Le scandaleux démantèlement de nos services publics : Le cas de l’hôpital de Douarnenez

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La dégradation en cours du secteur hospitalier de la ville de Douarnenez – ville portuaire de 14 000 habitants dans le Finistère – mérite d’être exposée au niveau national, tant elle est caractéristique de ce qui se passe dans la France entière. À la fois quant aux raisons de cette destruction et quant à l’aveuglement – sciemment entretenu – des Français sur l’origine de leurs maux.

Que se passe-t-il donc à Douarnenez ? Le directeur adjoint de l’ARS (Agence Régionale de Santé), M. Pierre Bertrand, a annoncé, début décembre 2014, la fermeture de l’activité de chirurgie ambulatoire de l’hôpital de la ville, et que ceci fait craindre que ce ne soit le prélude à la fermeture définitive de l’établissement à terme.

Retour sur les faits

Selon l’ARS, « l’hôpital de Douarnenez n’a enregistré en 2014 que 581 actes de chirurgie. 67 % des gens du secteur préfèrent déjà se faire opérer de la cataracte à Quimper… À travers ces données, le directeur adjoint de l’ARS, Pierre Bertrand, est venu, ce vendredi, justifier la fin de la chirurgie ambulatoire ».

Jugeant « dérisoire » ce nombre de 581 opérations par an – ce qui représente tout de même une moyenne de 1,6 par jour 7jours sur 7- il a conclu, non sans cynisme, que « le problème de la cataracte à Douarnenez n’est pas [son] problème ».

Toujours selon M. Bertrand, il est inutile de s’affoler car l’objectif est de continuer à « garantir ainsi l’accès aux soins urgents à moins de trente minutes, à travers le maintien des urgences et du Smur, un accès à des consultations de spécialistes et un plateau technique avec imagerie et des explorations fonctionnelles, et enfin la prise en charge des hospitalisations longues et des soins de suite ».

Source : le Télégramme 13/12/14 : l’ARS vient acter la fin de la chirurgie

Deux scénarios s’affrontent

Comme annoncé  ci-dessus, le constat chiffré de l’ARS fait valoir que les actes opératoires dans cet hôpital de proximité sont insuffisants et que ce seul fait doit amener à la conclusion – toujours la même, dès qu’il s’agit de services publics – de mettre fin à cette activité.

Seule solution pour l’ARS, qui reste ferme sur ses positions : maintenir un anesthésiste à temps partiel pour les explorations fonctionnelles. En aucun cas, l’agence ne souhaite recruter uniquement pour Douarnenez (alors qu’il y a des volontaires), ni autoriser l’anesthésiste de Pont-L’abbé (qui est pourtant volontaire) à venir exercer à Douarnenez  alors qu’il le fait à Quimper.

Par ailleurs, le constat de départ n’est pas clair. Les médecins concernés contestent formellement le nombre de 581 opérations par an. Ils affirment quant à eux procéder à « 2000 actes opératoires, en hausse de +140% depuis 2009 » – ce qui fait la bagatelle de 5,5 opérations journalières 7 jours sur 7. C’est en tout cas ce qu’affirme Ronan Largeau, vice-président du CME (Comité Médical d’établissement), qui intègre dans ses calculs les actes en ophtalmologie, en chirurgie plastique, en orthopédie, en chirurgie viscérale, ainsi que les actes d’endoscopie et de cardiologie.

En outre, les médecins affirment que des réponses concrètes existent. Par exemple « faire venir deux anesthésistes du lundi au jeudi (4 à 5 sont déjà prêts à venir) et signer un contrat d’objectifs sur 3 ans », comme le propose le CME.

Une chose est sûre : ces propositions demeurent toujours lettre morte auprès de l’ARS.

Source : Le Télégramme 16/12/2014 : Hôpital : le comité de soutien ne désarme pas
Source : Le Télégramme 21/12/2014. Défense de l’Hôpital.

 

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Une salle comble de plusieurs centaines de personnes venues à Douarnenez le 25  novembre pour exiger, dans une ambiance surchauffée, le maintien de l’hôpital public.

Réaction monstre : quand les services publics sont en danger, les oppositions habituelles se taisent…

La réaction à cette annonce de fermeture ne s’est pas fait attendre. Des élus locaux de tous les bords politiques sont descendus manifester, en arborant au passage l’écharpe tricolore et non le drapeau breton (« gwen ha du »). Comme quoi, dès lors qu’il s’agit de sujets sérieux, les élus locaux savent que c’est vers l’État et la République Française qu’il faut se tourner.

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Entre 4 000 et 4500 personnes se sont mobilisées près de l’hôtel de ville de Douarnenez le samedi 6 décembre afin de défendre les services publics de proximité. Élus de tous bords, médecins, personnel de santé, usagers…Une manifestation au-delà des clivages comme l’appelle de ses vœux l’UPR pour redonner sa souveraineté à la France

À ces élus locaux se sont joints des médecins, du personnel médical et des usagers, qui sont descendus en très grand nombre dans les rues de Douarnenez ce samedi 6 décembre. De 4 à 4 500 manifestants ont ainsi répondu à l’appel de mobilisation générale du comité de soutien. Pour une ville de 14 000 habitants. C’est beaucoup. C’est même une démonstration de force face au projet de l’ARS.

Cette réaction massive s’explique logiquement : selon les médecins, la disparition du bloc opératoire est synonyme, à terme, de la disparition de l’hôpital tout court, comme cela s’est déjà vu de nombreuses fois ailleurs dans toute la France. Un seul mot d’ordre général lors de cette manifestation – sans aucune étiquette politique : Défendre l’hôpital public de proximité et garder la chirurgie ambulatoire.

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Déjà 12 000 signatures pour la pétition lancée par le comité de soutien pour le maintien de la chirurgie ambulatoire à Douarnenez. Les personnes se sont volontairement bandé un œil afin de répondre au cynisme du directeur adjoint de l’ARS pour qui le problème de cataracte de Douarnenez n’était pas son problème.

Le dit et le non-dit de la CGT

Suite à cette manifestation qui a eu lieu, le 20 décembre dernier, une réunion publique à Poullan-sur-Mer du comité de soutien de l’hôpital, soutenu par la CGT. La salle municipale avait du mal à contenir les 300 personnes qui s’étaient déplacées pour se tenir informées de l’évolution de la situation, malheureusement toujours au point mort.

Qu’y a-t-on entendu ? Ceci : « Le comité ne peut accepter la disparition éventuelle du service de chirurgie, qui s’accompagnerait de la fermeture d’autres services et activités de notre hôpital public de proximité. Il rappelle que depuis des années les hôpitaux publics de proximité, partout en France, subissent des fermetures de service au détriment des bassins de vie. Le comité estime que les besoins de la population en matière de santé doivent passer avant la recherche d’économies par le biais de concentrations hospitalières au bénéfice d'”hôpitaux de référence”.

« Depuis 2009, la CGT de l’hôpital prévoyait ce scénario et l’a dénoncé à maintes reprises. La CGT est lasse des politiques de casse du service publique menées par les différents gouvernements qu’ils soient socialistes ou de droite. En outre, la CGT appelle les élus du territoire à prendre publiquement une position ferme par rapport à leur famille politique pour que cesse le démantèlement du service public sous prétexte d’une faillite de la France alors que des milliards d’euros sont distribués sans contrepartie au patronat et à ses actionnaires ».

Comme on le voit, et comme elle le fait systématiquement, la CGT ne dit pas un mot des contraintes juridiques fixées par les traités européens, auxquelles nos dirigeants sont pourtant obligés de se conformer. 

Source : Le Télégramme 6/12/2014 : La ministre prend position

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le mot d’ordre « Touche pas à mon Hosto » en tête de l’impressionnant cortège pour la petite ville que représente Douarnenez dans le Finistère comparé à Brest et Quimper. Toutes les personnes de la péninsule du Cap se sont mobilisées car cet hôpital couvre potentiellement 75 000 usagers

Comme d’habitude, la ministre fait de la figuration

La colère ne désemplit pas car la pétition lancée par le comité de soutien a déjà été signée par 12 000 personnes et une grève est déjà annoncée à Quimper le 17 janvier prochain.

Cette affaire a pris localement une telle ampleur que la ministre – dite « socialiste » – des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine, a dû prendre position sur ce dossier.

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Marisol Touraine, ministre – dite « socialiste » – des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Son pouvoir pour faire changer les choses est à peu près exactement égal à zéro.

Comme d’habitude, elle n’a pu que prendre acte d’une situation qui la dépasse en évoquant les difficultés actuelles : « La nouvelle organisation de la chirurgie a été mise en place en 2014 sous la forme d’une activité programmée et ambulatoire, dans le cadre de l’Union hospitalière de Cornouaille. Ce dispositif est aujourd’hui fortement fragilisé, les médecins anesthésistes du Chic de Quimper ayant cessé d’intervenir sur le site de Douarnenez, compte tenu des tensions sur les effectifs d’anesthésistes », note la ministre, pour qui « il est impératif de tirer un bilan de l’expérience menée en 2014 et de repréciser la place de l’établissement au sein de l’Union hospitalière de Cornouaille ».

Pour cela, elle a demandé à l’Agence régionale de santé (ARS) « de conduire les concertations nécessaires afin d’aboutir à un projet médical pérenne, soutenable financièrement, et permettant l’ancrage de l’établissement dans le territoire, en s’appuyant sur l’ensemble des partenaires ». « Une solution pérenne est possible »

Source : le Télégramme 06/12/14 : hôpital : La ministre prend position

La vraie cause : le démantèlement progressif et continu des services publics résulte des directives européennes

Ce qu’ignorent certainement la grande majorité des manifestants – comme la grande majorité de nos compatriotes -, c’est que ce type de mesures découle directement de Bruxelles et plus précisément de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui nous interdit d’avoir la politique des services publics de notre choix puisque celle-ci ne peut-être contraire aux sacro-saints principes de concurrence.

Cet article 106 vient en complément de l’article 121 du même traité, qui nous impose les « Grandes orientations de politiques économiques » (GOPÉ), feuille de route économique imposée à Matignon par des Commissaires européens non élus, avec sanctions à la clé contre la France si elles ne sont pas appliquées.

La dernière de ces directives en date est celle du 2 juin 2014. Elle imposait à la France encore et toujours l’idéologie ultra-libérale, et plus spécialement, dans le cas qui nous concerne :

  • a) – la « redéfinition de la portée de l’action des pouvoirs publics »

Traduction : accélérer encore les privatisations et la destruction de notre système de santé et de nos services publics, auxquels les Français sont majoritairement attachés, quelle que soit leur couleur politique.

Source : Les GOPE ou feuille de route économique de Matignon, Charles-Henri Gallois https://www.upr.fr/actualite/europe/les-gope-grandes-orientations-politique-economique-feuille-route-economique-matignon 

  • b) – la « réduction des dépenses publiques » :

Cette nécessité de « réduire les dépenses publiques » est tellement martelée dans la tête des populations, par tous les médias de grande diffusion, que la grande majorité de l’opinion l’admet désormais sans discussion. Cependant, personne ne remet les choses en perspective ni n’explique aux Français les choix budgétaires implicites qu’on prend en leur nom.

Ainsi, au moment même où l’on explique aux habitants de Douarnenez et de sa région qu’il va falloir fermer l’activité de chirurgie ambulatoire de l’hôpital de la ville, la Commission européenne a décidé, le 8 janvier 2015 et dans le dos des Français, que « l’Union européenne » versera 1,8 milliard d’euros d’aide supplémentaire pour l’Ukraine en 2015. (Source : http://www.romandie.com/news/Juncker-annonce-18-milliard-deuros-daide-supplementaire-de-lUE-pour-lUkraine/552423.rom )

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Quel rapport dira-t-on ? Le rapport, c’est que les fonds prétendument « versés par l’Union européenne » proviennent en réalité des paiements effectués par les 28 États-membres à l’UE. Et que la France en paye à peu près 16%, soit un sixième.

Cela signifie que le gouvernement, qui annonce d’un côté que l’État n’aurait plus les moyens de financer les quelques centaines de milliers d’euros que doit coûter chaque année le service de chirurgie ambulatoire de l’hôpital de Douarnenez, admet sans broncher de l’autre côté que les Français soient taxés de 300 millions d’euros pour subventionner le gouvernement ukrainien (1/6e de 1,8 milliards d’euros).

Voilà comment on se moque des Français et comment on utilise leur argent sans le leur dire….

Du fait des contraintes de l’Union européenne, le gouvernement assure que la France n’a pas les quelques centaines de milliers d’euros nécessaires pour maintenir en fonctionnement normal les hôpitaux locaux sur lesquels comptent des centaines de milliers de citoyens et contribuables.  Cette destruction du service hospitalier local amène les maires à descendre dans la rue partout en France (ci-dessous des maires manifestant pour sauver l’hôpital de Granville, dans la Manche) :

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Mais en revanche, la France a suffisamment d’argent pour verser, via l’Union européenne, 300 millions d’euros DE PLUS cette année au gouvernement ukrainien et à ses alliés néo-nazis ! Ci-dessus, une manifestation des néo-nazis du parti Svoboda, dont les dirigeants sont choyés par les dirigeants euro-atlantistes, Laurent Fabius en tête….

Gouvernement ukrainien dont il faut rappeler qu’il a été mis en place par les Américains à la suite d’un coup d’État, qu’il repose pour partie sur des forces ouvertement néo-nazies, et qu’il est en train de nous entraîner collectivement à un conflit de plus en plus grave avec la Russie !

Ce choix budgétaire-là, aussi grave et scandaleux soit-il, est totalement caché à l’opinion publique. En parfaite connivence, ni le gouvernement, ni les partis prétendus d’opposition, ni les médias, ni les syndicats ne le présentent aux Français. Seule l’UPR le fait.

Conclusion : seule l’UPR explique le fond des choses

Malheureusement personne d’autre que l’UPR ne vient jamais expliquer aux Français l’origine précise d’une majeure partie de leurs problèmes.

Personne d’autre que l’UPR n’explique aux Français le détail des articles 106 et 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Personne d’autre que l’UPR n’explique que nos soi-disant élites dirigeantes ne sont que les marionnettes d’une politique décidée à Bruxelles et non plus à Paris. Ainsi, la CGT locale a visiblement compris que c’était la même politique de casse des services publics qui était appliquée, quelle que soit la couleur du gouvernement. Mais elle ne va, comme d’habitude, jamais au-delà. Elle en reste toujours à sa ligne de base – « c’est une politique de patrons et d’actionnaires » -, comme si l’Union européenne et ses traités contraignants n’existaient pas !

Pendant que des partis politiques ou des syndicats neutralisent vicieusement la colère des Français en général, et celle des salariés des entreprises publiques en particulier, en leur promettant une « Autre Europe » depuis 56 ans (sans jamais expliquer comment ils parviendront à convaincre pour cela la nécessaire unanimité des 27 autres États…), l’UPR leur propose quant à elle de prendre le taureau par les cornes en arrêtant cette sinistre plaisanterie de prétendue « construction européenne » qui est en train de détruire nos services publics , en plus de tout le reste.

Par solidarité avec les habitants de Douarnenez et de la région, et par souci de leur expliquer ce que les autres leur cachent, l’UPR du Finistère sera présente à la prochaine manifestation, prévue le 17 janvier prochain à Quimper, en faveur du maintien du service de chirurgie ambulatoire à Douarnenez.

Jean-François GOURVENEC
(Délégué Régional Bretagne pour l’UPR)