Hervé Kempf claque la porte du journal Le Monde en dénonçant la censure qui y règne et en soulignant le parti-pris sur l’Europe

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herve-kempfAuteur de plusieurs ouvrages, comme “Comment les riches détruisent la planète”, “Pour sauver la planète, sortez du capitalisme” et “Fin de l’Occident, naissance du monde”, le journaliste Hervé Kempf vient de démissionner du Monde avec fracas en dénonçant la censure qui y règne.

Ce n’est certes pas un événement planétaire. Mais c’est un petit signal – un de plus – qui témoigne du malaise grandissant qu’éprouvent les journalistes honnêtes et scrupuleux (car il en existe plus qu’on le croit) devant l’asservissement indigne des grands médias français à l’oligarchie euro-atlantiste.

De quoi s’agit-il ? Hier, 2 septembre, quinze ans après y être entré, le journaliste Hervé Kempf a claqué la porte du “Monde” où il traitait les questions d’écologie. Pour « solde de tout compte », il a publié sur son blogue les raisons de cette démission, en exposant par le menu détail l’ambiance détestable et la censure qui règnent dans le prétendu « journal de référence » de la presse française .

Il fait notamment état de l’échange de courriels qu’il a eu avec le directeur adjoint de la rédaction, Didier Pourquery, qui voulait lui enlever des mains le dossier de l’aéroport de Notre Dame des Landes, sur lequel Hervé Kempf avait publié des articles qui avaient certainement déplu à François Hollande et Jean-Marc Ayrault.

Voici cet échange :

– Didier Pourquery : « Bonsoir, en effet Hervé tu as bien noté que je ne souhaite pas que tu suives ce dossier (NDFXG : Notre Dame des Landes) pour le journal (ni pour le M d’ailleurs). Et j’ai bien noté que tu irais sur le terrain en tant que Hervé Kempf chroniqueur ’engagé’ (NDFXG : pas comme journaliste du Monde donc). Tout est clair. Merci. Didier »

– Hervé Kempf : « J’irai sur le terrain en tant que journaliste. Je ferai mon travail, qui est de témoigner de mon époque, en relatant honnêtement un moment important de l’histoire du mouvement écologique.

Dans le contexte actuel, le terme de chroniqueur “engagé” me paraît injurieux – à moins que l’on parle des “éditorialistes engagés” quand trois éditoriaux avalisent le Traité TSCG, ou de “chroniqueur engagé” à propos de notre camarade assurant la chronique Europe, aux vues très tranchées. J’en reste à ces exemples. »

SOURCE : http://www.reporterre.net/spip.php?article4586

RAPPELS SUR LE JOURNAL “LE MONDE”

A- Un journal possédé par 3 « milliardaires de gauche »

Le journal Le Monde est la propriété du groupe Le Monde, détenu depuis 2010 par trois hommes d’affaires richissimes : Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse.

 Xavier-Niel-Pierre-Bergé-et-Matthieu-PigasseDe droite à gauche : Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, les trois copropriétaires du Monde.

1°)- Xavier Niel

Xavier-NielXavier Niel, vice-président d’Illiad, maison-mère de “Free”, est également copropriétaire du Monde.

Xavier Niel n’est pas seulement co-propriétaire du Monde mais aussi vice-président et directeur de la stratégie d’Iliad, groupe de télécommunications français, maison mère du fournisseur d’accès à Internet et opérateur de téléphonie mobile Free, entités dont il est le fondateur.

En 2013, il possède la 10e fortune de France (et occupe la 179e place dans le classement des plus grandes fortunes du monde selon le magazine américain Forbes) avec un montant estimé de 5,90 milliards d’euros.

Sa vie a par ailleurs été entachée de démêlés judiciaires sordides. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire à la prison de la Santé (Paris) le 28 mai 2004 pendant un mois pour proxénétisme aggravé et recel d’abus de biens sociaux concernant un de ses “peep-shows”. Il a été condamné le 27 octobre 2006 à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à 250 000 euros d’amende par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour recel d’abus de biens sociaux datant de 2001 à 2004 dans un peep-show dont il était actionnaire.

Suite à cette affaire, Xavier Niel a attaqué plusieurs fois en diffamation le journal Libération et le journaliste Renaud Lecadre, auteur d’articles dans le quotidien et sur le site liberation.fr évoquant ses démêlés judiciaires. Mais Xavier Niel et la société Free sont déboutés systématiquement lors de procès qui se sont tenus au deuxième trimestre 2008, et condamnés à verser des dommages-intérêts à Libération pour procédures abusives.

[ SOURCE : http://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Niel ]

En bref, Xavier Niel est un homme qui n’aime pas beaucoup que des journalistes fassent leur travail d’investigation et de recherche de la vérité.

2°)- Pierre Bergé

Pierre-BergéQuoi que très proche du PS, Pierre Bergé ne dédaigne pas les ors de l’Elysée, quel qu’en soit le locataire : ici avec Carla Bruni-Sarkozy

Pierre Bergé, ancien compagnon d’Yves Saint Laurent, qu’il aida à fonder la maison de couture du même nom, est un soutien de longue date, en termes médiatiques et financiers, du Parti socialiste. Ami intime de François Mitterrand, aujourd’hui Président des Amis de l’institut François Mitterrand, il est également militant de la cause homosexuelle et de la lutte contre le sida, co-fondateur de l’association Sidaction dont il est aujourd’hui président.

En 2011, Pierre Bergé est également un homme richissime, qui possède une fortune estimée à 120 millions d’euros.

Plusieurs incidents ont régulièrement émaillé les relations entre Pierre Bergé et les rédactions des médias qu’il possède :

– début mars 2011, Pierre Bergé a adressé à Erik Izraelewicz, directeur du Monde, un courrier électronique pour dénoncer un article consacré à François Mitterrand, comme étant « immonde, à charge, digne d’un brûlot d’extrême droite », une « honte qui n’aurait jamais dû être publiée ».

– le 11 avril 2013, Pierre Bergé a émis un tweet de protestation contre la page publicitaire de « La Manif pour tous » que la rédaction du journal Le Monde avait accepté de publier : « profondément scandalisé que le journal Le Monde ait publié une publicité pour lamanifpourtous contraire aux valeurs de ce journal », écrit-il, avant de conclure par  : « ceux qui ont accepté [cette publicité] ne sont pas dignes de travailler dans ce journal. À suivre. » Cette menace n’a semble-t-il pas été suivie d’effet.

– le 2 juillet 2013, devant le Conseil de surveillance qu’il préside, Pierre Bergé a pris à partie le Directeur de la rédaction du magazine catholique La Vie, au sujet d’un éditorial que celui-ci avait rédigé contre le mariage pour tous : « Je ne suis pas obligé de supporter [l’éthique] de La Vie que je combats tous les jours. Oui, je serais heureux que ce journal ne fasse plus partie du Groupe. »

Au sein du groupe de presse, cette nouvelle sortie a provoqué de vives réactions. Le « Pôle d’indépendance », qui regroupe les autres actionnaires, les sociétés des rédacteurs et les sociétés du personnel, ont « rappelé », dans un communiqué de presse diffusé le lendemain, « que la définition de la ligne éditoriale des titres et sites du groupe est du ressort exclusif des directeurs des rédactions et de leurs équipes rédactionnelles.

[ SOURCE : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Berg%C3%A9 ]

En bref, Pierre Bergé est un homme qui n’apprécie pas du tout que des médias et des journalistes pensent différemment de lui.

  • 3°) Matthieu Pigasse

Matthieu-PigasseMatthieu Pigasse, ici en photo à gauche, à côté de Jean-Pierre Jouyet à droite. Ce dernier, proche de François Hollande et de Ségolène Royal, qui fut néanmoins Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes de Nicolas Sarkozy, de mai 2007 à décembre 2008.

Diplômé de Sciences Po, ancien élève de l’ENA et administrateur civil au ministère de l’Économie et des Finances, à la Direction du Trésor, Matthieu Pigasse a été conseiller technique au cabinet du ministre Dominique Strauss-Kahn puis, un an plus tard, directeur adjoint du cabinet du ministre Laurent Fabius, chargé des questions industrielles et financières.

Depuis son passage dans ces cabinets ministériels de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius, il est resté proche du Parti socialiste et particulièrement de Dominique Strauss-Kahn.

Il est d’ailleurs membre du conseil d’administration de la Fondation Jean-Jaurès, “think tank” du parti socialiste, ainsi que de la fondation ultra-européiste EuropaNova.

Sur les conseils d’Alain Minc, il a été recruté par la banque Lazard en 2002 comme associé-gérant de la banque en 2002. Il y a pris la tête de l’activité « conseil aux gouvernements » en 2003, puis est devenu successivement directeur du marketing, vice-président de Lazard Europe et enfin co-directeur général délégué de Lazard France en septembre 2009.

En 2007, il a conseillé Ségolène Royal et n’a pas caché ses ambitions concernant un ministère en cas de victoire de la candidate socialiste à l’élection présidentielle.

En 2009, il a collaboré avec Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë et aussi Manuel Valls.

[ SOURCE : http://fr.wikipedia.org/wiki/Matthieu_Pigasse ]

Ce « banquier de gauche » copropriétaire du Monde, par ailleurs propriétaire du magazine « Les Inrockuptibles » et actionnaire du «Huffington Post» français, gagne un salaire d’environ 5 millions d’euros par an (soit à peu près 20 000 euros par jour ouvrable).

[ SOURCE : http://www.capital.fr/enquetes/hommes-et-affaires/mathieu-pigasse-patron-de-lazard-france-merci-la-crise-787609 ]

B- Un journal au bord de la faillite soutenu à bout de bras par l’État

Le journal Le Monde, dont la diffusion avait atteint 450 000 exemplaires quotidiens dans les années 1978-1981, tire désormais à 318 236 exemplaires par jour en 2012, en chute de -30% en trente ans. (il tirait encore à 358 000 en 2007).

Encore ce nombre compte-t-il l’ensemble des exemplaires diffusés, y compris ceux qui le sont gratuitement. Le nombre des exemplaires payés n’est que de 314 212, dont seulement 288 113 en France, en 2012.

En outre, ces exemplaires payés le sont très souvent par des organismes publics (l’État et les collectivités locales en achètent des milliers pour l’information de leurs cadres dirigeants) ou privés (hôtels ou compagnies aériennes par exemple pour les distribuer gratuitement à leurs clients).

Ce déclin tendanciel qui semble irrésistible a conduit le journal Le Monde dans des difficultés financières dont il ne semble pas voir le bout malgré les efforts de diversification et de redressement. En juin 2010, le journal recherchait 10 millions d’euros pour éviter la cessation de paiement en juillet et ses dettes s’élèvent à 94 millions d’euros.

Comme la plupart des titres de presse français, le journal Le Monde touche des subventions de l’État. Ainsi, il a perçu 2,95 millions d’euros d’aide du fonds d’aide à la modernisation de la presse de 2003 à 2010. En 2010, il est le second quotidien français qui reçoit le plus de subventions de l’État avec 17 millions d’euros d’aides directes.

SOURCES :
http://www.ojd.com/adherent/3147
http://www.inaglobal.fr/presse/article/le-monde-un-journal-en-peril
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde#Diffusion_et_audience

diffusion-du-journal-Le-MondeÉvolution de la diffusion du journal Le Monde de 1945 à 2010 : après les fastes années 1960-1970, la diffusion du « quotidien de référence » ne cesse de reculer malgré tous les efforts entrepris.

diffusion-du-journal-Le-Monde2Évolution du résultat net du journal Le Monde de 1946 à 2010 : complètement tenu par les forces euro-atlantistes, le « quotidien de référence » n’est plus rentable. Il ne survit que grâce à l’État, c’est-à-dire grâce aux contribuables, et selon la bonne volonté de l’UMPS. Le journal est ainsi devenu un outil de propagande européiste, particulièrement destiné aux cadres supérieurs du secteur public et au corps enseignant.

diffusion-du-journal-Le-Monde1Évolution du chiffre d’affaires du journal Le Monde de 1991 à 2010 : une dégringolade qui met en jeu la survie du journal depuis les années 2000.

CONCLUSION : LA CENSURE DU “MONDE” DÉVOILÉE DE L’INTÉRIEUR

En bref, le « quotidien de référence » de la presse française est un journal :

  • possédé par 3 hommes d’affaires richissimes, ultra-européistes et proches du Parti socialiste (du moins pour deux d’entre eux),
  • dont le nombre de lecteurs volontaires diminue constamment,
  • non rentable,
  • et dont la survie est uniquement assurée par l’État – c’est-à-dire par l’argent des contribuables -, via des subventions de 17 millions d’euros par en et par des achats en nombre d’exemplaires destinés à être distribués aux cadres supérieurs de toutes les administrations.

C’est un euphémisme que de souligner que l’ensemble de ces caractéristiques ne prédisposent pas le journal Le Monde à faire preuve de liberté d’analyse et d’indépendance, ni vis-à-vis des pouvoirs en place, ni vis-à-vis de l’oligarchie euro-atlantiste.

La démission d’Hervé Kempf de ce journal est intéressante car elle vient confirmer publiquement et de façon éclatante cette domestication du « quotidien de référence » par les forces euro-atlantistes.

Il a en effet expliqué sa démission par les trois principaux motifs suivants :

  • a)- la rédaction en chef du Monde a une appréciation complètement biaisée et partisane de ce que serait un article « engagé » et de ce qui ne le serait pas,
  • b)- elle n’hésite pas à censurer les journalistes qui ne se conforment pas à la ligne exigée,
  • c)- en particulier, il y a une ligne obligatoire sur l’Europe, dont on comprend entre les lignes qu’elle est insupportable à certains journalistes, dont Hervé Kempf.

Sauf erreur, c’est la première fois qu’un grand journaliste de la presse française démissionne en soulignant le parti-pris exclusivement pro-européen d’un grand média. C’est la preuve que les esprits évoluent et que les langues commencent à se délier.

François ASSELINEAU