pourrait également retarder de nouvelles initiatives d’élargissement et de politique de voisinage. Ce serait un résultat très dommageable.

Il est trop tôt pour dire quel pourrait être l’impact sur la campagne référendaire au Royaume-Uni, mais il n’y a aucun doute qu’il donnera un coup de pouce à l’UKIP et aux autres partisans du «non». Ce qui est également clair, d’après les campagnes néerlandaise et britannique actuelles, c’est que les politiciens anti-UE utilisent le vote pour soulever des questions allant au-delà de la portée de la question posée. Ce fut aussi le cas lors du référendum irlandais sur le traité de Lisbonne lorsque le camp du «Non» dit que le «Oui» signifierait la fin de la neutralité irlandaise et l’obligation d’avortements gratuits. Geert Wilders, homme politique eurosceptique le plus important du Pays-Bas, se vantait après le vote néerlandais que les résultats étaient «le début de la fin pour l’UE. »

Il y a indubitablement une tendance croissante aux référendums. Il y en a eu plus de 50 au cours des vingt dernières années. Parfois, les référendums sont imposés aux gouvernements, s’il y a un soutien suffisant d’électeurs, comme cela a été le cas aux Pays-Bas. Parfois, ils sont utilisés pour essayer de préserver l’unité d’un parti, comme cela est le cas au Royaume-Uni. Et parfois, le gouvernement estime que ce serait un dispositif utile pour gagner rapidement en popularité, comme Mitterrand a essayé de faire avec le traité de Maastricht.

Quels que soient les motifs, il y a peu de preuves que les référendums atteignent jamais leur but. Nous avons un système de démocratie représentative en Europe et c’est cela qui doit être renforcé, en même temps que des mesures visant à une plus grande transparence et à une meilleure participation des citoyens dans le processus décisionnel européen.

Au passage, en ce qui concerne le jugement sur les politiques de l’UE, il est peu démocratique que 30% des électeurs dans un État membre puissent bloquer une politique approuvée par 27 États membres. On pourrait procéder à un référendum élargi à toute l’Union sur une question majeure, par exemple l’institution d’élections directes pour le président de la Commission. Mais un référendum dans un seul État membre sur les politiques de l’UE, cela n’a pas de sens.

Peut-être est-il temps pour l’UE d’interdire les référendums !